Serge Gnabry, de la désillusion à l’explosion

Il est aujourd’hui un des meilleurs joueurs du championnat allemand et un homme clé du Bayern en 2020 version Hansi Flick. Ses performances, aussi bien en Bundesliga qu’en Ligue des Champions avec le Bayern, ou en sélection nationale avec la Mannschaft, font de lui un des offensifs les plus prometteurs du football mondial. En effet, Serge Gnabry a déjà inscrit 28 buts et délivré 11 passes décisives au cours de cette saison, évoluant dans un rôle d’ailier très moderne qui lui permet de pleinement tirer profit de ses qualités. Mais s’il brille aujourd’hui à l’âge de 24 ans, le parcours du natif de Stuttgart a souvent été semé d’embûches. Retour sur la jeune carrière du numéro 22 bavarois qui est petit à petit en train de s’affirmer comme un des dignes successeurs de la célèbre paire Robben et Ribéry. 

C’est à Stuttgart, le 14 juillet 1995 que naît Serge Gnabry. Fils de Jean-Hermann et de Birgit, le jeune allemand aux origines ivoiriennes démarre très tôt sa carrière de footballeur dans des clubs avoisinant sa ville natale de Stuttgart qu’il rejoint officiellement à l’âge de 10 ans. Très vite, il monte les échelons et commence à se faire un nom. À tel point qu’il finit par taper dans l’oeil d’un grand monsieur du football habitué à dénicher les talents de demain : Arsène Wenger. Arsenal et Stuttgart parviennent alors à un accord, et le jeune Serge s’envole du côté de l’Emirates en 2011 à l’âge de 16 ans pour un transfert estimé à environ 100 000 euros. A son arrivée, Arsène Wenger déclare : “Serge Gnabry est un grand espoir. J’ai une haute estime de lui. S’il continue son développement, je pense qu’il pourra jouer en équipe première l’année prochaine”. Durant la saison 2011-2012, Gnabry joue avec les -18 ans d’Arsenal, et ses énormes performances le verront être promu en équipe réserve. Continuant sa bonne progression et justifiant les espoirs placés en lui, il effectue ses débuts professionnels avec Arsenal le 17 septembre 2012 en remplaçant Alex Oxlade-Chamberlain durant une rencontre de Coupe de la Ligue. Un mois plus tard, il fait ses débuts en Premier League et en Ligue des Champions durant des rencontres contre respectivement Norwich et Schalke. Il passera le reste de la saison à osciller entre l’effectif professionnel et la réserve, mais déjà les supporters attendent de grandes choses du jeune Serge récemment arrivé de Stuttgart. La saison suivante, sa progression lui permet d’être inclus en équipe première et il obtient ses premières titularisations en Premier League. Il inscrit même son premier but en Premier League pour le club contre Swansea.

A cet instant, tout laisse à penser qu’Arsenal a trouvé en Gnabry un joueur au potentiel de joueur de classe mondiale. Il signe un nouveau contrat de 5 ans avec le club, ce qui témoigne bien de la confiance placée en lui par Arsène Wenger. Malheureusement, le natif de Stuttgart se blesse par deux fois assez gravement au genou, ce qui l’éloigne des terrains pendant  presque l’intégralité de la saison 2014-2015. Les ennuis vont alors commencer. A son retour en pleine possession de ses moyens, il est envoyé à West Bromwich Albion pour gagner en temps de jeu au plus haut niveau. Son nouveau manager, l’atypique Tony Pulis, se dit alors “enchanté d’ajouter Serge Gnabry à ses options”. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. En effet, Gnabry ne jouera que 12 minutes de Premier League en 6 mois et sera renvoyé à Arsenal en janvier. Tony Pulis déclare alors : “il est venu ici pour jouer, mais pour moi, à l’heure où l’on parle, il n’a pas le niveau pour jouer”. Cette saison, Gnabry ne comptera qu’une seule titularisation en Premier League. Son avenir du côté de Londres malgré son évident talent semble alors incertain.

