[Tactique] Comment joue l’Ajax de Peter Bosz, adversaire de Lyon en Ligue Europa ?

Connu pour être un club composé de jeunes pépites européennes, l’Ajax a subi durant des années l’image de son passé et n’arrivait pas à écrire une nouvelle page. Souvent éliminé lors des premiers tours des compétitions européennes, le club d’Amsterdam devait seulement se contenter de jouer le championnat et la coupe nationale. Sa notoriété n’arrivait pas à s’extrapoler en Europe comme il se devait.

Mais cette saison, beaucoup de choses ont changé. Alors que le titre de champion s’est volatilisé ce week-end après la défaite face au PSV (1-0), l’Ajax est en train de réaliser une saison pour le moins surprenante au niveau européen. Sortie de son groupe de qualification à la 1ère place (groupe composé du Celta Vigo, du Panathinaikos et du Standard de Liège), l’équipe néerlandaise a dû se défaire du Legia Varsovie, de Copenhague et de Schalke 04 après un match retour de folie. C’est maintenant au tour de l’Olympique Lyonnais d’affronter les Ajacides et leur jeunesse débordante. Cela fait 20 ans que le mythique club des Pays-Bas n’a pas connu une demi-finale européene (victoire de la Juve 6-2 en 1997 en demi-finale de Ligue des Champions)

Une chose est sûre : la bande de Bruno Génesio va devoir sortir deux prestations de très grande qualité pour espérer jouer une finale européenne.

Dispositif tactique :

Hommes fort du système

Hakim Ziyech :  Arrivé cette saison en provenance de Twente, l’international marocain est venu du côté d’Amsterdam pour jouer dans un club de plus grand calibre. Beaucoup pouvaient penser que c’était sûrement risqué pour un joueur pas assez mature mentalement (coupable de sauts d’humeur), mais le jeune homme de 22 ans répond présent. Ayant une facilité à se projeter dans les halfspaces ou dans les espaces libres, il a la lourde tâche d’organiser le jeu (11 passes décisives, co-meilleur passeur avec Larsson (Hereenveen) et Jorgensen (Feyeenoord)).

En plus d’être présent dans le camp adverse (4,4 tirs par match, le joueur qui tente le plus en Eredivise), Hakim est aussi un joueur qui maintenant ne renie plus à la tâche défensive comme c’était le cas à Twente grâce à un volume de jeu conséquent (1 interception en moyenne par match et 1,7 tacles tentés par match). Malgré tout, il reste toujours en difficulté sur cet aspect étant parfois hors-tempo ou alors par sa volonté qui peut paraître insuffisante sur certaines phases. Il en reste un meneur de jeu un peu fou et rempli de talent.

Kasper Dolberg : Alors qu’Arkadiusz Milik s’est envolé du côté de Naples cet été, l’Ajax n’a pas cherché longtemps pour trouver une relève de qualité. Âgé de 19 ans, le jeune international danois est en train de faire une saison de la révélation aux yeux de l’Europe avec des statistiques qui parlent pour lui (19 buts et 7 passes décisives).

Capable de jouer entre les lignes, il apporte une solution de soutien lors des transmissions courtes grâce à ses qualités techniques et de jeu de corps. Rapide dans ses courses, le jeune international danois arrive à lire le jeu en étant toujours bien placé et à prendre les espaces libres. C’est une solution qui peut être trouvée dans les interlignes ou dans la profondeur.

Blessé à la cuisse depuis le 18 mars, la jeune pépite de l’Ajax revient au bon moment. Les images résumeront assez mieux que moi les qualités de Dolberg.

André Onana : Alors que l’Ajax perdait son gardien Cillessen cet été, l’institut néerlandais n’a pas mis longtemps pour trouver son successeur. Arrivé en 2014 en provenance de la Masia, André Onana a fini ses classes du côté de la réserve de l’Ajax durant les deux années qui ont suivi.

Le petit Camerounais a bien appris les principes de jeu de l’académie : bon avec ses pieds (74,3 % de passes réussies dont une passe décisive en Eredivise) il reste toujours une solution pour ses partenaires. De plus, grâce à sa taille (1m90), c’est un gardien qui s’impose dans les airs, rassurant ses camarades lors des périodes plus creuses. Malgré tout, sa jeunesse se fait sentir parfois avec un manque d’expérience, ce qui est totalement normal.

