C’était la rentrée pour BeIN Sports le 30 août dernier. À cette occasion, nous avons réussi à interviewer Luis Fernandez, qu’on ne présente plus.
Le championnat a repris depuis maintenant 3 journées, comment voyez-vous cette nouvelle saison ?
Pour l’instant le favori qui est le Paris Saint-Germain même sans être à 100% a déjà pris ses points. Après sur l’ensemble ce n’est que le début mais il y a quand même des surprises comme Dijon qui est deuxième (Interview réalisée avant la 4ème journée de Ligue 1). Tu as des équipes qui n’ont pas encore bien démarré et qui sont encore en rodage.
Qu’est-ce que vous inspire une équipe comme Dijon qui, avec ses moyens limités, a des principes de jeu intéressants et essaye toujours de proposer du football dans ses rencontres ?
C’est bien. cela démontre qu’il y a du travail qui est fait, qu’il y a une certaine ambition et qu’il y a des clubs qui travaillent bien. Ces clubs là, ce sont des clubs qui sont en train de s’affirmer mais bon, après le championnat est tellement long… Mais ce qui est pris maintenant, ils n’auront plus besoin d’aller le chercher plus tard. Car ce sont des équipes dont l’objectif est le maintien et il faut le rappeler.
Comment jugez-vous le niveau du championnat de France en comparaison avec les autres championnats européens ?
Il y a toujours des championnats qui sont certainement beaucoup plus relevés. On attend que le championnat démarre vraiment. Ça a bien démarré mais après on jugera en fonction des performances sur le plan européen. C’est là que les clubs qui sont engagés doivent élever leur niveau et aller chercher une victoire dans celles-ci.
D’ailleurs il y a le tirage au sort de la Ligue des champions qui vient d’être effectué, pensez-vous que le PSG peut enfin aller un peu plus loin que les années précédentes ?
Ce n’est pas un bon tirage. Quand tu prends Liverpool et Naples dans ta poule… Mais bon ce n’est pas plus mal non plus d’un autre côté. C’est la possibilité de se frotter à des grands clubs, de montrer dès le départ que le PSG a l’ambition d’aller le plus loin possible.
Ils vont devoir mettre le bleu de chauffe dès le début, c’est peut-être bénéfique pour le PSG qui a souvent eu l’habitude de commencer tranquillement dans la compétition avec des tirages un peu plus cléments.
Oui oui. Le PSG, on sait qu’ils sont favoris pour le championnat, la coupe de France et la coupe de la Ligue mais leur objectif c’est la Ligue des Champions. C’est pour ça qu’ils ont besoin de le montrer plus rapidement par du jeu et des résultats. Ils ont les éléments pour, ils ont le potentiel mais la Ligue des champions c’est une autre compétition…
Thomas Tuchel le nouvel entraîneur du PSG peut-il être l’homme qui fait enfin passer un cap à ce club en Ligue des champions notamment ?
Je suis content de son arrivée. Je le vois depuis le début établir une relation, une communication et être assez proche avec ses joueurs. Et il me semble que ça a l’air de fonctionner, pour ses débuts ce n’est pas mal. Je trouve qu’il a bien intégré les jeunes, il a mis des nouveaux systèmes en place et des nouveaux schémas de jeu. Il en est le garant, c’est à lui de les mettre en place pour que cela soit positif.
Pensez-vous qu’avec l’effectif actuel le Paris Saint-Germain peut vraiment viser une demi-finale dans la reine des compétitions européennes ?
Oui oui. Quand tu as Mbappé, Cavani et Neymar tu as quand même l’ambition de viser le plus haut possible.
Vous avez parlé des jeunes plus tôt. On a vu qu’il y a des jeunes comme Nsoki, Weah, Dagba ou encore Bernède qui ont pu jouer en ce début de saison. Qu’est ce que cela vous inspire de voir qu’ils sont utilisés et que Tuchel leur fait un peu confiance ?
J’ai assez souvent dit que les jeunes, surtout à Paris, il fallait les regarder, s’en occuper et leur donner certaines opportunités de pouvoir montrer leur talent et leur potentiel, ce qui a été le cas en ce début de saison. L’intégration des jeunes qui a été faite par Tuchel m’a beaucoup plu. J’ai été très content de voir ces jeunes qui peuvent aussi avoir le niveau pour jouer le plus haut possible.