La rédemption en terres natales

Durant l’été 2016, Serge Gnabry revient à Arsenal après avoir été le co-meilleur buteur des Jeux Olympiques de Rio. Il en est conscient : pour franchir la prochaine étape, il devra quitter Arsenal. Bien que les Gunners et notamment Arsène Wenger font tout pour lui faire signer un nouveau contrat, la concurrence à Arsenal et le manque de temps de jeu le poussent vers la sortie. Arsène Wenger déclarera plus tard : “C’était sa dernière année de contrat. Nous étions proches de le prolonger, mais finalement il a changé d’avis et est parti au Werder Brême. Mais je pense que nous lui avons beaucoup appris et je pense que si vous lui posiez la question, il serait d’accord avec cela.” En effet, la carrière de Gnabry aurait certainement été très différente sans ce passage en Angleterre qui, bien que difficile, lui a permis de beaucoup apprendre. Bénéficiant de beaucoup plus de temps de jeu au Werder, sa carrière décolle enfin : en 27 titularisations, il inscrit 11 buts et permet à son équipe de finir à la huitième place. Son évolution va être suivie de très près à la fois par Joachim Low et par le Bayern Munich : une clause dans son contrat avec le Werder lui permet même de pouvoir quitter le club moins de 12 mois après son arrivée. Et le 11 Juin 2017, le Bayern officialise l’arrivée de Gnabry pour la modique somme de 8 millions d’euros.

Son aventure ne commencera pas tout de suite avec Munich, mais plutôt avec Hoffenheim qu’il rejoint en prêt pour une saison. Contrairement à son prêt avec West Brom, celui avec Hoffenheim va beaucoup mieux se passer pour l’ex-Gunner. Si quelques pépins physiques continuent à le suivre, son passage à Hoffenheim et particulièrement la tutelle de Julian Nagelsmann le feront beaucoup progresser notamment sur le plan tactique. Gnabry en apprend beaucoup sur son positionnement, le timing de ses courses pour pouvoir se retrouver face au but le plus rapidement possible, son pressing et son jeu sans ballon. Être aligné sur les 3 fronts de l’attaque participera également à le rendre beaucoup plus polyvalent, ce qui explique aujourd’hui ses capacités d’adaptabilité avec le Bayern et son rôle d’ailier très moderne. Gnabry remerciera souvent Nagelsmann au cours d’interviews évoquant son passage à Hoffenheim. L’équipe finit troisième et s’offre une qualification historique en Ligue des Champions à laquelle Gnabry aura très grandement contribué. A la fin de la saison, il retourne au Bayern, convaincu de pouvoir se faire une place dans le 11 de Niko Kovac.

L’explosion

En 2018, Serge Gnabry arrive dans l’effectif du Bayern avec la ferme intention de se faire une place dans le 11 de départ munichois. L’époque du calvaire à West Brom semble désormais loin derrière lui, et fort de son expérience en Angleterre puis de ses passages à Brême puis Hoffenheim, tout semble réuni pour qu’il puisse performer avec les plus grands. Très rapidement, Gnabry s’impose comme un des meilleurs éléments offensifs de son équipe. Sa polyvalence sur le front de l’attaque et sa capacité à jouer des deux pieds en font un joueur très efficace dans de nombreuses situations d’attaque. Son profil est très complet, et lui permet soit de chercher à déborder vers l’extérieur pour se mettre en position de centre, soit rentrer vers l’intérieur pour se mettre en position de frappe. Ce côté imprévisible, couplé à une très bonne qualité de passe et de finition, en font un joueur utilisable aussi bien sur le côté droit que sur le côté gauche. Gnabry aime en effet beaucoup bouger pour profiter des espaces en gravitant autour de Robert Lewandowski. Ses facilités en 1 contre 1 et sa puissance physique lui permettent également d’être un atout lorsque le Bayern souhaite faire remonter son bloc. Sa première saison au Bayern s’avère être un véritable succès : Gnabry inscrit 13 buts et délivre 6 passes décisives en 42 matches et est élu joueur de la saison par le Bayern qui remporte la Bundesliga, la Coupe d’Allemagne et la Supercoupe d’Allemagne.

