Deux années sombres à lutter contre le spectre de la relégation, une direction ubuesque et Geoffrey Kondogbia dans la peau du sauveur. Bienvenue à Valence, où l’heure de gloire semble enfin pointer le bout de son nez.
Des kilomètres d’autoroute, et rien, si ce n’est des orangers et des oliviers alignés sur le bord de la voie. Enfin, des grandes barres de béton se dressent, et on devine facilement la mer méditerranée à l’horizon. L’entrée dans la ville de Valence se fait par de grandes routes bordées de palmiers et d’un coup, stupeur : le Colisée se dresse là, avec ses arcades, son aspect de ruines et ses rues avoisinantes ensoleillées. Après vérification, il ne s’agit pas de l’antique monument romain, mais bien du « nouveau » stade du Valencia CF, censé être le Nou Mestalla. Lancée en 2007, sa construction devait faire passer Valence dans une autre dimension, avec 75000 places annoncées et un club qui sort d’un début de millénaire glorieux. Seulement, la crise immobilière espagnole passe par là, et le bordel s’installe dans la troisième ville espagnole. Pas les moyens de finir les travaux, pas d’acheteur potentiel pour le stade mythique des Valenciens. Résultat : deux stades, un club, et une pagaille administrative et financière inconcevable. Le club se maintient à flot avec des coups d’éclat, des participations européennes, mais le ver est dans le fruit. En 2014, un repreneur est indispensable et il se présente finalement au mois d’août. Il débarque sous les traits de Peter Lim, de la société Meriton Holdings. Très vite, le projet paraît séduisant avec de gros investissements annoncés et des transferts jamais vus jusqu’alors à Valence. Pour preuve, sept des dix plus gros recrutements du club se sont faits sous le règne de l’homme d’affaires singapourien.
Mais très vite, les supporters du club Ché déchantent. Après un premier exercice réussi, une quatrième place à la clé, vient le temps des (gros) doutes sur les apports du nouveau propriétaire. Les saisons 2015-2016 et 2016-2017 se suivent et se ressemblent en termes de résultats. A chaque fois, les Noir et Blanc terminent à une bien terne 12ème place, indigne d’un tel club. Pire encore, ce ne sont pas moins de six entraîneurs qui ont défilé sur le banc de Mestalla depuis la prise de fonction de l’asiatique.
Devant un tel fiasco, une réaction est indispensable lors du dernier intersaison. On cherche d’abord à se débarrasser de certains indésirables, qui constituaient un véritable fardeau dans la masse salariale du club et on fait appel à une valeur sûre pour diriger une équipe appelée à être remaniée. C’est ainsi que le 1er juillet, Marcelino García Toral débarque en Communauté autonome valencienne dans la peau de l’homme providentiel. Après un passage plus que réussi à Villareal, marqué par une 4ème place en championnat ainsi qu’une demi-finale d’Europa League en 2016, le technicien originaire des Asturies accepte un challenge qui a vu cinq hommes être limogés avant lui lors des trois dernières années.
Des chantiers à la pelle
Le pari est de taille, mais doté d’un pragmatisme impressionnant, le nouveau coach va, avec ses dirigeants, effectuer un mercato malin. Le premier des chantiers concerne la défense, absolument catastrophique la saison dernière. 15ème plus mauvaise équipe dans le domaine sur le dernier exercice, des changements doivent être opérés pour espérer une quelconque amélioration. « Une grande équipe ne peut pas prendre 65 buts, c’est la première chose qu’on doit changer », explique Marcelino lors de sa prise de fonction. Aux côtés de Garay, déjà au club, deux recrues intéressantes débarquent à Valence : Gabriel Paulista, en provenance de l’Emirates Stadium, ainsi que Jeison Murillo, qui quitte l’Inter.
