[Premier League] Aucune limite pour Huddersfield Town

Le lundi 29 mai, le temps est suspendu au Wembley Stadium de Londres lorsque Christopher Schindler pose le ballon au point de penalty. Il le sait, ce but peut être celui en or, le but qui envoie son équipe en Premier League, le but qui leur permet de s’enrichir considérablement. En face des supporters de Terriers, tout repose sur ses épaules, mais il ne tremble pas. Et d’un seul coup c’est la folie, un mélange de larmes et de bonheur à l’état brut, plus rien n’est clair sauf le fait qu’Huddersfield Town jouera au sein de l’élite anglaise la saison prochaine. Et ça personne ne l’aurait imaginé en août dernier.

A l’époque où l’on était loin de rêver à une promotion

En 2012 l’équipe du Yorkshire atteint la Championship après un passage en League One (troisième division), grâce à une victoire aux tirs au but face à Sheffield United où Alex Smithies se sera montré héroïque. Un peu comme Danny Ward à Wembley, mais on en est encore loin.

Rien n’est simple pour eux, rien ne fonctionne, ce qui les amène à végéter au bas de tableau entre la 16e et 24e place. Cet enchaînement de saisons pauvres contribue à lentement vider le stade de son public qui ne prend aucun plaisir devant une équipe sans identité ni fond de jeu. Pendant ces années, la survie ne s’acquiert que par l’intermédiaire de l’achat d’un jeune joueur talentueux, qui finira par être rapidement attiré par un autre club l’ayant repéré. Avec un tel système, impossible d’espérer quoi que ce soit, et on est à des années lumières de l’élite anglaise.

Finalement, le club va finir par réagir en prenant la décision de limoger leur coach, Chris Powell, fin 2016. La direction se tourne alors vers l’étranger et enrôle David Wagner, entraîneur allemand alors à la tête des U23 du Borussia Dortmund. C’est là que tout a changé. Directement, son arrivée a eu une influence majeure sur l’équipe, qui a relevé la tête de l’eau afin d’éviter la relégation.

Crédit photo : htafc.com

Au-delà du classement, c’est la façon de jouer qui a radicalement changé puisqu’une ‘Terriers’ Identity’ a commencé à se dessiner lentement. Un peu comme la race de chien éponyme, bien que ce soit une petite formation elle se démarque par son agressivité et son envie. Sur le plan défensif notamment, Wagner a implanté un pressing très intense, permettant de jouer haut sur le terrain. Cette mentalité a permis à l’équipe de ne pas sombrer face aux meilleures formations du championnat. Le jeu est devenu nettement plus offensif, basé sur la possession avec des latéraux très haut ainsi qu’un passage en 4231 qui a immédiatement fonctionné.

Ce changement a eu un impact sur le public qui a lentement réintégré le John Smith Stadium où les North Stand Loyal, un petit groupe de supporters créé début 2014, s’est peu à peu agrandi afin de redonner de la vie à cette enceinte. En quelque semaines, les Terriers ont retrouvé des couleurs. Puis la trêve estivale est arrivée, et le coach allemand a pu intensifier le travail et ancrer encore d’avantage ses principes.

Déjouer les pronostics

Avant le début de la saison 2016/2017, presque tout le monde voyait le club rester dans la même situation, voire retourner en League One. Mais du côté du Yorkshire, on était loin de cet état d’esprit, notamment du fait d’un bon travail effectué lors de la préparation et du côté des transferts. Le club a fait un recrutement intelligent, tout en gestion, à l’inverse d’autres clubs du pays qui, souvent, dépensent pour dépenser.

Avec Wagner, le recrutement s’est essentiellement tourné vers l’Allemagne. Ainsi, le club a pu comptabiliser les arrivées de Michael Hefele en provenance du Dynamo Dresden et Chris Löwe de Kaiserslautern gratuitement, Elias Kachunga a été prêté par le FC Ingolstadt puis acheté avant la fin de la saison pour un plus d’un million euros. Durant l’hiver, c’est Collin Quaner qui a quitté l’Union Berlin pour un peu moins d’un million d’euros. Puis un transfert record a été enregistré quand Christopher Schindler a quitté le TSV Munich 1860 pour la somme de 2.2 millions d’euros. Oui oui record.

Crédit photo: htafc.com

A côté de ça, de multiples prêts ont été enregistrés en plus de celui de l’attaquant allemand : Aaron Mooy qui appartient à Manchester City, Danny Ward à Liverpool, Isaiah Brown et Kasey Palmer à Chelsea. Tous ces hommes auront été déterminants pour le club cette saison, puisqu’il est certain que sans eux, il aurait été plus difficile de franchir cette fameuse limite qu’est celle de la promotion.

