Grandiose (adjectif) : qui frappe, impressionne par son caractère de grandeur, son aspect majestueux. Synonyme : le mercato de Chelsea. Effectivement, les superlatifs continuent de pleuvoir au moment d’évoquer l’été 2020 des Blues. Retour sur ce marché des transferts hors du commun réalisé dans un contexte bien particulier.
Dans un monde normal, la Premier League aurait repris depuis près d’un mois déjà. Le mercato anglais aurait fermé ses portes. Manchester City n’aurait pas eu à hésiter pour s’offrir Leo Messi. Manchester United aurait dépensé 70 millions d’euros pour un nouveau défenseur central de seconde zone. Newcastle et Fulham auraient déjà dépouillé la Ligue des talents. Sauf que 2020 n’est pas une année comme les autres. Moins de transferts, plus de lumière pour Chelsea. Plus que jamais, le club londonien tire son épingle du jeu avec un mercato très fructueux au moment de retrouver la compétition ce lundi.
Chelsea, agitateur régulier du marché des transferts
Personne ne sera surpris : Chelsea est habitué à sortir le chéquier lors de l’intersaison. Des périodes de transferts souvent très chargées, se soldant parfois par des échecs. L’été 2017 en est l’exemple parfait. Morata, Bakayoko, Drinkwater, Rüdiger ou encore Zappacosta avaient rejoint Londres pour un montant cumulé de près de 200 millions d’euros. Aujourd’hui, seul le défenseur allemand est encore présent au club. Des joueurs achetés chers, desquels il est attendu un rendement immédiat, sous peine d’être prêté puis revendu. Ces ventes, nombreuses également, permettent au club d’équilibrer ses comptes, bien qu’il finisse souvent une saison dans le rouge.
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Depuis 2010 et sans compter 2019-20, seule la saison 2014-15 s’est soldée avec une balance des transferts positive. Le club se repose sur la fortune de son propriétaire, Roman Abramovitch, qui n’hésite jamais à renflouer les caisses. Chelsea conserve ainsi une équipe compétitive malgré toutes les difficultés en interne et les nombreux changements d’entraîneurs.
Cet été, Chelsea n’est pas en reste. Hakim Ziyech, courtisé par les plus grandes écuries européennes, arrive pour environ 40M€. Timo Werner, longtemps en course avec Lewandowski pour le titre de meilleur buteur en Bundesliga, coute plus de 50M€. Ben Chilwell, un des meilleurs à son poste en Angleterre, est estimé au même prix. Ajoutez à cela les arrivées libres de Thiago Silva et Malang Sarr. Et que dire de l’arrivée de Kai Havertz pour «seulement» 80 millions d’euros et quelques bonus.
Les clés de ce mercato
Si Chelsea se noie souvent au milieu du marché, où de nombreux clubs se distinguent, cet été les choses sont différentes. Les autres clubs du Royaume, aussi riches qu’ils soient, sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Ils font face à une importante baisse de revenus. À cause de (finalement grâce à) l’interdiction de transferts imposée l’été dernier puis finalement levée, le club a réalisé quelques petites économies. Parallèlement, l’UEFA a décidé d’assouplir les règles du fair-play financier pour la saison à venir. Chelsea compte un avantage de taille : être un des seuls clubs attractifs en mesure de sortir le chéquier sans compter. En plus de prendre de l’avance sur ces dossiers, le club n’a pas jeté son argent par les fenêtres. Sur le marché actuel, toutes ces arrivées évoquées plus haut pourraient à juste titre être considérées comme des bon coups.
Ensuite, une fois sur la table des négociations, le club a des arguments de taille. Quelques beaux noms par exemple, comme ceux de Franck Lampard et Petr Cech. Deux gloires des années 2000 et 2010 qui ont permis aux Blues de se replacer sur la scène européenne. L’un devenu entraîneur, l’autre conseiller au club et actif lors des négociations, ont une importante force de persuasion.
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Et comment ne pas mentionner celle qui fait tourner presque à elle seule le club depuis son arrivée en 2010 ? Marina Granovskaia, la dame de l’ombre de Chelsea, est officiellement directrice générale du club. Elle est en réalité bien plus que ça. Bras droit d’Abramovitch, la Russo-canadienne est en quelque sorte la directrice sportive du club. Elle a la mainmise sur les transferts des Blues.
