Une moustache bien travaillée, un maillot toujours impeccablement rangé dans le short, des cheveux plaqués en arrière à la gomina. Rien ni personne ne ressemble plus à un joueur des années 1980 que Roque Mesa. La carrière du natif de Telde le prouve, et son jeu aussi. Techniquement très à l’aise, intelligent dans tous ses choix sur le terrain, il paraît venir d’une autre époque. Un temps où lorsqu’on naissait dans un club, on y restait pour le porter vers les sommets. Le joueur, comme l’homme, est une anomalie, et c’est probablement ce qui explique le désert qu’il traverse depuis qu’il a quitté ses Canaries natales.
Le milieu de terrain explosif restait alors sur trois saisons plus que complètes. Lors de la première, une montée venait récompenser la gestion remarquable de Las Palmas. Lors des deux suivantes, Roque Mesa s’est imposé comme un leader naturel au sein d’une formation qui n’a cessé de surprendre l’Espagne du foot. Avec des performances majuscules face aux mastodontes qui peuplent la Liga Santander, notamment un récital au stade Santiago Bernabéu lors d’un 3-3 mémorable il y a un peu plus d’un an, tout semblait aller pour le mieux pour le Canarien. Tantôt box-to-box, tantôt véritable plaque tournante des Jaunes, le relayeur de poche avait même été présélectionné par Julen Lopetegui en mars 2017. Une première étape vers la gloire nationale pour celui que Quique Setién avait transformé en élément incontournable de son animation offensive attrayante. Cette bonne nouvelle venait aussi compenser la frustration vécue par le milieu de terrain au cœur de l’été 2016. Alors qu’il se voyait déjà revêtir la tunique sévillane, un imbroglio entre les présidents des deux clubs l’avaient empêché de réaliser son rêve.
Exil raté
Alors, quand Swansea est venu cogner à sa porte à l’aube du mercato estival 2017, Roque Mesa n’a pas hésité longtemps. Bien sûr, des larmes ont coulé pour celui qui représentait la furia canarienne mieux que quiconque au club. L’enfant du pays devait quitter son nid pour voir plus grand. Au moment de faire ses adieux, l’émotion était grande. « C’est un jour spécial pour moi, déclarait-il à l’époque. J’avais dit à ma famille que je ne voulais pas pleurer, mais c’est impossible. » Des premiers souvenirs de son père l’emmenant au stade à ses exploits sur le terrain sous les couleurs de la UD Las Palmas, il se rappelait de tout avant de prendre la route du Pays de Galles. « Aujourd’hui, je quitte l’équipe de ma vie. Ma famille, c’est tout ce que j’ai. C’est pour ça que je vais franchir cette étape importante dans ma carrière, pour réaliser ce rêve de jouer en Premier League ».
Sauf que le rêve va vite tourner au cauchemar. Un jeu qui ne lui correspond absolument pas, un staff qui ne compte pas sur lui et des difficultés vues et revues chez les Espagnols, au moment de s’adapter au championnat britannique. Après 16 petites rencontres où il n’aura jamais réussi à trouver sa place, Roque Mesa exprime déjà des velléités de départ, qui ne sont à vrai dire pas pour déplaire aux dirigeants des Swans. De l’autre côté des Pyrénées, on n’a pas oublié ce petit bonhomme qui donnait le tournis à la plupart des milieux de terrain du royaume. Parmi les coups de fil qu’il reçoit depuis le Pays de Galles, deux viennent de Séville. L’un de son ancien entraîneur à Las Palmas, Quique Setién, désormais aux commandes du Betis. L’autre est passé depuis le bureau de son voisin et homologue de Nervión, Vincenzo Montella. S’il avait dû laisser échapper le train une première fois en 2016, hors de question de le rater ce coup-ci, et à quelques jours de la fin du mercato hivernal, Roque Mesa réalise son rêve et enfile le maillot du FC Séville.
Finir la saison, et après ?
Avec sa dégaine de Mexicain, le joueur de 28 ans aurait pu lâcher un « Caramba, encore raté ». Sauf qu’il n’est pas mexicain. Mais l’expression correspond à merveille à sa saison. Deux bouts de matchs depuis son arrivée, la faute notamment à une concurrence phénoménale. Pas facile, en effet, de se faire une place au milieu de terrain quand les titulaires installés répondent aux noms de Steven N’Zonzi, Ever Banega ou encore Franco « El Mudo » Vazquez. Alors Roque Mesa prend son mal en patience et attend des jours meilleurs, sans pour autant s’apitoyer son propre sort. D’autant que le FC Séville est encore sur trois tableaux avec une finale de Coupe du Roi à disputer, et a besoin de tout le monde. « Je ne regrette pas d’être venu, expliquait-il début avril à la télévision du club. Si je devais faire ce choix de nouveau, je prendrais la même décision mille et une fois. »
Même si son avenir s’écrit en pointillés sur les bords du Guadalquivir, en raison d’une option d’achat pas sûre d’être levée cet été par les Sévillans, le Canarien préfère prendre du recul sur sa situation. Les pistes sont nombreuses, à commencer par un potentiel départ chez le voisin du Betis. Le joueur l’a lui-même confirmé, Quique Setién l’a contacté durant l’hiver. Nul doute que le coach du Real Balompié sera toujours intéressé cet été, alors que Javi García, arrivé en provenance du Zenith en début de saison, n’apporte pas réellement satisfaction. Las Palmas fait aussi figure de destination toute trouvée pour Roque Mesa, qui verrait d’un bon œil un retour chez ceux qui l’ont consacré. Cependant, une possible descente des insulaires, actuellement 19èmes, pourrait annuler l’opération. Ultime option : poursuivre l’aventure au FC Séville, où Vincenzo Montella, l’entraîneur, ne lui a pas fermé la porte. « Je continue à croire en Roque Mesa, même s’il n’a pas joué autant que je l’espérais. Il a encore du temps pour montrer ce qu’il vaut. »
Après un an de pause forcée, il appartiendra au milieu de terrain de poche de faire le bon choix, afin de revenir avec toute la hargne qui le caractérise. « Je regarde souvent Gladiateur, je m’identifie beaucoup au personnage. Le mental, c’est important, et si je n’avais pas été footballeur, j’aurais aimé être psychologue ». Un psychologue qui prend les choses avec philosophie. Pas sûr, décidément, qu’on ait fini d’entendre parler de Roque Mesa.
Crédit photo : Andrew Lewis / Pro Sports Images Ltd / DPPI