Focus sur un joueur au parcours atypique, bourré de qualités, doté d’un mental d’acier, qui aura gravi sans rechigner les échelons les uns après les autres, pour se faire une place importante au sein d’un club historique en quête de renouveau. Portrait de Nuno Da Costa, du Cap Vert à Strasbourg, en passant par Aubagne et Valenciennes.
4 janvier 2014, Aubagne reçoit Dijon dans son antre, le stade de Lattre de Tassigny, dans le cadre des 32èmes de finale de la Coupe de France. Toutes les conditions sont réunies pour assister à un match mémorable. Plus de 3000 spectateurs venus de toute la région sont là, pour supporter et chanter fièrement à l’unisson pour les couleurs bleues et jaunes aubagnaises.
L’ambiance est au rendez-vous, et en ce début d’année 2014, les troupes de Cravero n’attendent qu’une seule chose, le coup de sifflet de l’arbitre. D’un point de vue plus individuel, chaque joueur connait l’importance de disputer un tel match. Une rencontre où pléthores de recruteurs et d’observateurs viendront jeter un coup d’œil, au cas où un petit génie illuminerait la partie de son talent.
On dit souvent qu’il faut provoquer la chance, que l’on n’a rien sans rien, et qu’il faut saisir les opportunités quand elles se présentent, tomber au bon moment sur les bonnes personnes qui peuvent changer une carrière, une vie. Un diagnostic qui a fait ses preuves plus d’une fois dans le monde footballistique, où de jeunes poètes du ballon rond, sans le savoir, sont tombés sur la personne qui allait changer radicalement leur destinée.
Nuno avait probablement bien enregistré cela. Le numéro 7, évoluant alors sur le côté droit de l’attaque aubagnaise, fut le cauchemar des défenseurs dijonnais tout au long de la partie. Un véritable supplice pour ces derniers, qui commença dès la 12ème minute de jeu, avec un sublime lob inscrit par le Cap Verdien plongeant le stade et ses alentours dans une autre dimension.
Une partie bien maîtrisée par les coéquipiers de Nuno, qui par trois fois, menèrent au score avant de se faire rejoindre notamment dans les tous derniers instants du match, respectivement à la 92eme minute, arrachant les prolongations de justesse, puis à la 121eme, permettant aux protégés d’Olivier Dall’Oglio de s’offrir une séance de tirs aux buts inespérée et imméritée, pour au final l’emporter contre le cours du jeu.
Des rires aux larmes, tel était le sentiment général pour l’ensemble des observateurs ou autres intervenants de cet incroyable mélodrame. Mais les Aubagnais et plus particulièrement Nuno pouvaient être fiers d’eux. Ils avaient tout donné et ils pouvaient sortir de cette compétition prestigieuse avec les honneurs. Malgré la défaite, Nuno s’était fait remarquer avec un but au compteur, des dribbles chaloupés à répétition, une activité qui donnant le tournis à bon nombre de défenseurs adverses, bref une prestation de haut vol. Une prestation qui a peut-être changé la trajectoire de ce joueur, alors âgé de 23 ans.
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Natif de Praia au Cap-Vert, ancienne colonie portugaise, le jeune Nuno et sa famille plient bagages pour le Portugal en 1993. Très rapidement, le Cap-Verdien se prend d’affection pour le ballon rond, et se met à jouer régulièrement, notamment dans des clubs locaux, avant de se faire remarquer et d’intégrer le fameux centre de formation du Sporting Portugal. Un centre de formation où figurait un certain Cristiano Ronaldo. Malheureusement, la possible story-love entre le joueur et le club prend fin prématurément lorsque sa famille décide de rallier la France.
Il doit s’adapter à un nouveau pays, une nouvelle culture, une nouvelle langue. Une fois encore ce n’est pas un problème pour Nuno, puisqu’il retrouve quelque chose d’universel, le football.
Il fait ses classes dans des clubs gravitant autour d’Aubagne comme St Zacharie, Auriol ou encore La Ciotat.
