[Interview] Thomas Bonnavent : «Furlan parle de ses montées comme de victoires en Coupe du monde»

BUT À LAVAL ! Quel amateur de foot n’a jamais entendu cette phrase ? Qui ne s’est jamais, par envie, besoin ou désespoir, penché sur un MultiLigue 2 ? Qui n’a jamais payé sa merguez frite plus cher que son billet d’entrée pour assister à un Nancy-Châteauroux un vendredi soir d’hiver ? Championnat raillé mais ô combien attachant, la Ligue 2 dispose désormais de son ouvrage de référence. Thomas Bonnavent, présentateur du Winamax Football Club, du mardi au dimanche à 20h15 sur YouTube, accompagné de Maxime Mianat, sort cette semaine son premier livre « Le gros livre de la Ligue 2« . Un livre drôle, pointu, romantique, qui fera (re)découvrir aux amoureux de la France du foot 80 années de football terroir. Le vrai. L’auteur revient pour nous sur la construction de son ouvrage, et dévoile tout ce qu’on retrouve dans ce gros livre coloré.

Thomas, peux-tu nous raconter comment vient l’idée d’écrire un livre sur la Ligue 2 ?

J’avais envie de retrouver l’écriture. J’ai commencé par la presse écrite. Comme c’était mon premier livre, je voulais mettre du cœur et de la personnalité dedans. Je suis né à Bourg-en-Bresse, j’ai de la famille à Louhans-Cuiseaux. J’ai fait mes premiers pas dans un stade à Clermont, en Ligue 2. J’ai démarré mon métier en suivant Bourg-en-Bresse, toujours en Ligue 2 … J’étais presque destiné à faire un livre sur ce championnat en venant de ces belles sous-préfectures. Je me suis dit que ça pouvait être un bel hommage à une compétition qui m’a fait découvrir le foot d’un point de vue affectif et professionnel. Avec Maxime Mianat, on s’est dit qu’il fallait qu’on se marre dessus. On ne voulait pas faire un guide de la saison en cours. On voulait parler des clubs qui vont chatouiller les souvenirs des parents et des grands-parents. Mettre des sentiments à l’intérieur, raconter des belles histoires autour de ces clubs.

Ça prend combien de temps de faire un ouvrage de presque 1,5kg ?

On a mis un an à le faire. Merci le confinement. Sans ça, le livre n’aurait pas été ce qu’il est. J’ai eu plus de temps pour écrire et creuser les angles et les histoires. Sans ça, j’aurais pu suivre Lens dans son objectif montée. Mais le confinement m’a permis d’avoir des gens libres et disponibles. Wylan Cyprien faisait du jardinage dans sa nouvelle maison. Pablo Correa pendant plus de deux heures et demie. Stéphane Moulin, Jean-Marc Furlan … J’ai pu bosser 5h par jour dessus.

Et qu’est-ce que le fan de football français va retrouver dans ce beau bébé ? Il y en a pour tout le monde ?

On a privilégié le contenu à la quantité de clubs. Une trentaine de clubs ont un chapitre à eux. 80 sont évoqués. 85 personnes interviennent dans le bouquin. J’ai toujours voulu que les gens en prennent visuellement plein la gueule. Que ce soit très graphique, très pop. Que ça sente la pelouse grasse. Il y a un côté rétro pop dans le design, c’est ce que je souhaitais. C’est une amie, Coraline, qui a convaincue Hugo Sports de lui donner carte blanche niveau visuel. Je voulais un traitement qui sorte des livres traditionnels. Chaque partie est traitée différemment. On peut le lire de chapitre en chapitre et on ne s’ennuiera pas d’un point de vue forme, et ça j’en suis très heureux. C’est un sujet qui peut paraitre ennuyeux donc d’un point de vue graphique et écriture, ça se devait d’être cool.

Dans un foot français un peu aseptisé, est-ce plus simple de parler de la Ligue 2 ?

Quand tu proposes de parler de Ligue 2, les mecs en sont presque à te remercier. «Merci de parler de nous, du championnat, de nous rappeler des bons souvenirs.» Les mecs se régalent à évoquer leurs souvenirs. Quasiment tous sont unanimes : leurs plus belles années sont en Ligue 2. La Ligue 2 est pour eux un top moment, des moments de joies, des aventures humaines. Quand tu racontes une montée, c’est forcément un bon souvenir.

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Quand on dit Ligue 2, à qui tu penses instinctivement niveau coach ?

Furlan est le coach qui représente le plus la Ligue 2. Si tu interroges les acteurs du foot, c’est compliqué de dire autre chose. Pablo Correa n’est pas loin derrière. Il y a bagarre. Furlan est celui qui a le plus de montée et le plus de descente. Il introduit un passage qui s’appelle «C’est quoi faire l’ascenseur ?». Quel autre entraineur symbolise mieux la Ligue 2 ? Il n’est peut-être pas assez fort pour la Ligue 1 mais beaucoup trop fort pour la Ligue 2. Correa n’est pas loin derrière car il a marqué le championnat comme entraineur mais aussi comme joueur. Mais Furlan, ce championnat lui colle à la peau. Il te parle de ses montées comme des victoires en Coupe du Monde. Des aventures humaines extraordinaires. Il a réussi presque partout où il est passé … Brest, Troyes … Il faut renommer ce trophée et mettre une petite statue de Jean-Marc Furlan.

