[Coupe du Monde] Comment Hervé Renard a-t-il transformé l’équipe du Maroc ?

Tout le monde attend le début de la Coupe du Monde. Mais un pays est particulièrement impatient : le Maroc. Après 20 ans d’obscurité et une participation au Mondial 1998, les Lions de l’Atlas retrouvent l’élite mondiale du ballon rond en Russie.

Comment l’équipe d’Hervé Renard est-elle redevenue une nation phare du continent africain ?

Depuis plusieurs années, les sélections ont du mal à choisir des joueurs pour leur liste des 23, à cause notamment du niveau de ces derniers, ou des blessures. Que ce soit en termes de qualités ou de profils, les différents staffs cherchent à composer des groupes homogènes dans le niveau ou/et la cohésion d’équipe. Par conséquent, des joueurs réputés se retrouvent  mis à la porte de l’équipe nationale alors qu’ils en étaient des piliers auparavant.

C’est ce qu’il s’est passé avec Hervé Renard. Depuis son arrivée à la tête de la sélection marocaine, il n’a pas hésité à faire des choix forts, comme lors du début de son mandat avec l’affaire “Hakim Ziyech”. Après une réunion tripartite avec Fouzi Lekjaa, président de FRMF, la situation s’est décantée sur ce dossier alors que des supporters voulaient la tête du sélectionneur marocain. Malgré les critiques, le natif de Savoie n’hésite pas à prendre des décisions contestées pour le bien de son équipe.

En plus de ce fort caractère, la notoriété et la diplomatie de l’ancien entraîneur de Sochaux ont permis à la sélection marocaine de « rapatrier » des binationaux qui tournaient le dos au Maroc, pour cause de conflit interne, ou d’un niveau jugé insuffisant. Mais maintenant, ils n’hésitent plus à vêtir le maillot rouge et vert, comme on a pu le voir avec le joueur Amine Harit, ancien international espoir français.

« On est heureux qu’il (Amine Harit) nous ait retrouvé. Maintenant, il arrive dans un groupe compétitif, avec une forte concurrence, donc à lui de faire son chemin. Il n’y a aucune promesse quant au fait de jouer à chaque fois. C’est au joueur de montrer ce dont il est capable »

Renard en conférence de presse.

Avec l’arrivée de joueurs tel qu’Harit, l’effectif marocain gagne en qualité à des postes où la concurrence devient rude. Du coup, le sélectionneur se retrouve dans une bonne situation : il peut choisir les titulaires selon leur forme. Ce qui permet d’avoir un 11 de départ de qualité :

Comme dans toute équipe, que ce soit en club ou en sélection, les entraîneurs essaient de composer une colonne vertébrale forte pour apporter une solidité et une sérénité sur le terrain. Au Maroc, cet axe est de très bonne qualité, car composé de joueurs ayant une réputation internationale, à quelques égards près.

En effet, dans les buts on retrouve par exemple Munir Mohand, gardien de Mumancia. Avec son âge (28 ans) et le club où il évolue, on peut considérer qu’il n’est pas un portier de standing suffisant pour porter le maillot d’une équipe nationale. Mais après des débuts controversés sous l’ère Badou Zaki, le gardien originaire de Nador est depuis quelques mois en train de prendre de la confiance dans les cages de la sélection marocaine. C’est un gardien explosif d’1m90 qui lit très bien le jeu et qui anticipe chaque ligne de passe dès qu’il en a la possibilité. De plus, sa force de caractère fait de lui un des piliers dans le 11 d’Hervé Renard pour la Coupe du Monde. Mais, attention à une chose, c’est sa concentration sur 90 minutes qui peut lui porter préjudice :

« Il pourrait encore s’améliorer sur le plan tactique et au niveau de sa concentration sur 90 minutes de jeu, ce qui est essentiel pour un gardien de but.« 

Francisco Sanz, entraîneur du CF Mumancia

Lors des phases qualificatives, le Maroc est sorti premier de son groupe avec 0 but encaissé, faisant de lui la meilleure défense de toutes les zones de qualification. En plus d’avoir un gardien solide, cette équipe peut compter sur une défense centrale au rendez-vous depuis quelques mois.

Après avoir testé (par obligation à cause des blessures) le 3-4-3 lors de la CAN 2017, l’entraîneur français a décidé d’aligner Romain Saïss et Mehdi Benatia en charnière centrale.

Pour le dernier joueur cité, c’est une saison 2017-2018 plus qu’aboutie. En effet, suite au départ de Leonardo Bonucci à Milan, le Turinois est en train de trouver une stabilité et du temps de jeu, choses qui lui manquaient depuis son départ de l’AS Rome en 2014-2015. Et cela se ressent sur ses performances en sélection : solide dans le duel, l’ancien joueur marseillais ramène une grinta et un sens du placement tactique qui permettent d’apporter une sérénité tant attendue depuis 10 ans. Malgré ses sauts de concentration, le capitaine de l’équipe nationale joue son rôle à fond, que ce soit sur ou en dehors du terrain, pour défendre les couleurs de son pays.