Serge Gnabry, élu joueur de la saison 2018/2019 du Bayern Munich

Sa saison actuelle, qui est seulement sa deuxième avec l’effectif du Bayern, est encore plus impressionnante. Gnabry semble avoir passé un nouveau cap depuis l’intronisation d’Hansi Flick en intérim après le départ de Niko Kovac. Il a encore beaucoup progressé notamment durant les transitions et a aiguisé le sens du timing de ses appels aussi bien en profondeur que dans la surface, en étant moins prévisible et beaucoup plus tranchant. Il est également capable de mieux combiner avec ses partenaires avant de lancer ses appels dévastateurs. Toujours aligné aussi bien à gauche qu’à droite, il s’entend parfaitement avec Lewandowski avec qui il aime énormément combiner. Ses capacités à prendre les espaces et à pouvoir rentrer aussi bien vers l’intérieur que vers l’extérieur en font toujours une menace constante, et bien qu’il semble mieux performer sur le côté gauche, Gnabry reste un joueur capable d’évoluer sur tous les fronts de la ligne d’attaque, ce qui fait de lui un ailier au profil vraiment particulier. A l’heure actuelle, il a déjà inscrit 28 buts et délivré 11 passes décisives durant cette saison, et ses performances en Ligue des Champions lui ont permis de vraiment exploser au niveau mondial. En effet, de retour en terres anglaises à l’occasion d’un match de phase de groupes de Ligue des Champions, Gnabry étrille littéralement Tottenham à lui tout seul en inscrivant un quadruplé, et s’affirme au monde comme le digne descendant de la célèbre paire “Robbery” qui a illuminé les ailes du Bayern durant la dernière décennie. Si la première mi-temps est plutôt équilibrée, le Bayern va chercher à relancer de sa propre surface pour faire monter le bloc anglais en deuxième période. Le pressing s’intensifie, tout comme la distance entre les défenseurs de Tottenham. Gnabry profite alors des espaces entre Aurier et Alderweireld et inscrit son premier but de la rencontre d’une frappe croisée après être rentré vers l’intérieur côté gauche. Le deuxième intervient après un décalage côté gauche, et sa frappe croisée vient heurter le poteau avant d’aller au fond des filets. Il exploite une nouvelle fois les espaces laissés par la défense de Tottenham, et après un formidable contrôle en pleine course, il vient ajuster Lloris d’un plat du pied en fin de match pour réaliser un triplé. Enfin, une dernière frappe croisée côté droit lui permet d’inscrire un quadruplé et d’assomer un Tottenham vaincu 7 buts à 2 par le Bayern.

Résumé du match de Ligue des Champions Tottenham-Bayern dans lequel Gnabry inscrit un quadruplé

Ce quadruplé en terres londoniennes a forcément dû marquer l’ancien joueur d’Arsenal, qui, si une fois n’avait pas le niveau pour pouvoir avoir du temps de jeu à West Brom et était rongé par les blessures, est aujourd’hui en plein épanouissement après avoir effectué sa rédemption. Comme un rappel que le football va très vite, et que les échecs d’une époque peuvent contribuer aux succès d’une autre. Rebelote quelques semaines plus tard à l’occasion d’un huitième de finale aller contre Chelsea, à Stamford Bridge. Certainement revanchard, Gnabry va une nouvelle fois briller sur ses anciennes terres. Le Bayern se défait très facilement de Chelsea 3 buts à 0 et Gnabry inscrit un doublé. Par deux fois sa très bonne entente avec Lewandowski fait la différence, tout comme son intelligence de jeu et son sang froid devant les buts.

Le résumé du huitième de finale aller entre Chelsea et le Bayern dans lequel Gnabry a encore une fois été décisif

Si Serge Gnabry n’a pas tout de suite conquis l’Angleterre, ses deux incroyables performances contre Tottenham et Chelsea ont contribué à montrer au monde, et plus particulièrement au peuple anglais, quel joueur il est devenu. Bien que la route fut longue et semée d’embûches, il est aujourd’hui bien loin des tracas de son malheureux passage à West Brom et semble pleinement s’épanouir au Bayern dont il est un des éléments les plus importants. C’est également un joueur très important de la sélection allemande avec laquelle il a effectué 13 matches et inscrit 13 buts. A 24 ans, nul doute que la résilience dont il a fait preuve très jeune dans sa carrière et sa force de caractère en font un joueur à part dont l’Allemagne et l’Europe entière n’ont pas encore fini d’entendre parler.

0