Rapidement, il commence à se faire un nom dans la région pour son talent balle au pied, et de nombreux courtisans surveillent ses exploits avec la plus grande attention. C’est finalement Aubagne qui rafle la mise en 2011. Nuno a alors 20 ans, et Aubagne évolue en Division d’honneur.
Malheureusement, l’idylle naissante entre le jeune Cap-Verdien et Aubagne ne commence pas sous les meilleurs auspices. En effet, il se fracture le tibia-péroné dès la première saison. Il réussit tout de même à inscrire pas moins de 6 buts, et Aubagne accède à l’échelon supérieur, à savoir la CFA2. Évoluant régulièrement sur un côté, le virevoltant Da Costa en fait voir de toutes les couleurs à ses adversaires directs, mais ne se montre pas encore assez décisif pour aspirer à mieux et viser les étoiles.
En perpétuelle progression, Nuno conclut son aventure aubagnaise sur une excellente note, en attestent ses 14 buts inscrits en 25 matchs de CFA 2 lors de sa dernière saison. Il aura connu le chemin des filets à 29 reprises en 80 rencontres de CFA2 et DH.
Fort de sa dernière saison réussie, et de ses nombreuses prouesses scrutées et remarquées, Nuno peut passer quelques essais, pour espérer prendre enfin son envol dans le monde excitant et terriblement dangereux qu’est le monde professionnel du football.
Des efforts vains, puisque ni Dijon, Eindhoven ou encore Evian Thonon Gaillard ne lui proposent un contrat.
Mais à force d’abnégation, de travail, et d’envie, on arrive très souvent à ses fins. Durant l’été 2015, à la suite d’une période d’essai concluante, l’ancien feu follet d’Aubagne signe un contrat amateur à Valenciennes. Un contrat proposant des émoluments inférieurs à ceux de son précédent club, mais Nuno n’hésite pas une seule seconde. C’est sa chance, et il compte bien la saisir.
Alternant entre l’équipe réserve, et l’équipe professionnelle, Nuno ne tarde pas à prendre ses marques dans son nouvel environnement, et ouvre son compteur but en Ligue 2 dès la seconde journée, face à une équipe qu’il doit forcément apprécier, Dijon.
Il finit sa première saison dans le monde professionnel avec un total de 10 buts en 23 matchs de Ligue 2, dont 9 buts sur les 12 derniers matchs. Une adaptation plus que réussie pour celui qui a décidé de croire en ses rêves, et de laisser l’argent pour plus tard. Des performances qui forcément, font du bruit, ce qui incitera Valenciennes à lui proposer illico presto un contrat professionnel en mars 2016 afin de repousser les avances des premiers prétendants pour le déroutant ailier Cap-Verdien.
Des performances qui arriveront aux oreilles du sélectionneur du Cap Vert Beto, qui le sélectionnera cette même année. Encore une fois, l’ancien étudiant de langues étrangères, démontre qu’il possède une faculté d’adaptation fulgurante, puisqu’il inscrit son premier but avec les requins bleus dès son premier match. Néanmoins, il convient toutefois de rappeler, qu’à ce jour, c’est sa seule et unique sélection en équipe nationale.
Dans la lancée de la saison précédente, il crève les écrans lors du début de l’édition 2016-2017 en inscrivant 9 buts lors de la phase aller. Cependant, la suite est bien plus tumultueuse pour le requin bleu, qui déjoue complètement, à cause de blessures à répétition et de réelle envie de départ, afin de rêver toujours plus grand. Suite à une phase retour en demi-teinte, et en ayant participé seulement à 4 rencontres lors de cette dernière, il finit la saison à 9 buts en 20 matchs, et donc termine une nouvelle fois meilleur buteur du club nordiste.
Dès lors, en raison d’une envie d’ailleurs et de solides saisons à faire cauchemarder les défenseurs de Ligue 2, il n’est pas étonnant pour le principal intéressé d’attiser les convoitises.
Le 3 juillet 2017, il s’engage en faveur du promu Strasbourg pour une durée de 4 ans. Pleinement conscient de ses qualités, et pour faire face à de multiples départs dont leurs deux meilleurs buteurs Boutaib et Guillaume, Strasbourg se jette sur l’occasion Da Costa. De retour au premier plan, après des années de galères, le club historique bleu et blanc se veut de nouveau ambitieux, et peut se le permettre vu le travail effectué par le staff et les dirigeants avec notamment Marc Keller.
