Ce mercredi soir contre l’Ajax, Liverpool part à la reconquête de la Ligue des champions. Et s’ils ne marcheront jamais seuls, les Reds risquent tout de même de boiter plus que de coutume. Car ce soir, Liverpool va redécouvrir la vie sans Virgil van Dijk, atteint aux ligaments croisés. Dans quelle mesure ce genou blessé risque-t-il de défigurer la saison des Scousers ? Quelles parades Klopp pourrait-il sortir pour pallier cette absence ? Analyse d’un casse-tête.
La Mersey n’avait pas encore vu 10 minutes de derby, les Reds menaient déjà. Fabinho lance van Dijk dans la surface. Pickford sort sur lui. Les premiers à frissonner sont les supporters d’Everton. Les plus secoués seront bien ceux du Liverpool FC. Aussi chahutés que le genou de van Dijk. «Jord’âne» et sa sortie aussi guignolesque que meurtrière sont passés par là. Les ligaments du Néerlandais sont touchés. Une opération et de longs mois d’absence sont annoncés.
La brute avant la tempête
La vie n’est pas Red en ce début de Premier League. Certes Liverpool est 3ème, mais les autres gros peinent encore à trouver leur rythme. Contrairement à Everton qui ne cale pas ou à Aston Villa, qui a mis des vitesses au LFC (7-2). Devant, Salah et Mané empilent bien les pions. Seulement, leur défense les imite. La bande de van Dijk a encaissé 13 buts et est actuellement la pire arrière-garde du championnat. Néanmoins, des circonstances atténuantes ménageaient les nerfs de Klopp. Alisson a manqué deux matches et selon les expected goals against, Liverpool n’aurait pas dû encaisser plus de 8 buts.
De son côté, l’ami Virgil n’est pas totalement rentré dans ses crampons. S’il reste dominant, le défenseur axial a plus de peine à couvrir les erreurs de ses partenaires. Dommage car ces derniers collectionnent les bourdes et VVD s’est lui-même montré assez nonchalant sur certaines séquences. Leeds et Bamford ont profité d’une déviation audacieuse du Néerlandais. Malgré ces quelques galères, la machine rouge et son géant étaient loin d’avoir perdu leur immense crédit. Le déplacement à Goodison Park était l’occasion de remettre l’église au centre du village et le LFC en tête de PL.
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C’était sans compter sur Pickford la brute. Le gardien n’aurait pas réalisé une sortie plus hasardeuse avec quelques coups de rouge dans le nez. Et pourtant, il s’en sortira sans carton écarlate après avoir retourné le genou de van Dijk. L’effet papillon ne traîne pas. Liverpool encaisse deux buts de la tête contre les Toffees (2-2) alors que jusqu’ici, Virgil réglementait le trafic aérien. Malheureusement, son absence ne se résumera pas à ce derby. Et la voie des airs n’est pas le seul domaine impacté par l’absence du numéro 4.
Les van Dijk Rules
84 millions d’euros. Le prix déboursé par Liverpool à la mi-saison 2017/2018 pour changer le visage de sa défense. L’arrivée du colosse a appelé foule de titres, d’attaquants dégoûtés et de coéquipiers rassurés.
Mouillez-vous la nuque, propos révolutionnaire en approche : le Liverpool de Klopp joue et presse haut. Logiquement, ce bloc étouffant laisse un gouffre dans son dos. Une profondeur que doit défendre VVD. Ça tombe bien, il est le meilleur défenseur de grands espaces au monde. Si l’adversaire parvient à se sortir du pressing ou procède en contre, le numéro 4 use de sa vitesse et de son cerveau. Grâce à son corps, van Dijk oriente les opposants vers les zones où ils seront moins dangereux. Il coupe chaque ligne de passe, ralentit le moindre individu étranger. Même dans des situations d’urgence ou d’infériorité numérique. S’ils sont si peu à l’avoir dribblé, c’est grâce à cette pro-activité défensive de l’homme au catogan. Virgil décide de tout et surtout, il préfère prévenir que guérir.
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Car pour le jouer en 1v1, encore faut-il avoir contrôlé la gonfle. Van Dijk anticipe, lit les trajectoires pour gicler au devant de son vis-à-vis et poser ses griffes sur le ballon. Cette science de l’interception lui permet de jouer le minimum de duel et de tacle. Inutile de préciser qu’il est tout de même intraitable de la tête et que ses tacles à retardement font mouche. L’an dernier, VVD a été le deuxième meilleur récupérateur de PL et a remporté 81% de ses duels aériens.
Un géant avec des pieds
Le Oranje impressionne surtout grâce à son placement. En interprétant l’espace, van Dijk compense les erreurs de ses coéquipiers. Il couvre les zones laissées libres par ses latéraux dopés par l’offensive, et pas toujours attentifs. Virgil est un vrai mur et pourtant il ne marche pas sur des briques. Avec ses petons, il est capable d’alterner jeu court et jeu long. En tant que droitier positionné axe gauche, il distille naturellement de nombreuses transversales vers Alexander-Arnold. Pratique, les schémas de jeu des Reds s’animent autour des latéraux.
Le jeu long du Virg’ est source de variation et de solution pour Klopp. Van Dijk va permettre d’attaquer le dos de la défense en sautant les lignes. Liverpool n’est pas toujours très inspiré pour contourner les blocs. Alors pourquoi ne pas profiter des courses de Salah ou Mané dans la profondeur et le demi-espace ? À ce petit jeu, le Néerlandais est le 8ème pourvoyeur de ballon à destination du dernier tiers adverse cette saison.
