[Portrait] Romelu Lukaku, ou comment faire taire les critiques

Après avoir rendu de bons et loyaux services pendant quatre années chez les Toffees, Romelu aspirait à passer un cap et prouver qu’il avait enfin les épaules pour évoluer dans une grosse cylindrée. En raison de performances plus que remarquées lors de son passage à Everton, les courtisans ne manquaient pas pour rafler la mise Lukaku. Il fut l’un des principaux protagonistes de l’incroyable course à l’armement en termes de numéro 9 chez les cadors Anglais, et plus précisément, Chelsea et Manchester United. Alors cible privilégiée d’Antonio Conte à Chelsea, il rallia finalement Manchester United pour retrouver José Mourinho, son ancien entraîneur à Chelsea. Alvaro Morata était quant à lui sur les tablettes des Red Devils, et rejoignit finalement les Blues.

85 millions d’euros plus 17 millions de bonus pour Romelu Lukaku. Une somme astronomique, mais loin d’être surprenante quand on connaît un minimum le marché anglo-saxon. Un montant vertigineux, qui a fait couler beaucoup d’encre dans l’Europe entière. Romelu fut l’objet de nombreuses railleries et moqueries lors de son arrivée à Manchester United, notamment dûes à son prix. En effet qui n’est pas tombé sur un fameux GIF se moquant ouvertement de ses first touchs manquées, ou d’une occasion vendangée, pour critiquer le choix de Manchester United de mettre autant sur un attaquant de « seconde voire troisième zone ». Certains voyaient en cette arrivée, un énième transfert raté chez les Red Devils qui accumulent les flops depuis la retraite de Sir Alex Ferguson.

Mais les observateurs réguliers de Premier League étaient pleinement convaincus des qualités intrinsèques du joueur, qui a déjà terrassé à de nombreuses reprises les défenses d’Outre-Manche. En effet, à seulement 23 ans, il pouvait se targuer d’être le meilleur buteur de l’histoire d’Everton, et d’avoir inscrit la bagatelle de 87 buts en 4 saisons. Il aura clairement marqué de son empreinte son ancien club, en étant le facteur X de l’équipe. Il délivra par la même occasion pas moins de 26 passes décisives sur cette période, donnée qui montre qu’il peut participer au jeu et qu’il ne se contente pas d’être un simple finisseur.

Le Diable Rouge devient Red Devil

Bref il était temps de s’envoler vers de nouveaux cieux pour le jeune Belge, afin de démontrer à tous ses détracteurs qu’il a enfin les épaules suffisamment larges pour s’imposer dans un top club. Rejoindre Manchester United, et le système de Mourinho, n’a rien d’anodin. Ce qui peut surprendre ce sont les retrouvailles des deux, puisque leur précédente collaboration à Chelsea n’a pas été un long fleuve tranquille. Mais le passé appartient au passé, et les deux hommes ont les yeux rivés vers le futur de United.

Un petit but pour bien commencer l’aventure avec les Red Devils face au Real de Zidane en Supercoupe d’Europe début Août, avant de faire des débuts tonitruants avec pas moins de sept buts inscrits sur les sept premiers matchs de Premier League.

La greffe entre le Diable Rouge et les Red Devils avait pris instantanément. Rapidement, on put constater que Romelu avait une plus d’une corde à son arc, et se muait de plus en plus en un attaquant complet, en étoffant constamment sa palette de jeu. On connaît bien évidemment ses qualités hautement reconnues de vitesse, de puissance et de jeu dos au but où il excelle (Carragher en a fait les frais.)

Très fort dans les airs et en pivot, il peut faire monter le bloc en conservant le ballon dos au but, et faire souffler l’ensemble de l’équipe. Mais ce qui a pu en surprendre plus d’un, c’est sa propension à participer au jeu, et surtout à ne pas se cacher lorsque les choses se compliquent. Il n’hésite pas à revenir dans le cœur du jeu pour combiner avec ses partenaires. Il cherche constamment la meilleure solution, avec ses remises en 1-2 touches de balles, et n’hésite pas à venir sur le côté pour centrer si le besoin s’en fait ressentir. En somme, ne vous attendez pas à le voir rester seul sur le front de l’attaque comme un piquet et attendre les ballons. Il est toujours en mouvement, et n’hésite pas à prendre part au jeu mancunien. C’est un véritable joyau pour l’équipe, surtout dans le système du Special One. Pas avare en effort, il fait un pressing quasi-permanent sur l’arrière-garde adverse, prend d’innombrables ballons précieux de la tête (le fameux « Long Ball FC » n’y est pas totalement étranger) et on sait très bien qu’il est difficilement rattrapable si on le lance correctement dans le dos des défenseurs.

