Hier, l’Allemagne n’a pas fait mieux qu’un match nul face à la Serbie. Toujours séduisante dans le jeu, elle accumule pourtant Des résultats médiocres. Face à la dépression, Joachim Löw a décidé de faire le ménage au sein de la sélection. L’objectif : tourner la page de 2014 et débuter un nouveau chapitre. Mais rompre avec ce somptueux passé ne se fait pas sans mal.
Nouvelle déception. Pour les allemands les temps sont durs décidément. Hier soir, les hommes de Joachim Löw ont concédé un match nul sans gloire (1-1) face à la Serbie devant leurs supporters. Après la déroute lors de la Coupe du monde et la relégation en Ligue des Nations, la Mannschaft s’enlise dans une crise de résultats. Surtout, cette piètre performance ne va pas faire taire les critiques qui pleuvent sur le sélectionneur. Il faut dire que le technicien a décidé d’imposer une petite révolution. Un grand ménage qu’il estime nécessaire pour relancer l’équipe.
Crise de résultats
Et quand les résultats ne suivent pas, les interrogations fleurissent. Les hommes de Joachim Löw n’ont remporté aucun de leur quatre matchs de Ligue des Nations. Sur les six dernières rencontres, ils ne comptent que deux victoires face au Pérou et à la Russie. Le match nul face à la Serbie n’a rien de satisfaisant pour les supporters. Mais l’essentiel n’était sûrement pas là hier soir. À Wolfsburg, c’est avant tout le renouveau annoncé de cette équipe d’Allemagne qui a retenu l’attention des observateurs.
Depuis l’élimination au premier tour de la Coupe du monde, un vent nouveau souffle sur la sélection. Confirmé dans ses fonctions, le fidèle architecte Löw a bien l’intention de rénover l’édifice qu’il s’emploie à bâtir depuis presque 13 ans et dont les fondations commencent à s’éroder. Exit donc les Thomas Müller, Mats Hummels et autres Jérôme Boateng. Le 5 mars, le sélectionneur a annoncé aux trois champions du monde 2014 qu’il ne comptait plus sur eux à l’avenir. Alors qu’il semblait ménager les ténors de vestiaire, le renouveau amorcé par Joachim Löw prend des allures de petite révolution.
« L’année d’un nouveau départ »
La très décevante campagne de Ligue des Nations en fin d’année dernière l’a sans doute convaincu qu’une rupture plus radicale était nécessaire pour relancer l’équipe. « 2019 est pour l’équipe d’Allemagne l’année d’un nouveau départ. Nous voulons donner un nouveau visage à l’équipe. Les jeunes internationaux vont avoir l’espace nécessaire pour s’épanouir complètement. » s’est justifié le sélectionneur en conférence de presse. Seuls Manuel Neuer et Toni Kroos font figure de rescapés du grand ménage de printemps allemand.
Pour remplacer les anciennes gloires, la solution est donc toute trouvée : miser sur les nouvelles générations. Quitte à faire appel à des joueurs n’ayant aucune expérience internationale. Face à la Serbie et aux Pays-Bas, trois joueurs ont fait ou feront leurs premiers pas avec la Mannschaft : Maximilian Eggestein (22 ans, Werder Brëme), Niklas Stark (23 ans, Hertha Berlin) et Lukas Klostermann (22 ans, RB Leipzig). Sur les 23 joueurs retenus, un tiers peut encore être appelé en sélections de jeunes.
Au total, seulement dix joueurs sélectionnés ont pris part à la dernière Coupe du monde en Russie, le plus souvent en tant que remplaçants. Joachim Löw n’a pas caché son désir de voir les jeunes espoirs « prendre leurs responsabilités ». L’idée n’est pas si farfelue compte tenu du statut de certains joueurs et de la qualité des clubs dans lesquelles ils évoluent. Malgré cela, la question de l’expérience et du leadership se pose. Par exemple, Leroy Sané et Niklas Süle n’atteignent pas les 20 capes avec la sélection (respectivement 17 et 16). C’est dire l’ampleur des changements amorcés chez nos cousins germains.
Fin de cycle
L’idée a beau faire grincer des dents outre-Rhin, ces évolutions aussi symboliques que sportives ne sont pas forcément insensées. Un air de fin de cycle flottait ces derniers mois au sein de la Mannschaft de Tomas Müller et compagnie. Si la maitrise technique demeure, une certaine lassitude a sans doute gagné certains cadres de l’équipe. À l’image de cet improbable match nul (2-2) concédé dans les dix dernières minutes à domicile face au Pays-Bas en novembre, l’équipe semble parfois dépassée dans l’engagement et la concentration.
L’ancien joueur du Borussia Dortmund Matthias Sammer a d’ailleurs souligné ce point après l’éviction des clubs allemands en Champions League : « Je pense que les autres nations nous ont dépassé sur nos points forts. Pas seulement en matière de jeu, mais aussi en matière d’envie et de volonté ». Renouveler l’équipe pour donner un nouveau souffle n’a donc rien d’absurde. Il s’agit même d’une stratégie classique lorsqu’un effectif semble épuisé. l’Allemagne n’est ni la première équipe ni la dernière à devoir en passer par là.
Le grand ménage a aussi pour objectif de reprendre en main une sélection en proie à des problèmes extra-sportifs. « L’Erdogate » – Gündogan et Özil avait pris une photo en compagnie du président turc Erdogan – a pollué la préparation de la sélection à la Coupe du monde et la question du racisme envers les joueurs d’origine turque ne s’est pas éteinte au cours de l’été. Un nouveau départ pourrait permettre de passer à autre chose et d’endiguer le développement d’un certain désamour des supporters à l’égard de leur équipe nationale. La réconciliation passe certainement par des choix difficiles mais nécessaires.
Difficile révolution
Mais aucune révolution ne va sans résistance et les critiques fusent autour du sélectionneur. Ces derniers jours, c’est l’éviction des trois tauliers qui a cristallisé les colères. Ce n’est pas la décision sportive en elle-même que dénoncent ses détracteurs mais bien la méthode et le timing employés. L’annonce est mal passée pour Mats Hummels qui a fustigé « une façon de faire incompréhensible » et le manque de considération envers des joueurs qui « ont tout donné pour l’équipe nationale ». Même le président de la fédération Reinhard Grindel a rappelé à l’ordre Joachim Löw jugeant qu’il « aurait été sage d’exprimer personnellement sa reconnaissance aux joueurs ». Même son de cloche chez la légende Lothar Matthäus pour qui le sélectionneur « a tout faux en termes de timing et de communication » même si la décision sportive est « totalement compréhensible ».
La révolution ne va pas non plus sans interrogation. Au-delà du niveau de cette Allemagne new look, c’est le maintien de Joachim Löw qui interroge. Bien sûr, son passé avec la sélection plaide pour lui. Mais tourner la page de ces belles années et ouvrir un nouveau chapitre passerait peut-être par un changement de coach. Difficile d’incarner le changement sans changer la tête. Après tout, qu’il fasse bien jouer cette équipe personne n’en doute. Mais sera-t-il capable de ranimer la flamme de la victoire ? la question se pose. Une chose est sûre : convaincre les sceptiques passe par une victoire contre les Pays-Bas.
Crédit photo : Daniel Roland / AFP.