Une chose est sûre, la relève est trouvée du côté d’Amsterdam, le temps qu’un gros club vienne le prendre.

Une phase sans ballon disciplinée :

Lorsque des équipes sont jeunes par l’âge et l’expérience, les phases sans ballon sont souvent difficiles. Ce n’est pas le cas pour les joueurs de Peter Bosz.

Dès que son équipe n’a plus le ballon, les principes se mettent en place pour faire déjouer l’adversaire et ne pas subir.

Positionné en 4-4-1-1, l’Ajax mise sur une densité axiale en s’orientant vers des zones à occuper au lieu de se baser sur des individualités. Pour créer cet équilibre, Klaassen se repositionne près de Schöne lors des phases sans ballon et permet de couvrir une plus grande zone dans l’axe du terrain. De ce fait, l’Ajax pousse l’adversaire à écarter sur les côtés. Lorsque l’adversaire décide de s’orienter vers ses côtés, c’est le travail du bloc-équipe qui se met en place : il coulisse le plus vite possible vers la zone où se situe le ballon pour récréer cet équilibre.

En plus d’être solidaires dans les aspects défensifs, Peter Bosz demande à ses joueurs d’être agressifs dès que l’occasion se présente. Cela va permettre d’éloigner l’adversaire en le faisait reculer dès que ce dernier se tourne dos au but ou revient dans son camp. Plus le joueur va agresser son adversaire, plus le bloc-équipe pourra aussi remonter. C’est une notion essentielle pour l’entraîneur néerlandais.

« Si un adversaire retourne dans sa moitié de terrain, le dernier défenseur de mon équipe ne doit pas avoir peur lui aussi de rentrer dans la moitié de terrain de l’adversaire »

Mais comme vous le savez, dans le football, il n’y a pas que le bloc médian. Lorsque l’Ajax est dans un temps fort physique, le bloc haut se met en place et le pressing suit de ce pas.

Dès que ces phases de pressing se mettent en place, le bloc équipe n’hésite pas à monter pour jouer le hors-jeu en cas de long ballons. Cette agression est importante dans le jeu de Bosz car cela peut provoquer plusieurs phases de transition en cas de récupération du ballon, point fort du jeu de l’Ajax.

« Lorsque nous perdons la balle, nous avons mis en place la règle des cinq secondes. Chaque joueur doit faire en sorte d’avoir récupéré la balle dans les cinq secondes qui suivent sa perte en pressant immédiatement l’adversaire »

Cette règle vient de Barcelone version Guardiola (c’était 3 secondes pour son équipe) : l’idée est que l’adversaire n’est jamais en bonne position lorsqu’il récupère le ballon. De ce fait, les équipes qui mettent en place cette idée utilisent ce temps intermédiaire pour récupérer le ballon et créer un déséquilibre chez l’adversaire.

Grâce aux profils des ailiers et aux qualités du milieu, les récupérations peuvent être fatales pour l’adversaire. Les joueurs essaient de trouver Youness, Kluivert ou Traoré (selon le titulaire) pour utiliser leur qualité de 1 contre 1 et créer le décalage pour un centre ou une frappe. Tout est fait pour que les qualités de l’effectif soient utilisées.

Malgré toutes ces idées, l’Ajax connaît des difficultés défensivement. Ils sont capables d’avoir des sauts de concentration ou un excès d’engagement, ce qui crée des fautes dangereuses alors qu’elles peuvent être évitables (cf coup franc de Locadia). De plus, les défenseurs ont du mal lorsque l’adversaire commence à mettre de l’engagement physique comme on a pu le voir contre Schalke. Les qualités physiques et la naïveté de l’effectif batave doivent vraiment être un axe de progression pour solidifier cette équipe très joueuse.

Ça fume le ballon comme à l’Ajax :

Lorsque l’on voit les dernières équipes qui ont effectué un jeu léché, les défenses sont un point central car elles sont initialement les premières en action et représentent l’état d’esprit de l’équipe.

Si on voit un défenseur, seul près de ses 16 mètres, qui tente une transversale alors qu’il avait le temps de jouer au sol ou d’avancer avec le ballon, on imagine déjà comment l’équipe va évoluer au fur et à mesure du match. A l’inverse, si on remarque que le défenseur prend l’initiative de monter balle au pied dans l’espace libre qui se situe en face de lui ou fait une passe au sol verticale, on sait que c’est une équipe qui va vouloir faire le jeu. Si vous voulez imager ce que je viens de dire, faites-le avec Godin et Stones. Vous avez les deux différentes pensées.

