Six titres de champion, huit Copa, une Coupe des coupes, une Ligue Europa, une Supercoupe d’Europe et deux finales de Ligue des Champions. Voici les grandes lignes du palmarès du Valence CF. Si l’on y ajoute le soutien populaire dont bénéficie le club et la foule de grands noms ayant évolué sous ses couleurs (de Kempes à Parejo, en passant par les Canizares, Aimar, Ayala, Villa, Silva et bien d’autres encore), c’est d’un grand d’Espagne dont on parle lorsqu’on évoque le club Che. Pourtant, aujourd’hui, c’est d’une institution en ruine, au bord de l’effondrement, dont il est question. Mais comment les Blanquinegros en sont-ils arrivés là ?
Du succès…
25 mai 2019, stade Benito Villamarin de Séville, devant plus de 53 000 spectateurs, le Valence CF remporte sa huitième Copa del Rey devant le FC Barcelone d’un Lionel Messi buteur impuissant ce soir-là. Ce titre vient couronner une saison du centenaire en tout point réussi pour les Ches : quatrièmes de Liga, qualifiés pour la Ligue des Champions et demi-finalistes de Ligue Europa. Marcelino Garcia Toral et ses hommes ont brillé. Positionnée dans un 4-4-2 aussi flexible qu’efficace, une équipe est née et les Valencians se placent alors comme de sérieux clients pour les saisons à venir. L’effectif voit se côtoyer cadres performants rompus au haut niveau (Parejo, Rodrigo, Paulista, Garay, Neto, Gameiro, Coquelin, Gaya, Wass, Kondogbia, etc) et jeunes talents prometteurs (Guedes, Soler, Torres, Lee, etc.). Le tout cornaqué par un technicien de la qualité de Marcelino et avec un Mateu Alemany aux commandes du sportif, la recette semble idéale. D’autant que cette saison exceptionnelle fait suite à un opus 2017-2018 déjà réussi, puisqu’il avait vu le club se qualifier en Ligue des Champions pour la première fois depuis trois ans. La route vers les sommets semble alors droite et dégagée. On se dit que Valence va s’installer pour un moment dans ces sphères conformes à son statut. Pourtant, le ver est dans le fruit. Et il va faire sa besogne à vitesse grand V.
… au sabotage
Ce ver se trouve être déjà bien installé au sein du club. Et pour cause, cette hydre à deux têtes est constitué de Peter Lim, rien de moins que le propriétaire du club depuis 2014, et de son président et homme de confiance Anil Murthy. Et la chaude nuit andalouse de mai 2019 ne leur a pas vraiment plu. Pas plu du tout même.
Car plus tôt dans la saison, en dépit de toute considération sportive, Peter Lim avait ordonné de lâcher la Copa pour se concentrer sur la qualification en Ligue des Champions (et la manne financière qui va avec). Au mépris de la volonté de l’équipe, du staff et des supporters. Mais ces consignes absurdes n’ont pas été respectées. Et bien que la qualification en Champions League ait aussi été atteinte, la pilule ne passe pas. Le duo ne supporte pas la désobéissance. Ni un succès qui, au final, ne leur doit pas grand-chose. Lim et surtout Murthy vont alors reprendre les choses en main et se replacer sur le devant de la scène.
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S’ensuit un été 2019 sous le signe de l’incertitude et des tensions. La direction passe une grande partie de l’intersaison à tenter de vendre son meilleur buteur Rodrigo Moreno (contre la volonté de Marcelino) et ouvre plus que jamais les portes du club à Jorge Mendes. Ce dernier va notamment œuvrer au transfert du jeune latéral droit Thierry Correia en provenance du Sporting Club Portugal, pour 12 millions d’euros. Somme n’ayant toujours pas trouvé une once de sens sportif aujourd’hui. Finalement, Marcelino sera licencié le 11 septembre 2019. Mateu Alemany, l’architecte d’un Valence CF qui gagne, rendra lui son tablier le 7 novembre. Au début de l’automne 2019, moins de cinq mois après l’ivresse ayant saisi le peuple blanquinegros un soir de printemps, l’heure est à une sévère gueule de bois.