A côté de lui, un ancien joueur de Ligue 1 fait son apparition dans le 11 de départ et impressionne depuis son repositionnement dans l’axe de la défense : c’est Romain Saïss.

Initialement placé en 6 devant la défense, le joueur de Wolverhampton apporte à cette défense une qualité technique et un positionnement idéal pour combler les montées des latéraux ou de Benatia. Cette complémentarité permet à l’équipe marocaine de gagner en stabilité, chose que l’on peut observer dans les résultats de l’équipe : aucun but encaissé lors des 6 matchs de qualifications malgré un groupe relevé (Gabon, Mali et Côte d’Ivoire)

Plus haut sur le terrain, deux joueurs sont en train de retrouver une nouvelle jeunesse sous le maillot de l’équipe nationale. Avec une moyenne d’âge de 33 ans, le double pivot Boussoufa-El Ahmadi apporte une expérience à l’équipe, et lui permet une gestion dans les temps faibles, chose qu’elle ne connaissait pas il y a encore quelques années (cf CAN 2013 contre l’Afrique du Sud où le Maroc est éliminé à la 86e minute lors du dernier match des poules).

Malgré les qualités offensives que l’on connaissait à cet effectif au milieu, personne n’était capable d’effectuer « le sale boulot » permettant aux artistes de s’exprimer un maximum. Mais depuis l’arrivée de l’entraîneur français, Karim El Ahmadi est devenu incontournable dans ce rôle, pour se faire une place dans le 11 de départ.

Capable de se placer plus bas dans le double pivot, le joueur du Feyenoord apporte une stabilité grâce à sa lecture du jeu, pour combler les espaces libres. De plus, il possède une qualité de relance qui permet de démarrer les premières offensives marocaines. Son leadership et son expérience sont ses points forts. Sa régularité elle, lui permet d’être respecté sur le terrain aux yeux des jeunes joueurs de la sélection. Ce sérieux lui a  d’ailleurs valu d’être récompensé en club, par sa nomination en tant que capitaine du Feyenoord, suite à la retraite de Dirk Kuyt. Il a également reçu le titre de meilleur joueur d’Eredivise en 2017.

Un natif d’Amsterdam est lui aussi en train de prendre un énorme plaisir, et impressionne les supporters marocains : c’est Mbark Boussoufa. Alors que son parcours en club a connu des hauts et des bas (on se rappelle de son passage à l’Anzhi avec Eto’o), l’ancien joueur de Chelsea a rayonné lors de ses prestations avec le Maroc. Repositionné plus bas sur le terrain, il étale tout son volume de jeu pour soutenir El Ahmadi sur les phases sans ballon. De plus, sa qualité technique lui permet de se projeter rapidement vers l’avant pour apporter un surnombre sur les transitions ou les attaques placées. Le « roi des passes décisives » est lui aussi l’un des piliers du projet marocain. Il faudra compter sur lui lors des batailles contre les adversaires du groupe B au Mondial.

Enfin, et c’est sûrement le meilleur joueur de cet effectif depuis les deux dernières saisons, il y a Hakim Ziyech. Durant plusieurs années, le Maroc disposait de joueurs prodiges n’ayant jamais réussi à confirmer, comme Taarabt, mais ce n’est pas le cas du joueur de l’Ajax Amsterdam. Initialement placé en milieu relayeur avec son club, l’entraîneur français n’a pas hésité à le positionner un peu plus haut sur le terrain pour être derrière l’attaquant. Capable d’effectuer les différences par une course dans les halfspaces, ou encore de faire la dernière passe par sa justesse technique, il crée énormément de décalages grâce à la liberté qui lui est laissée sur le terrain. De plus, grâce à son positionnement à l’Ajax, il garde ses bonnes habitudes et n’hésite pas à effectuer les efforts défensifs pour prêter main forte au double pivot. Âgé de 25 ans, le natif de Dronten (Pays-Bas) est à un tournant de sa carrière : après avoir passé un cap lors de son transfert entre Twente et l’Ajax, il a gagné en maturité. Aujourd’hui beaucoup pensent qu’il peut signer dans un top club européen. Pour que cela puisse se faire, il lui faut être le « franchise player » de cette sélection marocaine, afin de montrer qu’il est capable de porter une équipe à bout de bras.

Avec cette colonne vertébrale, Hervé Renard dispose d’une fondation solide pour permettre à des jeunes joueurs, ou à des expérimentés, d’amener une valeur ajoutée à l’équipe par leurs différentes qualités. Si on prend l’exemple de Nabil Dirar ou de Nordin Amrabat, ce sont des joueurs  dans l’ombre des « top players » de cette équipe, qui apportent une efficacité dans les gestes. Et si on ajoute à tout cela un banc de qualité amenant du sang frais, avec des joueurs tels que Harit ou Fajr, l’entraîneur français se retrouve avec toutes les cartes en main pour avoir la meilleure équipe d’Afrique.

A suivre…

Pour compléter cet article, retrouvez notre présentation de l’équipe marocaine dans le 7ème numéro de Road To Russia :

(Crédits photo : mountakhab.net)

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Le football est une véritable partie d'échec.