Muet depuis de nombreux matchs, passé numéro 2 dans la hiérarchie, de plus en plus contesté, Valère Germain vit une fin de saison calvaire. En l’absence présumée de Mitroglou, le numéro 9 de poche va devoir faire preuve de volonté et de réalisme, à l’aube d’un sprint final qui s’annonce tendu du côté de la Canebière.
Débarqué de Monaco à l’été 2017, Valère Germain a réalisé sa destinée en signant dans le club qui a consacré son père, Bruno, trois décennies plus tôt. Après deux belles saisons à Nice puis Monaco, Valère l’avait décidé, c’était l’Olympique de Marseille et rien d’autre, pour faire face à son destin. Porter le maillot de son cœur est une superbe récompense, mais triompher sous ce même maillot est deux fois plus complexe. Et ça, Germain est en train de l’apprendre à ses dépends….
Valère avant l’OM
Le 26 juin 2017 est un jour qui fera date chez les Germain. Après des mois de lobbying, de dragouille, et de reniflage mutuel, l’Olympique de Marseille et Valère officialisent leur relation pour une dot d’environ 10 millions d’euros (8+2). Né 27 années plus tôt, dans cette même ville où son père réalisait des prouesses, le gamin formé à Cassis arrive en terre conquise, dans un OM new look, fraîchement racheté et qui compte de nouveau jouer les premiers rôles. Auréolé du statut de « bon attaquant de Ligue 1 » Valère quitte un Monaco sortant d’une année exceptionnelle, barré par l’indéboulonnable Falcao et la nouvelle pépite mondiale (pas encore transférée) Kylian Mbappé. Pourtant, derrière ces deux cracks, Valère s’en sort plus qu’honorablement : 17 buts, 5 passes, le tout en 60 matchs TTC, c’est un poil mieux bien que la saison précédente, où, épaulé par un génial Ben Arfa, il avait régalé Nice (40 matchs, 14 buts (tous en Ligue 1), 6 passes).
Derrière ces deux saisons ? Pas grand chose. Deux saisons correctes en Ligue 2 au début des années 2010. 238 matchs, 63 buts, 26 passes décisives. Des statistiques globalement sympas. Mais au delà des chiffres, Valère Germain c’est avant tout un profil qui plaît à l’OM. Pour de nombreuses raisons. L’OM, qui sort d’une saison avec Clinton Njié et Bafé Gomis comme seuls buteurs, ne dispose pas de ce profil de finisseur, capable de tourner autour d’un 9 plus athlétique. Dôté d’un bon sens du but, capable de marquer des deux pieds, voire de la tête, Germain a tout ce que l’OM recherche footballistiquement. Côté caractère, son amour et son attachement à Marseille compte comme un point positif, idem pour son tempérament calme et sa capacité à démarrer sur le banc sans rechigner. Aucun nuage à l’horizon donc, au moment où les deux parties paraphent le contrat de Valère.
Valère à l’OM
Le calme avant la tempête. A quelques heures d’une demi-finale retour d’Europa League, la saison de Valère pourrait se résumer à cette maxime tant le Barney Stinson de la côte d’Azur a montré un double visage presque schizophrénique. Alors que l’OM Champions Project pâtissait sur le marché des transferts d’une communication exagérée, que le flou concernant le Gratatakan faisait trembler les supporters, l’OM se devait de passer le premier obstacle de sa saison : les barrages d’Europa League. Équivalent d’une Coupe Intertoto, ces deux confrontations scabreuses de début de saison ont été rendues facile grâce à Valère : 3 buts contre Ostende, 2 contre Domzale et hop, la qualification était dans la poche. Côté championnat, et avant l’arrivée de la mitraillette de Mykonos, Kostas Mitroglou, Germain démarre contre Dijon par deux passes décisives. Le Vieux-Port s’enflamme et le réclame même en Equipe de France. La suite n’en sera que plus terrible …
Rapidement, Germain perd sa place de titulaire, au profit de Clinton Njié puis de Mitroglou, Garcia ne lui laissant que les douloureux matchs de poules d’Europa League. Et puis, tel le Père Noel (ou l’un de ses lutins ?), Germain réapparaît au mois de décembre, et livre sa paire de cadeaux. Des buts importants, qui permettent à l’OM de tenir la 4ème puis la 3ème place au classement. Il fait quelques heures supp’, de quoi tenir jusqu’en février. Et depuis ? Le néant. Tant statistique que footballistique. Kostas Mitroglou, bien revenu, a repris le flambeau et a planté quelques importants pions. Il a surtout enfoncé la tête du petit Valère sous l’eau. Assez pour le noyer ?
Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour soutenir Germain. Plus précisément, elles passent sous silence ses contre-performances. Fils d’une idole, d’un ancien international français, Valère jouit de la légende de son père et dispose ainsi d’une immunité médiatique. Ces voix, qui ne chuchotent même pas ses manqués, n’ont pourtant pas tardé à tacler au niveau de la malléole sa concurrence grecque. Mal bien connu du football français, le corporatisme profite donc à Valère, son côté « garçon de bonne famille » jouant aussi en sa faveur.
Valère, en stats
Depuis juillet, et avant la demi-finale retour contre Salzbourg :
- 50 apparitions
- 3164 minutes jouées
- 16 buts (dont 5 en barrages d’Europa League)
- 1 but toutes les 198 minutes
- 1 but lors d’une entrée en cours de match
- 6 passes décisives
A titre de comparaison, les mêmes stats de son principal concurrent, Kostas Mitroglou :
- 28 apparitions
- 1478 minutes jouées
- 12 buts
- 1 but toutes les 123 minutes
- 4 buts lors d’une entrée en cours de match
- 1 passe décisive
En somme, des stats qui expliquent que cette saison, l’OM n’est globalement pas porté par ses attaquants de pointe.
Y-a-t-il un problème Valère Germain ?
De toute évidence, la réponse est oui. S’il n’est pas comportemental tant il semble apprécié par de nombreux coéquipiers, le problème tend à être tactique. Eu égard aux volontés de Coach Garcia, et de son très bon 4-2-3-1, Germain ne dispose pas des qualités pour jouer seul à la pointe de cette équipe. Ni très rapide, ni très bon dribbleur, ni très bon pivot, poster Valère entre deux colosses adverses s’avère une hérésie tant pour le joueur que pour ses coéquipiers. Quand c’est le cas, pour être utile, Valère dézone, décroche, parfois à droite, parfois à gauche. Mais personne ne prend sa place en pointe. Et forcément, le jeu s’en ressent.
Autre problème, sans doute en corrélation avec ses décrochages, Valère frappe peu : en moyenne 1.8 frappes par match (moyenne club : 12 frappes/match en Ligue 1).
Les heatmap des quatre derniers matchs suffisent à comprendre l’actuel rendement de Valère Germain : il n’est que très très rarement dans la surface.
Et maintenant Valère ?
Il reste à l’OM 4 matchs à jouer (5 si le club se qualifie pour la finale d’Europa League). Quatre ou cinq petites rencontres pour Valère afin de renverser un vent qui souffle de plus en plus sur son crâne dégarni. Même s’il est performant sur ces rencontres, difficile de l’imaginer attaquer la saison prochaine comme titulaire. Difficile d’imaginer qu’il ne soit même que numéro 2. Souvent cantonné au banc, sans l’appui des supporters lui préférant désormais le colosse grec, Valère Germain traîne son spleen. A Marseille, il se murmure que Valère n’est pas franchement heureux de sa situation. Pire, il se demande s’il aura un jour une chance de jouer dans un système convenant mieux à ses qualités, pour prouver sa valeur à un club qu’il aime sincèrement. Sans cela, il n’aura d’autre solution que de partir, idée à laquelle il pense sans avoir totalement perdu espoir. Plus que ses qualités footballistiques, c’est peut être le désamour qui grandit qui perturbe Valère. Car comme le disait une grande dame : « Le sentiment de ne pas être aimé est la plus grande des pauvretés »…
Crédits photos : AFP PHOTO / MIGUEL RIOPA