Armé de la sorte, on peut se dire que le club voulait au moins s’assurer d’éviter le bas de tableau pour la énième fois, mais peut-être pas de jouer les premiers rôles. Pourtant ils ont créé la surprise en s’installant à la première place pendant une cinquantaine de jours ainsi qu’en restant invaincus lors des six premières rencontres. Chose que personne n’aurait osé imaginer, pas même les supporters du club pour qui la promotion était à des années lumières.

Par la suite, les hommes de David Wagner ne se sont jamais pris les pieds dans le tapis puisque leur plus mauvaise position fut la 12e place pendant une très courte période. Cette situation a donc radicalement contrasté avec celle des précédentes années et plus les semaines ont passé, plus leurs performances leur ont permis de rêver. Les victoires se sont enchaînées, parfois difficilement, parfois non. Mais lentement, l’objectif de s’installer parmi les six premiers afin d’avoir au moins un ticket pour les play-offs s’est dessiné, et ça s’est concrétisé à quelques journées de la fin. D’ailleurs on a pu rire du grand rival Leeds qui a failli à décrocher ce ticket en plus d’avoir perdu le derby en février dernier.

Enfin cette cinquième place signifiait que Huddersfield Town, l’un des plus modestes clubs du championnat, pouvait peut-être créer l’exploit. Globalement, cette saison est sans aucun doute l’une des meilleures que le club ait connu mais aussi la meilleure pour la grande majorité des supporters aujourd’hui. Avec ou sans promotion, l’histoire aurait été belle. Mais pourquoi pas ajouter une cerise sur le gâteau ?

« To the Premier League we’re on our way… »

En atteignant les play-offs, les hommes de Wagner ainsi que le public ont commencé à voir le mirage de la Premier League planer au-dessus de leur tête. Toutefois, difficile d’y croire quand il faut déjà passer l’obstacle Sheffield Wednesday. Sur le papier, ils ne partent pas favoris étant donné que les Owls n’ont pas perdu un match contre Huddersfield depuis 2014 et que ces derniers n’ont marqué que deux petits buts. Le challenge est donc de taille.

Après un match aller qui se termine sur un 0-0, tout reste à faire. Et c’est à Hillsborough que le ticket pour la finale va se jouer. Les locaux vont ouvrir le score mais ceci ne va pas décourager les Terriers qui vont égaliser sur un but contre son camp de Tom Lees qui a contré un tir de Nahki Wells. Et sans trembler, tenir jusqu’à la séance de tirs au but. Et c’est à cet instant que le show Danny Ward a commencé. Lui qui n’avait que très rarement sauvé un penalty auparavant va choisir le moment opportun pour le faire… Deux tirs sauvés, rien que ça, dont celui de la gagne. Puisqu’en arrêtant le tir de Fernando Forestieri après que Jack Payne ait manqué le sien, il a rendu fou de joie tout un club qui s’est rendu compte qu’il serait à Londres pour affronter Reading.

Crédit photo: liverpoolecho.co.uk

Et là vous connaissez le scénario… Des opportunités pour tuer le match bien avant d’entrer dans le temps additionnel, un match pas forcément glorieux, mais c’était une finale. Et comme tous les matchs dont l’enjeu est hors norme, rien n’est jamais simple… Et les penaltys à l’issue des 120 minutes de jeu ne l’auront pas été non plus. Face aux supporters d’Huddersfield, on se dit que c’est une bonne chose, un peu moins quand c’est Reading qui prend le premier tir.

Tout se passe normalement, jusqu’à ce qu’Hefele voie son penalty stoppé. D’un côté on s’effondre, de l’autre on exulte, pourtant rien n’est encore fait. Car Liam Kelly a tout fait changer en tirant au-dessus de la transversale, faisant passer la confiance dans l’autre camp. Ni Wells, ni Mooy n’ont hésité, et du côté de la Blue and White Army on se dit que c’est peut-être réel. C’est là que le gardien prêté par Liverpool fait encore des merveilles : il arrête superbement le tir d’Orbita, offrant cette merveilleuse opportunité à Schindler… L’Allemand a ouvert les portes de l’élite anglaise à ce petit poucet, il a rendu ivre de joie Dean Hoyle, ce président fou amoureux de son club, et il a aussi fait verser beaucoup de larmes. What a time to be alive.

Ainsi, la saison prochaine il faudra surement se préparer à une atmosphère électrique en allant faire un tour au John Smith Stadium qui sera plein à craquer grâce à des abonnements dont le prix défie toute concurrence. Comme si un petit bout de l’Allemagne s’était déplacé dans le Yorkshire.

Crédit photo : Nick Potts / AP

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Parle d'Allemagne et de Bundesliga, et c'est à peu près tout.