Il cassa donc la baraque d’emblée, et se mit une bonne partie des supporters et des observateurs dans la poche tout en calmant quelque peu ses fidèles détracteurs. Dans cette lignée, il ouvre son compteur but en Ligue des Champions face au FC Bâle lors de sa première rencontre dans la plus prestigieuse des compétitions. Il finira cette aventure européenne avec cinq buts à la clé en huit matchs, et des performances plus qu’honorables notamment face à « l’ogre Sévillan » où il fut l’un des seuls à surnager tant au match aller qu’au match retour, malgré la performance XXL de Clément Lenglet.

Néanmoins, comme tout attaquant qui se respecte, il traversa un léger passage à vide pendant l’Automne avec une série de sept matchs sans marquer. Il connut une pluie de critiques après son match complètement loupé face aux rivaux Citizens, où il se mit en valeur avec une passe décisive pour David Silva, et un dégagement manqué qui coûta deux buts à son équipe. Ajoutez à cela un duel perdu face à Ederson en toute fin de partie, qui aurait pu ramener les 22 acteurs sur un score nul.

Mais encore une fois, alors que les critiques s’abattaient sur lui, remettant en cause ses qualités et sa capacité à tenir l’attaque d’un cador européen, il démontra une nouvelle fois toute sa force mentale pour se relever de cet échec et revenir encore plus fort. Une des principales qualités de Romelu, est à n’en pas douter sa faculté à ne pas se cacher sur et en dehors du terrain. Il sera le premier à faire son auto-critique de manière assez objective. Il connaît ses points forts, mais aussi ses points faibles et cherche de manière permanente à progresser afin de devenir le plus complet possible. Il s’est fait rapidement adopté par les fans Mancuniens en raison de ses performances sportives mais aussi grâce à ses déclarations toujours instructives et intéressantes à son sujet ou sur l’équipe.

Le Mondial en ligne de mire

Le polyglotte Belge a fait son trou à Manchester United. Il est respecté par les joueurs, et s’est pleinement adapté à cet effectif. Il est l’un des « soldats » du Mou, et leur relation semble au beau fixe malgré les derniers résultats décevants notamment sur la scène européenne. Enfin, certains supporters voient en lui un leader incontesté capable de devenir par la même occasion le capitaine de cette équipe. Une éventualité à ne pas prendre à la légère, puisqu’il n’a pas peur de prendre ses responsabilités que ce soit sur le rectangle vert ou dans les coulisses, en ayant constamment la bonne parole au bon timing, et en enchaînant les bonnes prestations sous la tunique des Red Devils. C’est encore trop tôt pour le capitanat mais rien ne semble impossible dans le football, comme le retournage de veste à son sujet.

Oui car depuis 2018, Romelu est dans une forme olympique. Est-ce l’approche du Mondial, ou un transfert enfin totalement digéré ? Peu importe, tant dans le jeu que dans ses statistiques, le joueur d’origine congolaise semble avoir passé ce fameux palier qui lui manquait pour être considéré comme un très bon attaquant européen. Il lui reste cependant beaucoup d’étapes avant d’espérer devenir un top attaquant, mais au moins son talent est reconnu à sa juste valeur, et non pas sur des gifs ou des vidéos Youtubes de mauvais goût.
Sur un plan purement statistique Romelu est probablement dans la forme de sa vie, en atteste ces chiffres :

https://twitter.com/MUnitedFrance/status/978735923868454912

Mais comme ce tweet l’explique si bien, il ne se contente pas d’être à la finition. Mieux, il progresse à vitesse grand V dans le jeu, et corrige continuellement ses lacunes. Ses remises sans contrôle ou en deux touches sont bien mieux réussies. Il participe encore plus au jeu et fournit un travail de l’ombre encore plus conséquent sur le front de l’attaque. Ce joueur critiqué pour son style peu académique, a élevé son jeu balle au pied, ses conduites de balles sont plus sûres, ses passes verticales le sont tout autant, et ce malgré un déchet toujours important, mais qui semble quelque peu compréhensible compte-tenu de l’abattage fourni par le géant Belge. La passe décisive face à Chelsea est l’exemple parfait de sa progression dans le jeu, et de sa propension grandissante à devenir un acteur majeur de l’animation offensive de Manchester United.

