Clermont, c’est la bonne direction

Après plus de 10 saisons consécutives passées dans le relatif anonymat de la Ligue 2, le Clermont Foot 63 va rejoindre l’élite française pour la première fois de son histoire. Une sortie de l’ombre aussi inattendue il y a peu encore que méritée depuis longtemps déjà.

Michy mi-raisin

Être un club habitué du niveau professionnel en France et pourtant ne jamais marquer les esprits au fil des années, c’est la drôle de vie qu’avait décidé de mener le Clermont depuis qu’il a atteint ce statut à la fin des années 2000. Parce qu’à l’ouest de St Etienne on ne trouve qu’un football aussi endormi que de vieux volcans. Et à la limite un ballon à la forme bizarre, avec dans le stade des poteaux bien trop grands.

Sempiternel perdant magnifique dans ce drôle de jeu bien plus populaire par chez lui, le Clermont Foot, lui, n’a rien d’un magnifique perdant. Il ne perd pas vraiment. Mais il ne gagne jamais non plus. Il subsiste et c’est déjà beaucoup. Sous la direction de Claude Michy, pendant plus de 10 ans, il subsiste, avec le 19e budget d’un championnat de 20 équipes souvent peu attrayantes. Clermont attend le bon jour pour prendre vie, s’éveiller. Et puisqu’il a le sommeil léger et les idées claires, il n’en est pas passé loin au cours de la décennie écoulée. Lors de la saison 2011-2012 par exemple, où, sous les ordres de Michel Der Zakarian, les rouge-et-bleu emmenés par un Romain Alessandrini de feu dominent le championnat durant la phase aller… avant de s’écrouler en fin de parcours, jusqu’à finir à la 5e place.

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La 5e place de Ligue 2. C’est le mieux que le club ait jamais fait. Forcément, faire encore plus haut avec si peu de moyens relèverait de l’exploit. Un recrutement tourné vers les divisions inférieures ou des championnats méconnus, la vente systématique des meilleurs éléments de l’équipe, tout cela ne permet pas d’ambitionner plus. Mais permet de rester là à attendre la bonne conjoncture. Celle-ci pointe le bout de son nez le 4 mars 2019.

Claude Michy laisse les clés du camion à l’homme d’affaires suisse Ahmet Schaefer. Un camion à la pointe de vitesse encore trop limite pour rivaliser avec les plus grosses cylindrées du plateau, mais impeccablement entretenu, à la faible consommation et assurément capable d’aller plus loin que beaucoup d’autres. Cette vente, c’est la concrétisation d’un modèle fait de patience et de d’idées novatrices. Ne pas brûler les étapes, et se faire remarquer par sa façon de penser l’évolution d’un club. Comme lorsque Corinne Diacre est nommée coach de l’équipe première, quand jamais une femme n’avait eu accès à un banc professionnel masculin. Ou quand Pascal Gastien prend sa suite, son bagage de bonnes idées sous le bras, convainquant la direction de lui accorder plus de responsabilités. L’homme est aujourd’hui indissociable du succès clermontois.

De Niort à Clermont, question de vision

Pascal Gastien, c’est un coach qui aura toujours fait mieux. Du moment où les Chamois Niortais, tombés en CFA, lui ont confié les rênes de l’équipe première, il n’aura eu de cesse de faire progresser ses équipes. Champion de CFA, 11e de National, 2e de National, 15e de Ligue 2, 5e de Ligue 2, si proche d’une montée… et si loin de la « vision » (un bien grand mot dans ce cas) des dirigeants niortais, qui décident de ne pas le prolonger. A son départ, il laisse derrière lui une équipe à l’identité de jeu définie, des joueurs ayant progressé sous ses ordres, et des avis unanimes à son sujet tant sur le plan humain que professionnel. Nommé meilleur entraîneur de Ligue 2 en cette saison de grâce niortaise 2013-14, il passera pourtant par une période galère, enchaînant année sabbatique puis expérience infructueuse avec Châteauroux, club en perdition à son arrivée. Pouvant sans doute prétendre à mieux encore quelques mois plus tôt, il rejoint Clermont… pour s’occuper des jeunes.

