Le métier de latéral droit, c’est avant tout un travail à plein temps. Défendre, tacler, attaquer, déborder, centrer… Autant d’actions qui font le quotidien des tous meilleurs à ce poste. Nostalgique des Cafu et autres Philipp Lahm, le latéral droit fait aujourd’hui sa petite crise dans le football moderne. Avec comme seuls référents des joueurs comme Carvajal ou encore Dani Alves à l’échelle européenne, difficile aujourd’hui d’être confiant sur l’avenir proche d’un poste par ailleurs clé dans le football de 2018. Mais alors que l’avenir d’un numéro 2 saillant, courageux et endurant s’obscurcit, de l’autre côté des Pyrénées, un joueur commence pourtant à faire parler de lui : Alvaro Odriozola. Rapide, puissant, et surtout performant, le numéro 19 de la Real Sociedad a l’avenir devant lui. Un avenir qui pourrait le mener plus vite que prévu devant la lumière des projecteurs. En ligne de mire : la coupe du monde 2018 avec l’Espagne. Portrait.
Un talent précoce
C’est le 14 décembre 1995 qu’Alvaro Odriozola Arzallus naît du côté de Donostia, au Pays Basque. Amateur de football dès son plus jeune âge, sa grand mère l’inscrit comme socio de la Real Sociedad, alors qu’il n’a que deux ans. Le club « Txuri-urdin » gravé dans la peau, Odriozola fait ses gammes dans les cours de récréation de l’école ou en club, démontrant déjà un caractère bien trempé et un talent balle au pied. Signe du destin ou non, il se fait rapidement repéré par les recruteurs de la Real Sociedad. Nous sommes en 2006 et le petit Alvaro n’a alors que dix ans. Un talent précoce, mais qui ne surprend pas ceux qui le côtoyaient à l’époque. Dans une interview accordée au « Diario Vasco », Pedro Ramos, responsable de la section football de l’école Aldapeta (où Alvaro étudiait), se rappelle : « Odriozola était déjà très rapide, très électrique dans toutes ses actions. (…) Il ne donnait jamais un ballon pour perdu ». Rapide, guerrier, Odriozola était déjà le reflet du joueur qu’il est aujourd’hui.
En catégorie de jeunes à la Real Sociedad, il continue d’impressionner ses entraîneurs. Au-delà d’une vitesse de course déjà innée chez lui, Alvaro se construit comme un vrai joueur de football chez les Bleu et Blanc. Entraîneur en catégorie jeune de la Real Sociedad, Beñat San José se confie sur la précocité du latéral droit espagnol : « Il n’était pas uniquement rapide dans sa manière de se déplacer, il l’était aussi dans sa manière de lire et d’interpréter le jeu. Il était vraiment très mature pour son âge, ce qui lui permettait d’anticiper chaque action. »
Une ascension fulgurante
A talent précoce, éclosion précoce. Surclassé en catégories jeunes, Odriozola commence peu à peu à glaner du temps jeu en équipe B lors de la saison 2013/2014, il n’a alors que 18ans. Évoluant en Segunda Division B (l’équivalent du National en France), il y développe des qualités de placement mais aussi de relance, caractéristiques essentielles pour pouvoir espérer évoluer au plus haut niveau.
Ce plus haut niveau, Odriozola va d’ailleurs y goûter rapidement. Satisfait de ses prestations avec l’équipe réserve et conscient du potentiel du gamin, Eusebio Sacristan, coach de l’équipe première, décide de lui donner sa chance. Profitant des blessures de Carlos Martinez et Joseba Zaldua, Odriozola réalise ainsi ses débuts en Liga contre Malaga, le 16 janvier 2017.
Après deux années complètes réalisées avec l’équipe réserve, c’est la récompense pour le pur produit de la formation basque. Depuis ce match là, le natif de Donostia ne quittera d’ailleurs plus les rangs du groupe professionnel. Une quinzaine de rencontres plus tard, le voilà comme un référent de la défense « Txuri-urdin » au sortir de la saison 2016/2017.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Albert Celades décide lui aussi de le convoquer, en mars 2017, pour évoluer avec les -21ans espagnols.
2017-2018 : au delà des espérances
Une saison 2016-2017 pour se mettre en jambes, et une saison 2017-2018 pour confirmer. Voilà en quelques sortes les prédictions faites ici et là sur Odriozola en début de saison. Sauf que si cette saison devait être celle de la confirmation, peu imaginaient qu’elle serait en fait celle de la révélation (oui, encore!).
A l’image d’un Marcelo au Real Madrid (autant employer les mots forts), Odriozola démontre cette saison une faculté à beaucoup monter, dribbler, déborder, sans pour autant que l’on ait l’impression qu’il laisse énormément d’espace derrière lui. Même si on peut lui reprocher certaines lacunes dans le jeu aérien, Odriozola compense par une science du placement qui lui permet régulièrement d’être au bon endroit au bon moment.