On lui reprochait son manque de performance face aux membres du Big 6 Anglais, Romelu a montré qu’il était capable d’élever son niveau de jeu dans ce type de rencontres. Un but et une passe décisive face à un mastodonte anglais, mais surtout une facilité déconcertante à éliminer deux adversaires sur le second but (bien aidé par leur passivité ceci dit), et un amour de centre pour Lingard. Romelu est désormais présent dans les grandes joutes britanniques, et progresse dans tous les compartiments du jeu. Tout en faisant trembler les filets à 25 reprises et en distillant 8 passes décisives lors des 44 rencontres disputées avec Man United.

L’idylle naissante entre Manchester United et Romelu Lukaku n’en est qu’à son commencement, et nul doute qu’elle continuera dans ce sens dans les années à venir. Lukaku est un exemple pour l’ensemble des joueurs. Il a répondu aux attentes et aux critiques sur le terrain, sans faire trop de bruit dans les coulisses, et beaucoup de joueurs devraient s’en inspirer, notamment en France. Bon nombre d’observateurs oublient qu’il a seulement 24 printemps, et qu’il dispose encore d’une bonne marge de progression. Le hasard fait souvent bien les choses. Parti comme un plan B, il est devenu contre toute-attente le joueur phare de cette équipe, avec un statut d’indispensable et de coqueluche du public exigeant de Manchester United. Ce qui prouve une fois de plus que l’humilité et le travail payent dans ce sport, contrairement aux déclarations dans les médias et dans les apparitions loufoques sur les réseaux sociaux.

Preuve de son travail acharné au quotidien, il fait plus que rivaliser avec les autres artilleurs du championnat anglais. A l’instant T, on peut dire qu’il gagne sans trop de difficultés son duel à distance avec les nouveaux 9 qui ont débarqué en Angleterre à savoir Alexandre Lacazette ou Alvaro Morata.

https://twitter.com/brfootball/status/975393141007245312

Nulle envie de comparer l’incomparable, mais cette statistique se révèle être très intéressante quand on se souvient que ces derniers auraient pu évoluer sous les ordres d’un certain José Mourinho en 2013-2014 à Chelsea. De quoi laisser d’immenses regrets aux fans de Chelsea et du football en général.

Bien que pleinement concentré sur ses objectifs avec son club, l’ancien d’Anderlecht doit forcément penser aux échéances futures, et notamment la Coupe du Monde en Russie qui arrive à grand pas.
Tout comme la Belgique, il sera attendu au tournant en Russie. Tout comme la Belgique, l’ensemble des amoureux du ballon rond attendent qu’ils passent ce cap tant attendu, et qu’ils ne déçoivent plus lorsque la compétition devient féroce sur le plan intercontinental. Après un Mondial en demi-teinte, où un certain Divock Origi lui fut préféré, et un Euro 2016 sur courant alternatif, Romelu ainsi que sa sélection bourrée de talents et pleine d’ambitions, espèrent chevaucher les étoiles et repartir avec une d’entre elles. En pleine bourre avec sa sélection depuis quelques temps et avec 32 buts au compteur, Romelu vient tout juste de s’emparer seul de la première place au classement des buteurs de la sélection Belge, devançant ainsi Bernard Voorhoof et Paul Van Himst.

https://twitter.com/Squawka/status/978725282252296195

Big Rom a les yeux rivés sur les étoiles, et nul doute que sa fin de saison promet d’être excitante. Seulement 24 ans, et déjà auteur de 32 buts en sélection et 99 buts en Premier League, son avenir s’annonce radieux. A l’écoute, modeste, et ambitieux, Romelu a toutes les qualités humaines et sportives pour se hisser parmi les meilleurs dans un futur plus ou moins proche, afin de faire taire encore et toujours les éternelles critiques et moqueries le concernant.

 

Crédit photo : DIRK WAEM / BELGA MAG / BELGA

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Sinon, c'est si cool que ça d’être champions ?