Atalanta : exploits, histoire d’amour et colère divine

Des photos avec son compagnon d’armes Josip Ilicic. Puis un texte. Tout simple, ponctués de cœurs bleus et noirs bien sûr. Ce genre de posts d’Alejandro «Papu» Gómez aurait pu être celui d’une semaine comme une autre. Sauf que cette fois, la bandiera de l’Atalanta officialise son départ en même temps qu’un bouleversement profond qui atteint la Dea pour la première fois.

Dure saison…

L’histoire d’Atalante, figure du club, c’est celle d’une jeune fille farouche, insaisissable, capable de tous les exploits, ne vivant que pour elle et pour celui qui se montrerait digne d’elle. C’est l’histoire d’un amour qui paraissait trop parfait, qui aussi vite qu’il est né se voit tragiquement achevé par la volonté des cieux.

Bousculer la hiérarchie du football italien. Gagner l’admiration des passionnés de football. Bousculer la hiérarchie du football européen. Faire battre le cœur d’une ville entière au rythme de son jeu enflammé. Partager avec elle des moments historiques pour le meilleur et le pire. Les exploits de l’Atalanta depuis 4 ans relèvent du mythique pour une telle équipe. La voilà maintenant, face à des évènements qu’il était impossible de prévoir, sur le point de se séparer d’une part de son âme et de sa passion.

Le départ de Papu Gómez est désormais inévitable après que le capitaine nerazzurro se soit violemment accroché avec le Mister Gianpiero Gasperini lors de la 5e journée de Ligue des champions face à Midtjylland (1-1). Le genre de choses qui n’arrive pas sans prévenir, pas sans que les problèmes et la tension aient pris le temps de s’accumuler. Le point de départ ? Une problématique que personne n’a vu venir: le Covid-19.

9 victoires, 3 nuls, 1 défaite. Le restart estival pour achever la fin de saison dernière a été sur le plan comptable presque sans égal du côté de Bergame. Des chiffres qui masquent toutefois la réalité du problème de l’enchaînement des matches tous les 3 jours. L’équipe a achevé le championnat au bord du burn-out. Les 3 nuls et la seule défaite intervenant sur les 6 derniers matches, entrecoupés notamment de succès à l’arrache pour un but d’écart sur Bologne et Parme. La philosophie ultra-agressive de Gasperini est admirable, mais dans ces conditions, relève du téméraire plus que de l’ambitieux. Même constat face au PSG en quarts de finale de Ligue des Champions à Lisbonne. Une mi-temps des plus ardues, puis l’extinction des feux en attendant l’inévitable dans les dernières minutes.

… et bonne intention…

La Serie A a repris sur les mêmes bases à Bergame. Avec les jambes dures. En retard sur ses temps de passage, avec en plus un projet de jeu impossible à appliquer sur des matches aussi rapprochés. Si une Lazio elle aussi en grosse difficulté s’est faite surprendre par un bloc bas inédit et plus imposé que voulu (1-4), la Dea a été balayée à Naples (4-1), battue par la Sampdoria (1-3) et le Hellas Vérone (0-2). Des résultats que ne sauvent pas le nul contre un Inter très moyen (1-1) et celui d’hier contre la Juve (1-1) qui aurait pu très mal tourner sur plusieurs faits de jeu et sans un énorme Gollini.

Par ailleurs, la campagne européenne de cette saison traduit bien le malaise actuel malgré la qualification. Si la saison passée l’équipe avait souffert pour sa première avant de prendre son destin en main, il n’en est rien cette saison, bousculée et ballotée dans le vent une fois passé le succès initial à Midtjylland. Explosée par Liverpool (0-5), arrachant un nul miraculeux contre l’Ajax (2-2), tenue en échec par les Danois… S’en remettant à un succès sur une équipe bis des Reds à Anfield (2-0) et un autre encore une fois sortie de nulle part à Amsterdam (1-0) après 90 minutes à subir dans leurs 30 mètres et une balle de match loupée par Klaassen.