Avec un but et quatre passes décisives en 30 rencontres jouées cette saison (hors sélection), il n’affole pourtant pas les chiffres, mais offre une solution offensive de choix à des joueurs comme Xabi Prieto ou Canales au milieu. Une statistique démontrant son penchant pour l’avant : Odriozola reçoit davantage de fautes qu’il n’en commet (0,75 fautes commises par match et 0,96 reçues cette saison en Liga).
C’est d’ailleurs sans doute pour cette insouciance, cette fulgurance, que le sélectionneur national Julen Lopetegui a décidé de le convoquer pour la première fois en octobre dernier, dans le cadre des éliminatoires pour la coupe du monde 2018.
OFICIAL | Aduriz, Odriozola y Jonathan Viera, altas en la @SeFutbol https://t.co/Ha2iAbsyAB pic.twitter.com/46tJsVQg2m
— Selección Española de Fútbol (@SeFutbol) October 2, 2017
Aussitôt convoqué, et aussitôt titularisé. Profitant de l’absence de Dani Carvajal, Odriozola célèbre sa première sélection contre l’Albanie, le 6 octobre dernier à Alicante. Et quelle première sélection !
Dans un match dominé de bout en bout par la Roja, Odriozola se présente comme l’arme offensive numéro un des coéquipiers de Sergio Ramos. Dédoublements, appels, disponibilité rythment la rencontre du numéro 19 de la Real Sociedad. L’impression que le gamin en est à sa 50ème sélection et qu’il joue avec les mêmes joueurs depuis dix ans. Sauf que non. C’est bien le même joueur qui, un an auparavant évoluait avec la réserve de la Real Sociedad et possédait une valeur marchande équivalente à deux cacahuètes et trois pipas (300 000euros selon Transfermarkt en février dernier, alors qu’il vaut 20 millions d’euros aujourd’hui). Et pour couronner une première sélection remarquable : un centre parfait pour une tête de Thiago Alcantara qui finit au fond des filets. Score final 3-0, une passe décisive, élu homme du match, des débuts rêvés pour Odriozola avec l’Espagne.
Un avenir tout tracé, ou pas
Des performances de haut niveau en club, deux très bonnes premières sélections en équipe nationale, de quoi éveiller l’appétit de grands clubs européens. En tête desquels le Real Madrid. Si aucune approche officielle n’a été faite par les «merengue » pour le latéral de 22ans, l’intérêt du club de la capitale semble bien réel. En décembre dernier, le journal madrilène Marca affirmait que le Real Madrid réfléchissait à payer la clause libératoire du joueur.
Une clause libératoire qui, malgré la prolongation récente du joueur, ne s’élève qu’à 40 millions d’euros. Une bouchée de pain quand on connaît la qualité du bonhomme, mais aussi quand on sait l’absence de joueurs d’avenir à ce poste dans le football européen.
Du côté d’Odriozola, on dément toute rumeur et on reste évidemment concentré sur la saison en cours, comme il le confirme dans une interview à « Radio Euskadi ».
« Les gens me demandent de rester… mais moi je n’ai jamais dis que j’allais partir ».
Simple, clair, et précis. Il est vrai que le défenseur d’à peine 1m75 aurait de toute façon tort de se précipiter. A 22ans, avec une saison et demi effectuée au plus haut niveau, le latéral droit espagnol grille de nombreuses étapes depuis début 2017.
Une éclosion rapide, soudaine, qui ne doit pourtant pas lui porter préjudice au moment de prendre une décision sur son avenir. Un avenir qui passera d’ailleurs peut-être par la Russie cet été. Ravi des prestations d’Odriozola en sélection, Julen Lopetegui suit attentivement les performances du jeune défenseur du côté d’Anoeta. Et même si le joueur préfère la prudence : « Aller en Russie, ça me paraît encore loin. La clé c’est d’être à 100% avec ton club, et c’est ce que je compte faire ». Une bonne seconde partie de saison en club lui ouvrira les portes de la Coupe du Monde, devant les Bellerin, Juanfran et autre Mario Gaspar. La prime à la jeunesse pour certains, la prime à la régularité et au spectacle pour d’autres (ah oui, on ne vous l’avait pas dit : Odriozola, c’est aussi l’empereur du centre fouetté à mi hauteur).
De l’équipe réserve à Anoeta en passant par la sélection, voilà la trajectoire folle d’Alvaro Odriozola Arzallus depuis un peu plus d’un an. Une trajectoire qui fera peut-être escale à Krasnodar, camp de base de la Roja cet été. Voir le nom d’Odriozola apparaître dans la liste des 23 ne surprendra en tout cas personne…Sauf peut-être ceux qui n’ont pas lu cet article !
Crédit photo : AFP PHOTO / ANDER GILLENEA