Et niveau joueur ?

Jean-Michel Lesage, sans contestation possible ! Il y a aussi Robert Malm. Comme ne pas le mettre dans la short-list… Mais Jean-Michel Lesage, c’est l’un des premiers noms qu’on a coché. On a envoyé un mail hasardeux sur un formulaire contact d’un site amateur de Créteil et un mois et demi après, je reçois un message surprenant où il me donnait rendez-vous dans un centre commercial de Créteil, en train de siroter un milkshake vanille. Jean-Michel Lesage, c’est Le Havre. C’est aussi ça la Ligue 2. Aujourd’hui c’est un championnat de péage, de passage. Il y a quelques années, c’était un championnat d’amoureux de son club, des mecs vaillants qui donnaient leurs vies sur le terrain. La Ligue 2, ce sont des mecs qui arrivent avec des cheveux et qui repartent avec des calvities.

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Dans le livre, vous brassez 80 années de football populaire. C’était important de ne pas se contenter des trente dernières et de remonter jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale ?

C’est un championnat qui a eu des évolutions incroyables. Quand tu regardes les clubs les plus titrés, tu dois remonter à très loin. Et c’est là que tu as des histoires rigolotes. Parce que ce sont aussi les heures de gloires d’équipes de villes qui n’existent plus. On les connait uniquement grâce au foot ou aux autoroutes. Abbeville, Montceau, Saint-Dié … Elles ont rayonné sur le panarama du foot français mais dans les années 60-70. Aujourd’hui, c’est un championnat qui a évolué. L’histoire est marquée par Reims il y a deux ans comme par des défilés dans des chars à Strasbourg … Quand on cherche les belles histoires, ça nous dirige vers les années d’après-guerre. Après, ça s’est aseptisé.

C’est un livre qui s’adresse à qui ? Instant promo, donne envie aux mamans de l’acheter à leur fils pour Noël.

On a essayé de vulgariser au mieux des clubs et un championnat qui peuvent paraitre chiant. Ça peut parler aux enfants. Après, la maman qui va acheter un livre pour son enfant à Noël, elle va acheter un livre avec Mbappé en couverture. Nous, on s’adresse à ceux qui sont intéressés par des histoires inédites, ceux qui veulent se la raconter entre fans de ballon. On a essayé de taper large avec toutes ces villes. C’est important de mettre en valeur les supporters qui vibrent parce qu’ils viennent du cru. La Ligue 2, c’est aussi la diagonale du vide.

Est-ce que ceux qui ont grandi dans les années 90 ont vécu l’âge d’or de ce championnat ?

Les années 90-2000 coïncident avec la médiatisation de ce championnat, la stabilité de certains clubs dans ce championnat. Il y avait des clubs identifiés L2 : Metz, Sochaux, Gueugnon … Le championnat unique en L2, c’est 93, ça l’a rendu plus médiatisable. Quand Marseille est relégué en L2, ça contribue aussi à la mise en avant. Avant 2015, il n’y avait pas de ponts d’or entre la Ligue 1 et la Ligue 2, ce n’était pas un championnat de passage. Ou moins. Aujourd’hui, il y a moins de belles histoires. Et ça va disparaitre de plus en plus. L’âge d’or de la Ligue 2 c’est de la descente de Marseille à l’année 2010.

Mais du coup, plutôt «Ligue 2» ou «Division 2» ?

La D2 a un côté plus authentique. Ça a été un débat sur le nom du livre. Ça s’est aussi appelé «Division inter-régionales». Mais pour moi, ça restera la Division 2.

Du coup, championnat à 18 ou championnat à 20 ?

En Ligue 2, à 20 sinon certains clubs vont mourir. Aujourd’hui, les belles histoires sont souvent via les montées de National. Pau, Dunkerque, Amiens… Ça permet d’avoir plus de clubs qui touchent au haut-niveau. J’ai adoré me plonger dans la Super D2… Plus il y aura de sous-préfectures et mieux ce sera. Je suis un défenseur de la France d’en bas. Le Puy de Dôme, le Jura… Cette vie de province. Plus elle peut briller, plus je suis content.

Et les barrages ? Une bonne idée ?

Les barrages sont une bonne idée. C’est un vrai pourvoyeur de belles histoires et ça tend à élever le niveau du championnat. Les barrages permettent de concerner les équipes jusqu’à la 38ème journée… On aime se rapprocher des matchs aux couteaux. Ça pousse le niveau vers le haut.

Du coup, la Ligue 2, c’était mieux avant ?

Le foot d’aujourd’hui m’emmerde. Un foot aseptisé, inaccessible, où tout est surveillé. Avant, on pouvait faire plus de choses. Ce livre et ses histoires, c’est l’antithèse du foot d’aujourd’hui. Le livre ne parle pas que de la Ligue 2, ça parle du foot qu’on aime tous. On aime dire «le foot c’était mieux avant». Eh bien ce livre, c’est ça. On oublie presque que c’est de la Ligue 2 lorsqu’on lit le nom des clubs et des joueurs.

Pour vous procurer l’ouvrage, c’est ici

Merci à Thomas Bonnavent pour le temps accordé.

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