L’inévitable naufrage
Nommé à la place de Marcelino, plus grâce à son réseau et sa capacité à jouer l’homme de paille, Albert Celades n’a jamais été et n’a même jamais semblé être l’homme de la situation. Il faut dire que la mission qui lui fût confiée au début de la saison 2019-2020 avait tout de la mission suicide. Il s’agissait de performer au sein d’un club totalement désuni, avec un vestiaire traumatisé, en rébellion publique contre la direction. Le capitaine Dani Parejo et Ezequiel Garay n’avaient ainsi pas hésité à remettre directement en cause le renvoi de Marcelino et de fait, Murthy et Lim. Dès lors, il semblait impossible pour un technicien sans expérience de réussir dans un tel contexte.
Ce qui paraissait déjà écrit s’est alors réalisé : les résultats ont été médiocres et la fracture entre vestiaire et supporters d’un côté et direction de l’autre n’a jamais cessé de se creuser. Qualifiée tant bien que mal en huitième de finale de Ligue des Champions, Valence sera emportée par l’ouragan Atalanta (8-4 sur les deux rencontres), juste avant l’arrêt des compétitions. Au retour, la situation sera pire et Celades sera licencié après n’avoir remporté qu’un des cinq matches joués après la reprise. Les Ches finiront péniblement à la neuvième place de Liga. Hors des jalons européens.
Si la saison fût ratée sur le terrain, ce fût aussi le cas en coulisses. La prolongation actée de Garay a été annulé au dernier moment. Torres n’a pas été prolongé et est parti pour une bouchée de pain à City, à un an de la fin de son contrat. Hugo Guillamón a été lancé (et donc exposé aux convoitises) sans contrat professionnel. Les Français du club se sont soulevés contre le traitement infligé à Mouctar Diakhaby, chargé individuellement par Celades devant la presse.
Le grand ménage
La fin de cette éprouvante saison n’a absolument pas signifié la fin des coups durs pour les supporters blanquinegros. Au contraire. Rapidement, Ferran Torres rejoint Guardiola et Manchester, non sans avoir allumé Parejo. Ce même Parejo est poussé dehors sans ménagement. Il signera chez le rival Villarreal, après d’émouvants adieux. Son partenaire Francis Coquelin fait le même trajet. Pour deux de ses titulaires, les Valencians récupèrent seulement entre 8 et 13 millions selon les sources. Mais Murthy élimine deux encombrants contestataires, alors peu importe les manifestations de contestation des supporters. Rodrigo Moreno sera lui aussi (enfin) vendu après des années de tentatives infructueuses. Direction le Yorkshire et Marcelo Bielsa, contre 30 millions d’euros. Là aussi, nettement moins que ce qui était annoncé lors des mercatos précédents. Au rayon des arrivées, à l’heure actuelle, l’effectif ne s’est enrichi que des retours de prêts de Centelles, Lato, Carbonell, Blanco, Jason et Racic. Seul le dernier cité semblant réellement capable d’apporter un plus. La situation est déjà périlleuse et Javi Gracia, intronisé sur le banc le 27 juillet, semble déjà en tension avec sa direction. En cause d’abord, le manque de moyens alloués au recrutement, Murthy lui a annoncé qu’il n’y aurait aucun transfert payant, empêchant l’équipe de se renforcer (Gracia cible notamment son ancien joueur Etienne Capoue). Autre motif de friction, les possibles placements de produits estampillés Jorge Mendes au club sans réelle logique sportive. On parle là des jeunes Diogo Leite et Thomas Esteves. En point d’orgue de ces tensions, la liste surréaliste de joueurs libres proposés à l’ancien entraîneur de Watford pour renforcer son groupe, avec entre autres Zozulya (néonazi notoire), Boateng (pas Jérôme, l’autre), Daniel Sturridge (licencié par Trabzonspor en mars pour des paris sportifs illégaux) et Samper (ancien espoir de la Masia exilé au Japon).
Alors que le ciel semblait au beau fixe après des années de galère, il aura suffi d’un peu plus d’un an pour que les nuages s’amoncellent de nouveau au-dessus de Mestalla. Maintenant, l’orage gronde. Le Valencia CF est plongé dans un épais brouillard dont il ne semble pas capable de se sortir à moyen terme. Pas dans sa configuration actuelle en tout cas. Au vu de la dégradation rapide de la situation, on peut même craindre le pire pour le club. Il est difficile d’imaginer le retour des beaux jours sans le départ de la direction actuelle, mais il est tout aussi ardu de croire que Peter Lim et Anil Murthy lâcheront leur jouet facilement. En attendant, dans un stade qui sonne creux, on ne peut que rêver d’un retour de chaudes soirées de liesse, qui paraissent aujourd’hui d’un autre temps.
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