Individuellement, à l’image de la production collective, les joueurs n’ont pas le même rendement que la saison dernière. Lors du dernier exercice, Duvan Zapata avait déjà scoré 6 fois en 7 matches avant de se blesser, contre seulement 2 cette fois. Josip Ilicic, qui était dans la forme de sa vie, est proprement hors course après avoir traversé un épisode de grande détresse psychologique durant l’été. Les pistons Hateboer et Gosens, bien que toujours fiables, ne sont plus aussi omniprésents dans le camp adverse et les régulateurs de la hauteur de l’équipe que sont les milieux peinent à enchaîner à haute intensité. Les hommes en forme se font rares, entre cadres usés tant physiquement que mentalement et recrues ayant besoin de temps pour s’intégrer. Globalement le début de saison est marqué de l’empreinte de 3 hommes: Pierluigi Gollini, Cristian Romero et… Papu Gomez.

Le n°10 argentin est toujours des plus impressionnants. Après 3 journées et le fameux déplacement face à la Lazio, le Papu compte déjà 4 buts et 2 assists. Le tout en partant souvent de très bas pour libérer l’équipe de la pression, comme pour jouer de longues transitions. Puis arrive la trêve internationale. Le capitaine bergamasque est rappelé par l’Argentine. Et ça, Gasperini avait oublié d’y penser avant. Ultra-sollicité sur le terrain à un rythme déjà insoutenable pour le commun des joueurs, Gómez va devoir enchaîner avec la sélection. Et le Mister ne veut pas d’une équipe dépendante d’un joueur aussi exposé à la fatigue et aux défaillances physiques.

…eurent raison de la passion

Gasperini choisit alors de replacer son joueur aux côtés de Zapata et de confier le rôle de trequartista à quelqu’un d’autre, ou selon les disponibilités de le laisser à sa place mais avec pour consigne de rester relativement haut. Un plan pas du tout du goût du joueur, qui perd de son influence sur le jeu, et se retrouve de toute façon comme toute son équipe à devoir défendre loin du but adverse dès que l’opposition est un peu relevée. Seule subsiste une injonction à ne plus venir sortir les ballons de la pression adverse, un sentiment d’être bridé, et peut-être de ne pas pouvoir jouer à fond ses chances d’être de la partie pour la Copa America à domicile de l’Argentine à l’été 2021. Une échéance qui devrait être au cœur de sa réflexion pour choisir son prochain club.

C’est donc à la mi-temps du match retour contre Midtjylland, alors que les Danois mènent au score, que l’orage explose dans le vestiaire après 45 minutes de défiance du Papu envers son coach et ses consignes. Le point final d’une relation qui n’a jamais été parfaite mais entretenue par le succès de l’équipe entre deux hommes au fort caractère. Beaucoup plus dommageable, la fin d’une relation qui était parfaite et qui n’avait plus besoin du succès de l’équipe pour être entretenue entre l’Atalanta et celui qui aura été le plus digne d’elle parmi tous.

https://twitter.com/Imadchmedia/status/1311728677621837824

Bien qu’en retard en championnat, l’équipe de Gasperini a encore tout à jouer sur tous les tableaux. Alors pourquoi craindre quoi que ce soit pour elle ? Des craintes, en vérité, il y en a peu à avoir pour les nouveaux accomplissements à venir de l’Atalanta. Le projet de jeu s’ajuste peu à peu, certains cadres tiennent toujours le cap sur le terrain comme en dehors, à l’image de Marten de Roon qui a annoncé vouloir rester à vie au club quitte à refuser le Barça. Les recrues, elles, promettent, même si un certain temps d’adaptation est nécessaire.

Seulement voilà, en perdant Gómez, c’est la magie que dégageait cette équipe qui s’envole. Du Papu et de son duo complètement irrationnel avec Josip Ilicic, nous passons désormais aux prometteurs Pessina et Malinovskyi. De quelque chose qui n’aurait jamais dû arriver, nous passons à quelque chose qui aurait pu arriver n’importe où ailleurs. D’un amour fou à un triste dénouement. D’un mythe à la sobre réalité. L’Atalanta est un club qui compte dans le football italien. Et c’est aujourd’hui un peu moins merveilleux qu’hier.

0