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Pour couronner le tout, van Dijk est dangereux sur coup de pied arrêté. Le Hollandais volant a fait admirer sa détente à Meslier dès la première journée. Cependant, les stats actuelles du numéro 4 ne sont pas aussi bluffantes que celles des exercices précédents. Mise en route oblige. N’en demeure pas moins que Kloppo est face à un énorme chantier. Van Dijk avait disputé l’intégralité des 93 derniers matches de Premier League. Il va falloir des tonnes de ciment et d’imagination pour combler les brèches causées par l’absence de son vice-capitaine.
FAQ pour Jürgen
Selon sa philosophie, le technicien allemand règle ses problèmes défensifs avec son gegenpressing et accepte une forme de déséquilibre. Il sait que son 4-3-3 expose sa défense et qu’il va concéder quelques occasions. Avec van Dijk pour arrondir les angles, le jeu en valait la chandelle. Mais désormais, serait-il possible de voir Liverpool relâcher la pression sur les lignes adverses ? Difficile de le concevoir, pourtant des joueurs comme Robertson ou TAA vont forcément devoir donner plus de coups d’œil dans le rétro au moment de se projeter.
Joe Gomez a le profil et la vitesse pour défendre haut. Mais jusqu’ici, Virgil lui tenait la main. Pour l’Anglais, il s’agit donc de s’émanciper alors qu’il est rarement considéré comme un havre de sécurité. Nerveux, il le sera peut-être moins en compagnie de Fabinho. Le polyvalent Brésilien a montré contre Chelsea qu’il pouvait jouer derrière. En 6, il faisait de l’anéantissement des contres son fond de commerce. Son gabarit est avantageux et ses longs compas couplés à son positionnement garantissent quelques interceptions. Évidemment, sa technique faciliterait les relances mais on en oublie presque Matip. Le Camerounais, défenseur de métier, est aussi serein avec la balle et est performant de la tête. Problème, du haut de son mètre 95, Jojo est fragile.
La question du «Qui ?» se pose aussi un cran plus haut. Fabinho a un physique de martien mais il ne se dédoublera pas. Si le Brésilien est utilisé en défense, le milieu réunirait la triplette Keïta, Wijnaldum avec Henderson en pointe basse. Un trio très branché pressing et qui pourrait ronger son frein plus bas sur le terrain. La touche Thiago résoudrait pas mal de problèmes mais comme un malheur ne se pointe jamais seul, l’Espagnol est passé sous les scalpels de Richarlison contre Everton. Klopp était inquiet mais les nouvelles sont rassurantes concernant l’état de sa jambe.
Sans van Dijk, la caution mentale a sauté
Le milieu à 3 des Reds a parfois manqué de créativité. Naby apporte une dose de folie mais il ne parvient pas à se sortir du labyrinthe de l’inconstance. Le retour de Thiago, Klopp va en rêver. Car l’Espagnol de poche a ce qu’il faut en magasin pour soigner quelque peu la dépendance des Reds à leurs ailes. Et au jeu long de van Dijk. Épatant pour se sortir de la pression, Thiago sait lier la défense à l’attaque en passant par l’axe. Sa capacité à jouer dans les intervalles est également une clé pour faire sauter le verrou de bloc bas. Avec lui en sentinelle ou en relayeur, les possibilités sur attaque placée sont décuplées. La tendance voudrait ainsi que l’équipe continue de jouer très haut.
Autre inconnu de l’équation : l’aspect psychologique. Le rôle de VVD était essentiel, afin de rester au sommet alors que ces Reds ont déjà tout gagné. Virgil est le vice-capitaine, le patron de la défense. Un bougre qui s’est imposé malgré l’étiquette de défenseur le plus cher de l’histoire. La pression, il en fait sa chose. Rassurant physiquement, bruyant vocalement et prompt à replacer ses confrères. Pourtant, sous la protection du numéro 4, le gardien Adrian affichait déjà une assurance approximative. Alisson a repris l’entraînement et est plus que jamais attendu.
— Virgil van Dijk (@VirgilvDijk) October 18, 2020
La glissade du surfeur
Si Liverpool a empilé les jolis coups lors du mercato, le manque de profondeur en défense centrale chagrinait les supporters. La situation pourrait devenir critique à ce poste et Michael Edwards aura du boulot d’ici la trêve hivernale. D’autant qu’il est compliqué de poser un diagnostic sur le niveau que Virgil retrouvera à son retour. 29 ans, 1m93 pour 92 kg. Un corps de vigile et une détente de lémurien, les signaux ne sont pas bons. La sélection néerlandaise peut d’ailleurs crier à la malédiction. Alors en pleine possession de leur football, Strootman ou Depay s’étaient aussi faits les croisés.
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Ainsi, cette saison s’annonce tumultueuse sur les rives de la Mersey. Depuis les clowneries de Karius, Liverpool voguait sur la vague du champion. Celle qui vous porte en rasant les coups du sort. Mais quelques coups de «van» ont déstabilisé le surfeur. Les blessures se signalent, les hors-jeu pour un grain de beauté aussi. Alors que la VAR souriait aux Reds l’an passé, la donne semble s’inverser. Entre calendrier lourdement chargé et absence des supporters, les clubs anglais sont mangés à la même sauce. Mais sans la passion d’Anfield, le plat est encore plus froid pour Jürgen et ses poulains.
Il reste tout de même du beau monde à Melwood pour remonter sur la planche. Affirmer sa domination en championnat. Séduire de nouveau la LdC. Mais sans Virgil van Dijk, gare à la noyade. Les trophées n’apprécieraient guère d’être saisis et rouillés par des mains de prétendants piteusement trempés.
Sources statistiques : FBref
Crédit photo : PA Images / Icon Sport