Le chantier, de taille, se poursuit avec l’arrivée d’un autre Nerrazzuro, Geoffrey Kondogbia, qui a pour mission de solidifier un milieu de terrain en perdition la saison passée. Dans les buts, c’est un ancien de la Juventus qui arrive en la personne du brésilien Neto.
Retrouver une assise donc, pour commencer. Ensuite, reprendre les fondamentaux offensifs avec des attaquants qui doivent plus performer. Zaza a été définitivement acheté à la Juventus après un prêt plutôt convaincant l’an dernier, marqué par des coups d’éclat. Andreas Pereira par exemple, prêté par United, arrive pour épauler les Rodrigo ou Santi Mina déjà présents, ainsi que quelques jeunes du club appelés à être intégrés à l’équipe première.
Après une préparation compliquée, les Chés entament la saison avec un calendrier dantesque, qui les voit se déplacer au Bernabéu et chez le voisin Levante, ainsi que recevoir l’Atlético Madrid, le tout en quatre journées. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan est pour l’instant encourageant. Cette équipe, 15ème défense de Liga l’an dernier et qui n’avait réalisé qu’un seul clean sheet en une saison n’a encaissé aucun but à domicile en deux matchs. Mieux, les Blanquinegros restent invaincus, ayant réussi à accrocher le Real au Bernabéu suite à une prestation aboutie (2-2). Une victoire inaugurale contre Las Palmas leur permet d’embellir un bilan comptable pas vraiment flatteur au vu du contenu proposé.
Pour remettre les choses en place, le discours de Marcelino est classique et insiste sur un retour aux fondamentaux : de la solidité derrière et des gammes offensives qu’on retrouve sur les buts inscrits jusqu’à présent. Valence développe son jeu sur les côtés avant d’opter, la plupart du temps, pour des centres à destination des attaquants chargés de conclure. Des phases qu’on imagine bien dessinées par le technicien des Asturies sur un tableau noir dans les profondeurs de Mestalla.
Marge de manœuvre assurée
Il faut dire que l’ancien entraîneur de Villareal a procédé à des changements salutaires d’entrée de jeu avec le décalage sur le côté d’un joueur comme Carlos Soler, le brassard donné à un Parejo replacé en double pivot avec Kondogbia. Le Français s’est intégré à vitesse grand V après des moments difficiles à l’Inter, comme en témoigne son but plein de sang-froid au Bernabéu. Encensé par son entraîneur, le milieu défensif reçoit aussi les éloges d’un certain David Albelda, légende du club Ché, dans El País. « Avant, c’était un problème de rendement collectif. Maintenant, l’équipe évolue comme un vrai collectif, les joueurs paraissent meilleurs. Et Kondogbia est très complet, il a un énorme volume de jeu. »
La vraie bonne recrue de ce mercato valencien semble donc se situer sur le bord du terrain lors des rencontres. Marcelino a déjà convaincu le difficile public de Valence, et a même été adoubé par le Cholo en personne, qui a tenu à saluer son travail en conférence de presse, avant le déplacement à Mestalla.
« Ils viennent de faire un très bon match au Bernabéu. C’est un entraîneur qui a toujours très bien travaillé, c’est peut-être même celui qui nous ressemble le plus. Je m’identifie assez à ses idées, à ce que montrent ses équipes. »
Et au vu du début de saison plutôt réussi de Valence, il y a fort à parier que Simeone continuera à tenir en estime le coach asturien. Il faut dire que celui-ci a disposé d’une marge de manœuvre que peu de ses prédécesseurs ont eu sous l’ère Lim, malgré l’influence de Jorge Mendes sur les mercatos successifs des Chés. Une opportunité que Marcelino a su saisir pour commencer à bâtir une équipe capable de ressembler à son projet de jeu. Et quand on voit ce qu’il a réussi à faire du sous-marin jaune du côté du Madrigal, pourquoi ne pas se remettre à rêver chez les supporters du Valencia CF ?
Photo credits : Jose Miguel Fernandez/NurPhoto