Ce principe demande un niveau d’exigence technique car la prise de risque est constante, partant même du gardien. Du côté de l’Ajax, l’effectif permet de rendre cette idée possible car la technique individuelle de chacun est d’un très haut niveau.

Onana, Sanchez et Viergever jouent un rôle essentiel dans le jeu de Bosz, surtout dans la préparation des attaques placées. L’international camerounais passe beaucoup de temps hors de sa surface de réparation pour être une solution en retrait pour ses défenseurs centraux.

Concernant ces derniers, ils sont essentiels car ils prennent l’initiative de la verticalité soit en « conduccion » ou alors n’hésitant pas à aller chercher la solution la plus éloignée possible pour créer l’aspect de 3e homme par la suite.

Mention spéciale pour Davinson Sanchez (89% de passes réussies) qui a une qualité de relance adéquate avec les idées de jeu, surtout qu’il ne passe pas son temps à faire des passes vers le latéral le plus proche ou son gardien.

Les joueurs ne sont pas fous, ils ne font pas exclusivement des choix de relance courte lors des attaques placées. Dès que l’adversaire vient les presser, Onana ne s’interdit pas d’allonger vers l’avant, surtout vers Traoré, pour créer un duel aérien et créer un décalage. La variété est une force qui ne faut pas négliger car elle permet de déstabiliser l’adversaire le plus possible.

Grâce à la qualité de ses attaquants, l’Ajax a la possibilité de varier ses actions. Le 3e homme, la création d’espaces sont des solutions parfois utilisées par les joueurs grâce à la qualité de projection des milieux relayeurs que sont Ziyech et Klaassen ainsi que les ailiers qui n’hésitent pas à rentrer dans l’axe dès qu’ils en ont l’occasion. Mais le choix le plus utilisé se fait grâce aux qualités des ailiers.

L’importance des défenseurs rentre une nouvelle fois en compte dans cet aspect avec les intentions de ne pas lâcher le ballon si un espace est libre devant eux. Si un central décide de monter, ce dernier va créer un décalage car un joueur adverse devra obligatoirement sortir de sa zone pour presser le porteur de balle. A partir de là, le joueur libre pourra être trouvé. CQFD.

Mais la force se trouve surtout dans le fait de créer des triangles de jeu sur les côtés pour ensuite retrouver le joueur excentré libre le plus vite possible. Grâce à cela, ce dernier pourra se retrouver très vite en 1 contre 1 avec ses qualités techniques et de percussion. L’importance de Dolberg se fait sentir dans ces situations avec ses qualités de remise et sa présence entre les lignes.

Les latéraux apportent beaucoup car ils sont souvent impliqués dans les triangles formés par les joueurs ou alors par des dédoublements. Lorsque l’ailier est pris à deux, la concentration des adversaires sera plus focalisée sur le feu follet que sur les espaces libres, qui seront dans ce cas-là occupés par les latéraux. Tous les joueurs sont impliqués dans le jeu que veut inculquer Peter Bosz, ce qui permet d’avoir des phases de jeu pour le moins impressionnantes dans l’exécution et dans la rapidité. Avec quasiment 500 passes par match et 58% de possession de balle en moyenne, l’Ajax se place dans le gratin européen dans ce domaine et transforme les différentes phases de jeu en actions de but.

« Mais tirer au but, ça n’est que la finalité d’une bonne possession de balle ! »

La démonstration de tous les aspects de jeu de l’Ajax se résume en une seule vidéo, faut en profiter.

Depuis l’arrivée de Peter Bosz à la tête de l’Ajax, cette équipe est un régal à voir jouer. Les joueurs prennent un plaisir fou sur le terrain et ça se voit, ils ne pensent jamais à gérer un avantage ou à ne pas prendre de risque face à des gros poissons. Leur but est simple : mettre une valise à n’importe quel adversaire, ne jamais se contenter d’un but de plus.

Le travail commence à porter ses fruits avec cette qualification en demi-finale de Ligue Europa qui pourra rapporter un trophée qui fera du bien à la notoriété de ce club historique. En tout cas, Amsterdam peut être fier de ce qu’il y a de plus sain humainement dans sa ville.

Credit photo : betweters.nl

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Le football est une véritable partie d'échec.