“Il y a un courage de la tête comme du coeur, et le manque de génie n’est parfois que le manque de courage. Se fier à soi, c’est doubler ses forces”, Johan Henrik Kellgren, poète suédois du XVIIIe siècle. Il fut notamment proche du roi Gustave III, lui-même grand amateur de la philosophie des Lumières. L’une des premières montgolfières de l’histoire fut d’ailleurs rebaptisée en son nom, La Gustave. Celle-ci décolla de Lyon en l’an 1784.

Bien qu’ils ne soient pas partis à Lisbonne en aérostat, la vision du courage de Kellgren colle bien aux joueurs du Parc OL. Dans ce livre des horreurs qu’est leur saison 2019-2020, les Lyonnais écrivent pourtant l’une des plus belles pages de leur histoire. Posons donc notre paire de jumelles sur cette envolée européenne lyrique.

Fermé à double tour

La grande force de cet OL, c’est d’abord sa capacité à cadenasser les espaces. Avec son système en 3-5-2, Rudi Garcia crée une forte densité dans l’axe et bloque cette zone. Le rôle des pistons est essentiel. Cornet et Dubois sont les seuls joueurs de couloir et leur positionnement conditionne le bloc défensif lyonnais. S’ils montent cadrer trop haut, l’espace libéré dans leur dos est rédhibitoire. Ils sont donc garants de ce bloc très bas et doivent assurer les retours en cas de projection vers l’avant. Face à City, seuls deux joueurs étaient positionnés en moyenne au-delà de la ligne médiane : Toko-Ekambi et Memphis. Il y avait à l’inverse six Citizens dans le camp lyonnais et sept Italiens lors du match face à la Juve.

Là où les Gones ont parfaitement exploité les faiblesses adverses, c’est lors de la transition offensive. Une tâche que le très technique milieu de terrain a accomplie à merveille, capable de lancer vite et bien vers l’avant. Un trio Guimarães-CaqueretAouar qui travaille beaucoup à la récupération mais est aussi le premier acteur de la projection offensive.  Le numéro 8 sert de véritable liant avec l’attaque, que ce soit en portant la balle ou par ses transmissions géniales. Devant, ce bon vieux Karl profite de sa vitesse pour exploiter la profondeur.

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La stratégie lyonnaise est simple : attaquer les espaces le plus vite possible à la récupération, avant que l’adversaire ne se replace. Un schéma respecté lors des trois buts infligés aux hommes de Guardiola. Sur l’ouverture du score, un long ballon dans le dos pour Toko-Ekambi qui amène le but. Sur la première réalisation de Dembele, Caqueret récupère et joue vite vers Aouar qui lance l’attaquant sur orbite. Enfin, une montée balle au pied de Reine-Adelaïde amène l’ultime but. Symbole de cette réussite : 42% de leurs tentatives converties en but contre seulement 5% pour Manchester.

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S’ils ont subi beaucoup de coups de pieds arrêtés, les Rhônalpins ont plutôt bien négocié ceux-ci. Anthony Lopes a fait le travail sur sa ligne et les 17 corners concédés sur les deux matches n’ont pas coûté cher. De la même manière, sur un total de 65 centres, les adversaires de Lyon ont été assez peu efficaces. Le fait est que face à ce bloc très solide, les centres ont davantage été forcés que réalisés après un déséquilibre. Le résultat est donc une faible réussite à cet exercice.

Il faut souffrir pour être belle

La beauté de cette aventure ne réside-t-elle pas dans ce stress asphyxiant, cette angoisse qui paralyse les supporters jusqu’au coup de sifflet final ? Sûrement, car le moins que l’on puisse dire, c’est que les Lyonnais ont souffert pour en arriver là. Les stats sont sans équivoque : 16 tirs concédés face à la Juve et 18 face à City, le tout avec respectivement 38% et 29% de possession.

Sur ce bloc bas, le coté droit lyonnais est très clairement ciblé. Avec le ballon, Manchester a utilisé son aile gauche à 48% du temps, soit le couloir de Léo Dubois. Les Anglais ont exploité la mauvaise gestion de la profondeur des défenseurs de l’OL. Trop nombreuses sont les fois où Dubois s’est trouvé aspiré par le ballon, libérant l’espace dans le dos et obligeant Denayer à subir le face à face. La relation Cancelo-Sterling a posé problème avec l’ex-Red systématiquement trouvé entre le central et le latéral. Une lacune encore plus flagrante lorsque c’est De Bruyne qui attaquait le demi-espace. Mais les malheurs ne s’arrêtent pas là pour Dubois puisqu’il se trouve très en difficulté sur les un contre un, défendant sur les talons. Sur le but de KDB, le piston et Denayer communiquent mal, Sterling peut alors prendre l’espace dans leur dos.

À la récupération, un autre problème se pose pour les Lyonnais. Les schémas de relances sont pratiquement inexistants. Le moindre pressing contraint les hommes de Rudi à balancer loin devant. Sur l’ensemble des deux parties, on compte un total de 50 dégagements. D’une part, cela est dû à la faiblesse des premiers relanceurs. Que ce soit Lopes balle au pied ou la ligne défensive, dur de contourner la pression adverse, pourtant relativement peu intense lors des deux matches. D’autre part, sur certaines séquences l’équipe se trouve coupée en deux. Cela se manifeste particulièrement lorsque Aouar descend bas sur le terrain et qu’un Memphis peut-être usé physiquement n’a plus les moyen de décrocher. Les deux attaquants sont alors bien seuls devant et il est d’autant plus dur de relancer.

« Un jour j’suis tombé, pour apprendre à me relever », N.O.S

Bon, on va éviter de trop citer PNL en ce moment car on ne veut pas d’ennuis. Mais force est de constater que l’Olympique Lyonnais revient de loin cette saison. Et cela fait peut-être une de leurs forces. Psychologiquement, Rudi Garcia et son groupe ont l’air totalement décomplexés. Ils n’ont plus rien à perdre et jouent sans aucune pression. Tout l’inverse de leurs opposants. La Juventus n’a pas pu sauver sa triste saison et City a perdu son combat face à ses fantômes européens. Pour la première fois, Lyon affrontera donc un adversaire au sommet de sa confiance à l’occasion des demi-finales.

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Connaissez-vous la pensée de Nietzsche à propos de l’oubli ? Il tire une positivité dans celui-ci, sans lequel on ne pourrait plus agir, sans lequel on ne pourrait plus vivre. Se délivrer du passé est donc inévitable pour atteindre le bonheur. Dix ans après, l’OL retrouve le Bayern Munich, à une marche d’une finale de Ligue des Champions. Alors, amis lyonnais, oubliez cette saison morose, oubliez les pronostics. Contentez-vous de profiter, savourer, ces quelques instants de bonheur.

« L’homme qui est incapable de s’asseoir au seuil de l’instant en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu’est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. », Nietzsche, Considérations inactuelles.

Photo credits : UEFA/Pool/Icon Sport

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