On va revenir un peu sur la Ligue 1 en général. Pensez-vous qu’elle s’est plutôt renforcée ou affaiblie cette année sur le marché des transferts ?
On va dire que la hiérarchie des championnats c’était l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre devant la France. On dit toujours que le championnat français n’est peut-être pas aussi relevé que ces championnats-là. Mais on est quand même champions du monde, ça aussi il faut le rappeler. Et les clubs doivent s’en inspirer, en travaillant comme l’Équipe de France a travaillé tout au long de cette compétition. On n’a peut-être pas autant d’équipes aussi talentueuses que le Paris Saint-Germain dans notre championnat mais dans les autres clubs on peut travailler différemment et obtenir des résultats.
Le projet de l’AS Monaco a pris un vrai tournant ces dernières saisons, quel regard portez-vous sur celui-ci avec notamment l’envie de prendre des joueurs très jeunes et de les faire éclore ?
C’est une stratégie qui a été mise en place peu de temps après avoir tenté une première stratégie qui consistait à faire venir des grands joueurs comme James ou Falcao. Mais Monaco ne pouvait pas continuer ainsi à cause du fair-play financier. Ils ont donc pris une autre direction. Et cette direction ne les a pas empêché de faire une demi-finale de Ligue des champions et d’être champions de France il y a deux saisons. C’est vrai que c’est beaucoup de travail chaque saison pour un entraîneur comme Jardim, qui doit reconstituer une équipe devant jouer les premiers rôles. Mais le potentiel et la qualité sont là du côté de Monaco.
L’OL a réussi à garder son champion du monde Nabil Fékir. L’entraîneur Bruno Génésio est très critiqué par les supporters lyonnais notamment, pensez-vous qu’il est l’homme de la situation ?
Moi, j’ai toujours aimé Bruno Génésio mais j’ai quand même émis certaines craintes concernant la continuité de son travail car je dis toujours qu’un entraîneur a besoin de se sentir épaulé, aidé et les supporters font partie de la vie intégrante d’un club. C’est vrai que la plupart des supporters contestent assez souvent le fait que Bruno Génésio soit l’entraîneur de cette équipe. Moi je dirais tout simplement que c’est vrai que Bruno est un pur lyonnais mais là, il y a des ambitions qui sont un peu plus hautes et qui s’installent… Je lui souhaite de réussir, mais après pour réussir il faut que l’environnement autour lui permette de travailler tranquillement et librement.
Coté OM, Strootman est arrivée en plus de Ćaleta-Car et Radonjić. C’est un mercato plutôt intéressant même si on attend toujours ce grand attaquant ?
C’est ce qui leur manque, c’est ce qu’ils souhaitaient de recruter un attaquant mais ils n’ont pas pu. Ils peuvent éventuellement le faire au mercato d’hiver. Mais c’est vrai que le recrutement de Strootman, Radonjić et du défenseur central ça peut être un plus. Le championnat ne fait que commencer mais il y a quand même eu une défaite à Nîmes et un match nul à domicile. Il faut qu’ils se reprennent mais ils ont un effectif pour être dans les trois premiers.
Est-ce qu’à terme, le mercato ne devrait pas fermer avant le début de tous les championnats ? Quel est votre regard de coach sur tout cela ?
Moi j’ai toujours dit en tant qu’entraîneur que le mercato doit se terminer avant la reprise du championnat. Parce qu’un entraîneur travaille durant un mois pendant la préparation. Il met en place une équipe, on lui donne des objectifs à atteindre et le problème c’est qu’un mercato peut à tout moment changer les plans du coach et déstabiliser un groupe par les arrivées ou les départs de certains joueurs. C’est pour cela que je dis, les Anglais et les Italiens l’ont fait, il faut qu’on le fasse aussi et que le mercato se termine avant la première journée du championnat.
On observe en Ligue 1 une recrudescence des coachs étrangers et une envie de se renouveler en allant chercher des coachs aux idées plus différentes qu’a l’accoutumée. Que pensez-vous de cette nouvelle tendance ?
Ce sont les choix des dirigeants. S’ils font ce choix-là c’est qu’ils ont certainement des idées en faisant venir ces entraîneurs étrangers là. Après, en France, on a quand même eu de très bons entraîneurs et il y en a encore. Ce sont des choix de dirigeants qui ont sans doute de bonnes raisons en amenant ces entraîneurs étrangers.
