Benzema en Bleu: le jour de gloire est arrivé

L’évènement le plus inattendu de la saison va sans doute se dérouler sous nos yeux ce soir. Selon l’ensemble des médias français, Karim Benzema va être rappelé en équipe de France par Didier Deschamps afin de disputer l’Euro 2020. Ce moment, il n’était plus arrivé depuis presque six ans et un match contre l’Arménie en octobre 2015. Ce moment, il ne figurait plus dans nos rêves les plus fous. Ce moment est arrivé 

Inattendu

Les premiers signes d’une telle nouvelle se sont montrés en début de journée. Une partie de la presse spécialisée a rendue publique une information alors présentée comme une rumeur. Didier Deschamps considérerait le retour de la star du Real Madrid en prévision de la compétition européenne à venir. Les nombreux rendez-vous manqués entre Karim Benzema et les Bleus ces dernières années poussaient à croire qu’une telle nouvelle n’était qu’un faux espoir lancé ici et là. Que nenni. Comme à son habitude, Didier Deschamps prouve qu’il est le seul maître à bord du navire Équipe de France. Rien ne poussait le sélectionneur des Bleus à déterrer le cadavre d’une affaire qu’il n’a jamais décidé d’exhumer, contribuant lui-même à quelques coups de pelle. DD a changé d’avis, Benzema est de retour.  

Pour l’heure, les raisons d’un tel revirement ne sont pas encore connues. Catégorique sur le sujet dans le passé, on imagine mal la sélection de Karim Benzema comme une lubie qu’aurait eu DD ce matin en se réveillant. Effectivement, l’attaquant français vient de signer l’une des plus belles saisons de sa carrière, mais ce fut déjà le cas l’an passé sans que rien ne change concernant sa situation en sélection. On dit souvent que les grands moments révèlent les grands hommes. Un Benzema dont c’est l’une des dernières occasions de gagner une grande compétition internationale ainsi qu’un Deschamps dont les hommes forts sont en difficulté ont peut-être fini par s’entendre.

Il est possible d’envisager que la conjugaison de ces deux circonstances a poussé les deux parties à enterrer des animosités profondes et souvent ravivées. Sans spéculer outre mesure, la situation judiciaire de Karim Benzema n’étant plus la véritable cause de sa mise à l’écart semble-t-il, un rapprochement Benzema-Deschamps vient d’être confirmé par le second : « Ni Karim ni moi n’avons la capacité de revenir en arrière. On s’est vus, on a discuté longuement. Après cela, j’ai eu une longue réflexion pour en arriver à prendre cette décision. »

La victoire du football

Le cas Benzema a souvent cristallisé des attentions bien éloignées du champ sportif. L’attaquant français était en effet devenu un sujet propice à des débats multiples, souvent nauséabonds, dont le football n’occupait que trop peu souvent le centre d’attention. L’ingérence du Premier Ministre Valls puis du président Hollande avait en effet contribué à politiser le cas et à faire de la sélection de KB9 une question d’identité nationale. Des terrains obscurs ayant monté en épingle une opposition grotesque entre Olivier Giroud et Karim Benzema. Alors même que les deux joueurs figuraient ensemble dans les listes de DD avant cela.

Comme un ouragan, la dissymétrie des deux profils fut d’ailleurs rarement relevée tout comme leur possible complémentarité. Olivier Giroud a d’ailleurs toujours eu la lucidité de ne jamais entrer de telles tribulations. Même lors du fameux épisode du karting et de la F1, l’attaquant français avait eu l’intelligence de ne pas rentrer dans la polémique : «Ça m’a fait marrer le connaissant. Je n’ai aucune rancune par rapport à ça.» Une élégance qui ne s’arrête pas là puisqu’il en a profité pour asséner l’estocade à sa prétendue rivalité avec KB9 : «On m’a toujours un peu reproché l’absence de Karim Benzema. Cette rivalité supposée, montée de toutes pièces par certaines personnes.»

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Le retour sportif du meilleur joueur français évoluant à l’étranger est donc forcément une bonne nouvelle. Dans un moment sociétal difficile, à l’aube d’une échéance sportive redoutée, les cicatrices laissées par le traitement politico-médiatique devraient s’apaiser. Si les réactions de quelques fossoyeurs du débat public ne sauraient se faire attendre, nul doute que la présence de Karim Benzema contribuera à fédérer autour de la sélection nationale.