Une équipe dirigeante à l’affut de la moindre affaire, et qui enchaîne les excellents coups de ce mercato, avec notamment l’arrivée en prêt de Jonas Martin en provenance du Betis Seville, et d’un certain Martin Terrier, futur joueur de l’Olympique Lyonnais, qui aurait fait probablement un bien fou à l’animation offensive lilloise d’El Loco.
Comme par le passé, on le trimballe sur un côté et dans l’axe. Comme par le passé, il s’adapte en un temps éclair et n’a aucune difficulté à se greffer dans cet effectif et à montrer de belles promesses dans le jeu. Il marque son premier but dans l’élite face à Nantes le 24 septembre 2017, avant de revenir jouer un mauvais tour à ses ex-voisins du sud-est en inscrivant un doublé sur la pelouse du Gym lors de la 10ème journée de Ligue 1.
Pour mettre un point d’honneur à tout cela et poser délicatement la petite cerise sur le gâteau, il s’offre le luxe de scorer face au Paris Saint Germain début décembre 2017, et par la même occasion de faire chuter les Parisiens pour la première fois de la saison.
Méconnu en début de saison, redouté à présent, Nuno s’est fait un nom dans le paysage de la Ligue 1. En effet, ses dribbles déroutants le long de la ligne ont fait souffrir plus d’un défenseur. Très à l’aise avec le ballon, il étonne techniquement bon nombre d’observateurs, et se mue en véritable renard des surfaces quand l’opportunité se présente. Dans le système instauré par Thierry Laurey, il est fortement recommandé de courir sans relache pour espérer faire partie du 11 de ce dernier. De ce côté-là, le numéro 11 strasbourgeois est irréprochable, et loin d’être avare d’efforts. Il est aussi doté d’un bon jeu de tête, comme Areola a pu le constater.
Les belles promesses aperçues en début de saison ne se sont pas envolées, bien au contraire, et Nuno doit se montrer encore plus régulier pour prouver définitivement qu’il peut devenir l’une des futures attractions du championnat de l’Hexagone. Bien que traversant une période un peu plus complexe en Ligue 1, il ne fait nul doute que Nuno se relèvera vainqueur de cette énième épreuve et continuera d’étonner.
Comme certains joueurs emblématiques de la Ligue 1, Nuno Da Costa aura découvert ce championnat sur le tard, à l’âge de 26 ans. Il aura traversé un chemin semé d’embuches pour en arriver là, mais sa détermination sans faille et ses nombreuses qualités footballistiques et à n’en pas douter humaines lui auront permis d’en sortir indemne et de vivre un véritable conte de fées. Une ascension entamée il y a un bon bout de temps déjà, qu’il continue à réaliser sans relâche, prêt à relever de nouveaux défis et à s’imposer durablement dans notre championnat. Le parcours de Nuno prouve que dans le football, rien n’est acquis, tout est possible lorsqu’on se veut ambitieux ou rêveur, avec du talent bien évidemment, mais surtout avec une envie de progresser, de travailler et d’atteindre les sommets que l’on se fixe. Objectif réalisé pour Nuno, qui aura renversé des montagnes, et dont l’ascension majestueuse n’en est qu’à son commencement.
Jusqu’où ira-t-il ?
L’avenir nous le dira, mais l’ancien dynamiteur aubagnais a déjà traversé de nombreuses étapes périlleuses, et ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.
On nous demande souvent pourquoi on aime tant ce sport « où des joueurs tapent simplement dans un ballon ». Le football est un reflet de la réalité. En atteste le parcours de Nuno Da Costa qui a su mêler de manière étroitement liées croyance en soi, travail, ambition, et rêve. Le football fait partie intégrante de nos vies, il est le parfait narrateur pour croire en nos rêves divers et variés.
Oser rêver, c’est le premier pas vers la réussite.
Crédits photos : Elyxandro Cegarra/NurPhoto // La Provence