Zinedine Zidane l’a annoncé aujourd’hui : une 3eme Ligue des Champions en poche, le sentiment du devoir accompli au coeur, il part, au sommet, alors qu’il en est encore temps. À l’heure d’un au revoir, à toi Yazid, hommage.

Dimanche 7 mai 2006. Encore, fleurit la campagne et verdissent les plaines. Ils sont là. Tous. Madjid, Farid, Nourredine, Lila. Tous sont venus te voir. Une dernière fois. Te voir fouler le pré vert. Te voir ravir ceux qui ont eu l’honneur d’observer ta magie en vrai. Faire rêver ceux qui ont pu conjuguer “Zidane” et “jouer au football” au présent.

Pour nous, nos cœurs d’enfants n’ont de souvenir de toi que de rares brèves d’esprit. Pour ceux qui nous suivront, ils n’auront de toi que des compilations nées de la main de ceux qui t’ont aimé.

Que diable. Ce soir là, Yazid, tu nous as dit au revoir. Sur un dernier coup de casque, décidément ta marque de fabrique, toi qui était pourtant si faible dans les airs, tu es parti. Vêtu d’un des légendaires tricots de peau dont l’Algérie se fait le chantre, la larme à l’oeil, tu es parti. Encore immense. Encore.

La Coupe du Monde arriva. À nouveau, tu voulais partir avec classe ! À nouveau, hors de question pour toi de devenir une charge, un poids pour ceux qui t’auraient jadis aimé et qui, pourtant, prieraient pour que tu t’en ailles, que tu ranges au placard tes Adidas sombres. L’histoire devait être si belle. Toi qui qualifies le pays qui a accueilli tes parents pour une finale de Coupe du Monde, toi qui a appris à jouer au football au pays du football lui-même! Un fracas, un coup d’éclat, un tonnerre plus tard, c’est le visage dirigé vers le sol que tu repars. Dans la mauvaise direction. Les mains vides mais le cœur lourd.

Allait-on voir là la chute finale de celui qui s’était élevé si haut ? On aurait pu le penser.

Toi coach ? Tu n’en avais pas le profil. Tu n’étais pas de ceux qui parlaient le plus, pas de ceux qui en avaient eu la vocation dès le plus jeune âge. Tu n’étais ni Deschamps, ni Guardiola.

Tu as voulu y croire. Peut-être étais-tu le seul à ce moment là. Peut-être que ceux qui avaient tant cru en toi, hier, avaient oublié qui tu étais, aujourd’hui. Ils sont nombreux, les grands joueurs qui ont échoué comme coach… Et que dire des très grands ? Qui se souvient du coaching de Maradona ou de Platini ? Pourtant, tu prends le risque. Toujours.

Car tu vis pour le risque. Une petite vie de bourgeois, dans une villa au soleil, pourquoi pas une carrière dans le théâtre ou une reconversion comme homme d’affaires ? Très peu pour toi. Toi, tu vis pour briller. On a souvent parlé d’une bonne étoile sous laquelle tu serais né. Peut-être, finalement, est-ce toi, la bonne étoile.

Été 2013. Passées les années de nécessaire apprentissage, te voilà prêt à affronter une nouvelle vie. À nouveau, tu as tout à prouver. Toi qui fus hier hier découvert, un matin d’hiver 1987, alors que tu jouais défenseur central et que tu livrais une pâle prestation, te voilà de nouveau dans la position du néophyte.

Mais tu ne fais décidément rien comme personne. Ta première fonction officielle est celle d’adjoint d’un immense joueur devenu immense entraîneur – peut être, déjà, un présage -, Carlo Ancelotti. Déjà, tu apparais dans ton carré comme serein mais déterminé. Tes rares cris riment avec succès puisque, pour ta seule et unique saison comme adjoint, le Real Madrid remporte la tant attendue 10ème Ligue des Champions de son histoire.

Mais tu n’es pas lassé. Tu décides de prendre en main la Castilla, seul, et tu remets le couvert. Tu n’échoues pas à monter en seconde division, tu apprends à réussir cette mission. Janvier 2016, à l’heure de prendre en main ton destin, ton équipe est seconde et réussira, enfin, la remontée en fin d’année.

Le 4 janvier 2016 sonne le glas de ton immunité. Toi, le si chéri Zinedine, tu deviens un vulgaire entraîneur parmi d’autres. Toi, le si aimé Zidane, tu t’apprêtes à affronter une tâche d’une ampleur considérable. Hier, tu lui sacrifiais ton souffle et ta sueur. Aujourd’hui, c’est ton âme et ton coeur que tu dois insuffler à un Real Madrid devenu si banal et si plat sous la coupe de Benítez.

Aux côtés de ton ami de toujours, David Bettoni, tu t’apprêtes à redorer le blason madrilène. Tu fais fi de toutes les mauvaises langues qui voudraient te voir échouer. Ceux qui riaient hier riront toujours demain, alors à quoi bon lutter ? Ta réponse à toi, la seule qui vaille, c’est sur le terrain.

Et quelle réponse tu apportes là. Tu ramènes le Real Madrid à 90 points malgré la crise hivernale. Tu vaincs le FC Barcelone dès ta première joute face à eux. Surtout, et dès ta première campagne comme entraîneur, tu ramènes à Madrid la tant aimée Ligue des Champions. La même qui te boudait si souvent à Turin et à Madrid. Celle que tu as su finalement arracher au mauvais sort, un soir de 2002, d’une reprise rageuse de ton mauvais pied.

Car c’est fondamentalement ce que tu es. Un battant. De ceux qui n’abandonnent pas. Annoncé vaincu, hier, par une lenteur et une faiblesse, tu as refusé de perdre. À la sueur de ta hargne, tu as travaillé, plus que les autres, plus que n’importe qui, pour vaincre.

Cette même rage de vaincre, tu la transmets au club qui t’a tout donné. 2016-2017 commencée sous les moqueries et les critiques ? Elle se termine par un triomphe, la première Liga du Real Madrid depuis 2012 et une nouvelle Ligue des Champions dans ta besace. À nouveau, aux quolibets tu réponds avec le sourire, par le triomphe.

Mais notre monde est ingrat et amnésique. La saison 2017-2018 s’annonçait complexe. Elle le fut. À nouveau, tu es décrié, moqué, ri. Chaque jour, on attend l’annonce de ton licenciement. Pourtant. Pourtant. Pourtant, tu continues à te battre pour la plus belle des compétitions. En silence. C’est après tout tout ce que tu sais faire. Vaincre. Briller. Tu te réfugies dans le travail et un soir de mai 2018, à nouveau, tu triomphes.

3 Ligues des Champions. Dans une ère où l’on a tendance à banaliser l’extraordinaire, tu marques l’histoire. Et comme à chaque fois, à l’heure où ta gloire est à son summum, tu t’en vas. Comme un amour d’été dont on nourrit le souvenir à vie.

Tu t’en vas. À nouveau. Avec toi, ta légende et ta superbe. À ceux que tu as fait et que tu fais encore rêver, tu dis au revoir. À ceux qui ont hué, ri, sali, menti, tu dis au revoir. Au moins, voilà là un réconfort pour chacun d’entre nous : si tu sais dire au revoir, Zinedine, tu n’as jamais su dire adieu.

Photo credits : PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP

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