On sait d’ailleurs que l’attaquant madrilène est soutenu par certains cadres de l’Équipe de France. Des cadres qui ne se sont d’ailleurs pas montrés au meilleur de leur forme cette saison et dont l’appui de KB9 pourrait leur bénéficier. Une variable qui a sans doute compté dans l’esprit de Didier Deschamps lui qui met l’emphase sur la logique de groupe, avant tout. Une démarche d’autant plus importante que les deux hommes partaient de loin, avec, au compteur, des erreurs de communication dans les deux camps. On espère en tout cas que les débats se resserreront autour de la petite balle ronde.  

Un atout de poids

L’ampleur de l’évènement est à la hauteur de la qualité du joueur retrouvé. Karim signe peut-être la plus belle saison de sa carrière et est unanimement considéré comme un des tout meilleurs attaquants du circuit. Son profil offre d’ailleurs des possibilités jusqu’alors inexploitées dans une équipe devenue trop souvent répétitive dans la construction de son jeu offensif. Cette saison encore, Karim Benzema a surpris son monde. Dans un Real Madrid en manque d’idées, il est parvenu à démontrer qu’il n’était pas seulement capable de faire bien jouer ses coéquipiers, mais aussi de punir lui-même l’équipe adverse. Une qualité qu’il est d’ailleurs capable d’exprimer dans toutes les positions.  Cette liberté de choix est une véritable bouffée d’air frais pour une équipe de France désormais attendue au tournant. Le poste de numéro 9 interroge à l’heure où le manque de temps de jeu d’Olivier Giroud a fait tiquer le sélectionneur et où ses potentiels suppléants ont peiné à le remplacer.

Didier Deschamps l’a récemment déclaré au micro de beIN Sports, son système favori, c’est le 4-2-3-1 asymétrique : «La chose dont je suis le plus convaincu, c’est que le système le plus rationnel, c’est celui-là, parce qu’il permet, que ce soit en termes de largeur, de profondeur, d’intervalles, d’être le plus solide. Et quand je dis solide, je ne pense pas spécialement à l’aspect défensif. Jouer avec quatre joueurs offensifs, au très haut niveau, c’est difficile d’être compétitif.» Un système qu’il avait notamment utilisé contre le Portugal en positionnant Adrien Rabiot sur l’aile gauche.

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Dans les faits, il s’agit plutôt d’un 4-3-1-2 ou d’un 4-4-2 en losange, puisque Rabiot revenait dans l’axe, Kanté et Pogba coulissaient sur un côté droit qu’on savait moins fourni défensivement. Dans un tel système, on imagine KB9 comme une possibilité de choix à la pointe des Bleus. Il serait secondé par un Antoine Griezmann dans un rôle de faux meneur de jeu qu’il affectionne tandis que sur les côtés, on retrouverait Mbappé à droite notamment. La présence de Benzema pourrait permettre à un Mbappé parfois dispersé de se focaliser sur cet aspect du jeu.

Si elle est moins probable, une organisation en un 4-2-3-1 plus offensif est également possible. KB9 serait secondé par Antoine Griezmann dans un rôle inchangé, tandis que sur les côtés, on retrouverait Mbappé et Coman, Lemar ou Dembélé. Car le football ce n’est pas que coucher des noms sur une feuille, la question de l’animation défensive se poserait. A ce petit jeu, Didier Deschamps demeure sceptique sur la capacité de ses offensifs à fournir une activité défensive suffisante. Il n’en demeure pas moins que le profil de Benzema va permettre de mieux exploiter l’espace : en créer, libérer les grands et jouer dans les petits. Sur le papier au moins, il semble bonifier une artillerie bien garnie mais parfois trop prévisible.

Libre de tout, garantie de rien

Sur tous les plans, le retour de KB9 est une bonne nouvelle. Si il est difficile de ne pas être dans la hype face à cela, il serait idiot de penser que le retour de Karim Benzema résoudrait absolument tous les maux de cette équipe. Les attentes seront grandes et sans doute démesurées à l’image de l’évènement. Didier Deschamps le sait et aura à cœur de le rappeler. La qualité de l’effectif des Bleus est suffisamment grande pour ne pas se réduire au seul Karim Benzema et les résultats récents le démontrent.

Il convient cependant de ne pas caricaturer. Si l’EdF a obtenu le meilleur résultat possible lors du dernier mondial, ça ne veut pas dire qu’elle y a fourni la meilleure performance possible. En ce sens, le natif de Bron pourrait apporter sa pierre à l’édifice. Si tous les chemins ne mènent pas à Karim, la route peut être encore plus belle avec Benzema. C’est ce qu’on espère en tout cas.

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