Chargée des négociations pour les départs et les arrivées, Granovskaia s’est faite un nom en se montrant implacable lors des négociations. Si ces nombreux mouvements ne s’avèrent pas tous concluants, elle se rattrape grâce à des accords souvent avantageux pour les Blues au moment de la revente. Suite aux litiges sur les transferts de joueurs mineurs qui avaient conduits à cette interdiction de recrutement, elle avait perdu un peu de sa crédibilité. Mais les ventes d’Eden Hazard, Alvaro Morata et même de Maurizio Sarri avaient permis au club de retrouver le sourire lors d’un été 2019 bien terne. Cet été, elle est en grande partie responsable de ce mercato plus que prometteur.
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Des jeunes trop vite oubliés
Depuis l’arrivée d’Abramovitch, la philosophie sur le marché des transferts ne change pas. Le CFC est souvent à l’affût de joueurs déjà confirmés pouvant devenir de véritables superstars. Mais Chelsea, c’est aussi un club très généreux, qui aime prêter sans compter.
À l’hiver 2019, pas moins de 42 joueurs étaient sous contrat avec le club tout en portant un autre maillot. C’est aussi ça, être un joueur prometteur chez les Blues. Faire le tour de l’Europe sans jamais porter le maillot de Chelsea. Ces joueurs qui, parfois, rapportent quelques précieux millions.
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En Youth League, l’équipe de Chelsea est depuis de nombreuses années très performante. Vainqueurs des éditions 2015 et 2016, ils sont nombreux à avoir confirmé en équipe première. L’interdiction de recrutement de l’été dernier a donné à ces baby blues une véritable opportunité. Tammy Abraham, Fukayo Tomori, Reece James, Calum Hudson-Odoi et bien évidemment Mason Mount ont explosé aux yeux de l’Europe.
Mais quel message est alors envoyé à ces derniers ? Après une saison ayant dépassée les attentes, leur temps de jeu sera drastiquement réduit. Chelsea préfère une fois de plus recruter que faire confiance à ses jeunes, et cela n’est pas nouveau. Avec le calendrier chargé d’un participant à la Ligue des champions, pas de quoi être pessimiste pour ces jeunes joueurs qui joueront une place importante dans la rotation de l’effectif.
Chelsea véritable candidat au titre ?
Mais l’avantage d’avoir un effectif large peut aussi parfois être un inconvénient. Avec la déception due à la baisse du temps de jeu chez certains, Frank Lampard devra trouver les mots justes pour gérer son vestiaire. Cela s’apparente à un problème de riche. Mieux vaut avoir le choix et un effectif large à sa disposition que l’inverse. Logique. De là à être le candidat ultime pour le titre ? Pas si sûr.
En attaque, il faudra sans doute du temps pour que tous ces joueurs s’entendent et trouvent une alchimie. Comment va jouer Chelsea ? Seul l’entraîneur anglais a la réponse. L’année dernière, la défense à trois était souvent de sortie. Cette année, la composition devrait être plus classique. L’animation offensive pose encore question. Havertz, Werner, Ziyech, Pulisic ou encore Mount sont des joueurs polyvalents qui donneront à Lampard la possibilité de s’adapter. Ils pourraient cependant lui donner pléthore de possibilités avant de trouver la bonne combinaison. De plus, sur les quatre joueurs pressentis à être titulaires en attaque, seul Pulisic connaît la Premier League. Cette armada offensive devra être complémentaire avec un milieu solide. Le retour de N’Golo Kanté à son meilleur niveau sera une clé décisive de cette réussite.
Derrière, il reste toujours quelques zones d’ombre. Le club cherche encore à pallier son problème de gardien. Si la défense s’est globalement renforcée, rien n’est pour le moment véritablement rassurant. Thiago Silva paraît un peu seul au centre. Son expérience permettra tout de même à celui qui l’accompagnera de progresser à ses côtés. C’est pourquoi on peut s’attendre à une saison de mise en route avant que Chelsea ne se mette véritablement au niveau de Liverpool ou de Manchester City.
De toute évidence, Chelsea a les armes pour prétendre au podium, voire plus. Frank Lampard, qui sort d’une première année concluante, a désormais les cartes en main pour réussir. Cette saison sera un véritable test pour Super Frank, afin de savoir s’il peut porter un effectif renforcé vers les sommets. Premiers éléments de réponse ce lundi soir face à Brighton.
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