Il ne prend donc place sur le banc de l’équipe fanion qu’au départ de Corinne Diacre en 2017. Temps nécessaire pour apposer sa patte sur l’équipe et obtenir des résultats ? Aucun. Clermont termine 6e de l’exercice, meilleur classement depuis Der Zak’. Compétent à tous les étages, sachant ménager son groupe, clair concernant son idée du jeu et sachant compter sur de jeunes joueurs au besoin, Gastien montre qu’il peut tout faire sur le plan sportif. Qu’à cela ne tienne, Clermont lui confie donc, au-delà du banc, la responsabilité de tout l’aspect sportif du club. Une décision logique au vu des compétences du bonhomme, oui. Mais dans combien de clubs aurait-elle été applicable ? Pas de peur ou de conflits politiques malvenus, Clermont a la bonne idée et l’applique.

Schaefer fou ?

C’est donc durant la saison suivante que la passation de pouvoir entre Michy et Schaefer est officialisée. A la signature, on ne peut s’empêcher de jeter un oeil au CV du nouveau boss: Associé au cabinet de Sepp Blatter à la FIFA, à l’agence MP & Silva, très impliqué dans les affaires du football au Moyen-Orient… En bref, un sens entrepreneurial démentiel, des affaires juteuses et de la controverse à tous les étages. Alors quand le magnat suisse s’offre Clermont avec l’intention de l’intégrer à un réseau international de clubs, on craint d’emblée le pire. Surtout qu’à son arrivée, le CF63 se traîne à nouveau en milieu de tableau, lessivé par les départs nécessaires de joueurs importants et pas mal de blessures. De quoi mettre les acteurs du club en poste en position de faiblesse.

Le nouveau patron prend donc le contrepied du cliché du dirigeant despotique immédiatement obnubilé par les affaires. Hormis la nomination de ses collaborateurs à la direction, Schaefer ne touche à rien, et surtout pas à Gastien, « qui fait des miracles » selon ses dires à ce moment-là. Côté finances, Clermont respire avec les nouveaux apports, s’octroyant enfin des moyens « moyens » pour un club de Ligue 2. Et peut viser, selon son président, la montée « sous 3 à 5 ans ».

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C’est alors que la crise du Covid vient tout chambouler. Sportivement comme financièrement, les cartes sont redistribuées. Le championnat est arrêté alors que Clermont, compétitif cette saison-là, est 5e. Il faut passer son tour pour cette fois. Mais dans son malheur, les rouge-et-bleu peuvent dire merci à la gestion façon Michy. Là où beaucoup se retrouvent avec une crise imprévue et le choc du retrait de Mediapro à gérer, le CF63 a beaucoup moins à craindre, n’ayant jamais vécu au-dessus de ses moyens.

3 à 5 ans ? Il n’aura donc fallu que 2 ans à Clermont sous Schaefer pour monter en Ligue 1. Et pas de n’importe quelle façon, non. Clermont monte en ayant convaincu tout le monde dans un championnat attractif comme il ne l’avait jamais été auparavant. En étant un magnifique vainqueur devant notamment Toulouse, contre qui Clermont est l’éternel perdant si le ballon est ovale. En étalant toute la réussite de sa politique sportive, et en se payant la belle image qui va de pair, à l’instar d’Ahmet Schaefer, que l’on découvre être l’un des présidents les plus impliqués pour la réussite de son club.

Beaucoup de chantiers attendront vraisemblablement les clermontois cet été. Littéralement, celui du stade pour commencer. Ensuite, il faudra faire avec l’exigence financière inhérente à la Ligue 1, et le potentiel départ de plusieurs des héros de cette saison. Ainsi, le quatuor offensif de l’équipe est dans son intégralité susceptible de partir. De Mohamed Bayo, de retour de prêt à Dunkerque, auteur de 22 buts, ou Jodel Dossou, ailier arrivé d’Autriche cette saison et auteur de 12 buts, aux Berthomier et Allevinah, révélés sous les ordres de Gastien cette saison, compilant 12 buts et 16 passes décisives à eux deux. Parce que la bonne direction, bien qu’elle soit toujours vers le haut, peut être suivie en empruntant différents chemins.

 

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