Est-ce que le fait d’avoir été entraîneur change votre regard sur les matchs et vous permet de les analyser de façon différente ?
J’ai une certaine retenue car j’ai été entraîneur et joueur. J’essaie d’avoir une certaine objectivité, d’être juste, de ne pas être « méchant » et de comprendre les joueurs et les entraîneurs. On juge souvent après les matchs mais jamais avant. Je préfère donner mon avis après, en ayant une réflexion sur les choix qu’un entraîneur fait ou que des joueurs font sur un terrain. Il ne faut pas abuser de ce que font certains. Assez souvent, j’écoute certaines personnes qui sont dures et qui jugent après les matchs mais jamais avant. C’est pour cela que je crois que c’est important de respecter la profession d’un entraîneur et le joueur qui est sur le terrain.
Votre duo avec Florian Genton perdure depuis maintenant de nombreuses années entre RMC et BeIN Sports, comment expliquez-vous cette alchimie entre vous deux ?
On s’entend bien, on se comprend et on partage ces moments-là avec beaucoup de plaisir et d’envie car on est des passionnés. Lui il a cette qualité d’être un bon présentateur car il présente remarquablement bien et travaille bien sur ses émissions. Et moi je l’accompagne, j’essaie d’être un bon consultant qui puisse lui apporter mon expertise et l’œil du joueur et entraîneur que j’ai été pour que l’on soit complémentaires sur les émissions dans lesquelles on participe.
Sur les émissions avec Darren Tulett en plateau, on retrouve votre folie couplée à celle d’Omar Da Fonseca qui enflamme ces programmes et qui fait rire les téléspectateurs.
Le football c’est le plaisir. Il faut être passionné, il faut aimer le football. Le football c’est populaire. Je pense que les téléspectateurs voient en nous des personnes qui vont leur faire passer un bon moment. Pour cela on essaie de faire vivre le football en le commentant avec nos mots à nous et en essayant de participer au maximum dans les émissions.
Question sur l’Équipe de France championne du monde. Qu’en avez-vous pensé des critiques sur Didier Deschamps et sur le jeu jugé trop défensif, réducteur et ne proposant pas assez de jeu ?
Moi j’ai toujours été un fidèle supporter de Didier. Je l’ai toujours aimé. Je pense que c’est une Équipe de France qui a mis du temps à se reconstruire depuis 2010. Et Didier ça fait 6 ans qu’il est la tête de cette sélection et je pense qu’il a réussi un gros coup cet été. Alors, je pense que l’on peut toujours trouver des choses à dire sur le jeu mais ils nous ont montré de belles choses dans l’état d’esprit, le collectif et cette volonté de se surpasser. C’est un groupe qui nous a donné un plaisir énorme en étant champion du monde. On a vu une Équipe de France avec des qualités que l’on aime. C’est vrai que moi j’attends maintenant le prochain championnat d’Europe car en 1998 lorsque l’on a été champions du monde, on n’avait peut-être pas pratiqué le meilleur football, on n’avait peut-être pas bien joué mais on a été champions du monde puis champions d’Europe. Cette année on a quand même gagné en Russie et ce n’est pas facile de gagner à l’extérieur. Didier a su trouver les mots, les bonnes méthodes et stratégies à mettre en place car c’est son travail. Et ceux qui l’ont régulièrement critiqué, aujourd’hui vont pouvoir se taire. Il a réussi à les faire taire avec cette victoire. Didier c’est un champion du monde en tant que joueur, c’est un entraîneur qui a quand même réussi à Monaco, à la Juventus, à Marseille et maintenant en Equipe de France. Ça veut dire qu’il avait les capacités, l’expérience et le mental pour amener cette équipe sur le toit du monde.
Donc pour vous seul le résultat compte ?
Bah le résultat… Lorsqu’une compétition se termine on ne se rappelle que d’une chose : le résultat. Moi je me souviens qu’en 2010 on avait un groupe qui ne voulait pas descendre du bus. 2018, je me rappellerai que l’on a été champions du monde, voilà c’est ça le plus important.
Crédit Photo : Benjamin Cremel / DPPI.