Depuis son retour en Premier League en 2016, Burnley est parvenu à se maintenir et à titiller la première partie du tableau sans faire de folies sur le marché des transferts. Un paradoxe dans un championnat où les montants atteignent des sommets chaque année. Et cela, les Clarets le doivent presque entièrement à Sean Dyche. Alors que l’exode des joueurs en fin de contrat a commencé, et que les frustrations quant aux moyens accordés font surface, le projet de Burnley semble plus que jamais en péril.
Le 23 juin 2016, le referendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne s’est soldé par un divorce. Si le scrutin fut serré à l’échelle nationale (le « non » l’a emporté à 51,8%), certaines localités n’ont, pour leur part, laissé que peu de place au doute. C’est le cas de Burnley, dont les habitants ont voté à 66% en faveur du Brexit.
L’identité britannique de Burnley
Il faut dire que dans cette petite ville de 75.000 habitants située à quelques encablures de Manchester, l’identité britannique n’est pas à prendre à la légère. Il n’est donc pas surprenant que le club qui s’y trouve soit en accord avec l’opinion politique majoritaire. Face à l’internationalisation croissante de la Premier League, et l’appétit insatiable des écuries anglaises pour les coaches et joueurs étrangers, Burnley fait de la résistance. N’ayant jamais connu d’entraineur étranger, les Clarets n’ont pas non plus pour habitude de fricoter avec des joueurs qui viennent d’ailleurs.
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Une constante sur laquelle le club n’a pas transigé depuis son retour en Premier League il y a 4 ans. Dans l’effectif actuel, seuls cinq joueurs ne viennent pas du Royaume-Uni ou de l’Irlande voisine. Qui plus est, ces cinq joueurs évoluaient tous en Angleterre avant d’être recrutés par les Clarets, comme c’est le cas de Chris Wood, l’attaquant australien formé à West Bromwich Albion, ou de Matej Vydra, l’avant-centre tchèque qui a déposé ses valises au Royaume-Uni en 2012.
Legs, Hearts, Minds
Un entre-soi assumé par l’homme providentiel de Burnley : Sean Dyche. Le manager anglais, auteur d’une modeste carrière de défenseur central à Chesterfield, Watford ou encore Northampton Town, est la clé de voute du projet de Burnley depuis 7 ans et demi. Humble, rigoureux, et pragmatique, Dyche, âgé de 49 ans, a toujours préféré mettre en avant l’attitude et la cohésion du groupe plutôt que les réflexions tactiques. Une philosophie qui colle parfaitement au slogan du club : « Legs, Hearts, Minds » (les jambes, le cœur et l’esprit). Et qui permet à toute une ville de conserver sa place parmi l’élite du football anglais.
Sur le terrain, les Clarets ne font très certainement pas dans la dentelle : un 4-4-2 compact, un jeu très physique et une appétence particulière pour des longs ballons qui peuvent faire mouche s’ils trouvent les pieds d’un Chris Wood ou d’un Jay Rodriguez. Souvent bons derniers dans les statistiques de possession ou de passes complétées, les hommes de Sean Dyche sont à l’inverse dans le peloton de tête lorsqu’il s’agit de duels aériens gagnés ou de tacles réussis. Une rigueur et une agressivité personnifiées par la charnière centrale Ben Mee – James Tarkowski, et qui a permis à Burnley de garder ses cages inviolées lors de 14 matches de Premier League cette saison, soit le plus haut total du championnat.
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S’il n’est pas du goût de tout le monde, ce projet de jeu a au moins le mérite d’être efficace. Après s’être sauvés de justesse en 2016-17, les Clarets se hissent jusqu’à la 7e place lors de la saison suivante, accédant ainsi aux barrages de la Ligue Europa. Faute de renfort de taille et avec un effectif réduit, le club n’ira pas plus loin dans la compétition, mais parviendra à se maintenir encore en Premier League en décrochant la 15e place. Cette saison encore, Burnley est en lice pour une place dans la première partie de tableau, en ayant dépensé à peine 9M€ au mercato estival.
Car c’est bien là que se distingue Sean Dyche de la plupart des entraîneurs de Premier League. Avec un des plus petits budgets du championnat, le natif de Kettering est souvent cantonné à des « bargain buys » (des achats à bon prix), qui provoquent généralement peu de remous dans la presse, mais dont il arrive souvent à maximiser le potentiel. À titre d’exemple, le double pivot Jack Cork – Ashley Westwood, si essentiel au système défensif de Sean Dyche, a couté à peine 14M€. Mieux encore : Nick Pope, un des meilleurs gardiens du championnat, a été acheté à Charlton Athletic pour tout juste 1,5 million d’euros…
Il faut sauver le soldat Sean Dyche
Ce mode de fonctionnement est-il tenable sur la durée ? Il semblerait que non. Peu enclin à étendre son linge sale en public, Dyche a de plus en plus de mal à contenir sa frustration face aux moyens qui lui sont accordés : « Vous ne pouvez pas réussir éternellement avec des dépenses nettes de 9 millions de livres par an (environ 10M€, ndlr). Ce n’est pas impossible, mais c’est très peu probable que cela fonctionne sur le long terme. » Une frustration qui s’explique par un exode en cours à Burnley – Aaron Lennon, Jeff Hendrick et Joe Hart ont quitté le club avant le 30 juin – et qui est amené à se prolonger, puisque pas moins de 11 joueurs seront en fin de contrat en 2021.
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Dans ce groupe de joueurs figurent notamment des tauliers comme Jack Cork, Ben Mee, ou encore Ashley Westwood, qu’il sera difficile de remplacer sans casser la tirelire. D’autant plus que Burnley, qui a souvent fait le pari de l’expérience plutôt que celui de la jeunesse, se retrouve aujourd’hui avec un effectif vieillissant. Hormis le latéral gauche Charlie Taylor (23 ans) et le virevoltant Dwight McNeil (20 ans), tous les titulaires habituels ont plus de 27 ans. L’arrivée, cet hiver, du milieu central James Brownhill (24 ans), démontre que la direction a pris la mesure du défi. Mais le plus gros du travail reste à faire.
Le soldat Sean Dyche compte-t-il rester pour piloter la reconstruction ? Pour l’instant, le principal concerné laisse planer le doute, alors que des rumeurs de départ en fin de saison font surface. Au sortir de la victoire face à Watford le 25 juin dernier (1-0), sa réponse aux médias fut évasive. L’été promet donc d’être mouvementé du côté de Burnley. Et si la ville n’a pas versé de larmes au moment de quitter l’Union Européenne, il n’est pas sûr qu’un éventuel divorce avec son manager emblématique soit aussi facile à digérer.
Par Mehdi Laghrari (@LaghrariMehdi)
Crédit photo : Actionplus / Icon Sport