[Interview] Rio Mavuba : « Le coach qui m’a le plus marqué ? Rudi Garcia »

Passé par Bordeaux (2003-2007), Villarreal (2007-2008), Lille (2008-2017) et Prague (2017-2018), l’international français (13 sélections entre 2004 et 2014) Rio Mavuba restera comme le capitaine du LOSC lors du doublé Championnat-Coupe de France en 2011. Élu meilleur joueur du tournoi de Toulon en 2004, il a également pris part à la Coupe du monde au Brésil avec les Bleus il y a quatre ans. Indésirable dans son club tchèque, il a annoncé sa retraite fin août. Aujourd’hui consultant pour RMC Sport et joueur au FCE Mérignac-Arlac (National 3), il profite de sa nouvelle vie, en attendant sa vraie reconversion, sur le banc. Entretien.

Vous êtes revenu en Gironde près de Bordeaux pour jouer au club de Mérignac-Arlac, pourquoi cette destination ?

Évidemment Bordeaux parce que je suis Bordelais. Mérignac parce que j’ai mon meilleur ami, Antoine Verges qui est l’entraîneur. Quand il a su que j’allais sans doute arrêter ma carrière, il voulait que je signe ici. Nous avons toujours eu envie d’avoir un projet commun dans le futur en entraînant en binôme. Ce n’est pas encore comme on le voudrait mais pour l’instant nous sommes ensemble pour défendre les couleurs du club.

En revenant sur les terres de vos débuts, est-ce une preuve d’attachement à Bordeaux même si on vous sent forcément plus attaché à Lille où vous avez passé vos plus belles années de footballeur ?

Bien sûr. C’était important pour moi et pour ma famille de rentrer à Bordeaux et d’être ainsi auprès de nos proches. Je retournerai dans deux ans à Lille dans le cadre de mon contrat de reconversion.

Il est devenu commun de voir un joueur finir sa carrière en dehors de l’Europe, plus pour l’aspect financier que pour le niveau de son championnat. Avez-vous été tenté par cette idée-là ?

Honnêtement, cela m’a traversé l’esprit. Après comme j’avais ce contrat dans deux ans et j’avais cette opportunité avec RMC Sport d’être consultant, ces deux choses mises ensembles font que j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière professionnelle.

Qu’est-ce qui vous a motivé dans votre projet de devenir consultant ?

Avec la Ligue des champions, la Ligue Europa ou la Premier League sur la chaîne, j’ai surtout eu l’envie de me déplacer pour couvrir des matchs importants. La possibilité de voir le football différemment, sous un autre angle et de vivre des ambiances que je n’ai sans doute pas vécues en tant que joueur m’a également poussé dans cette voie-là. Découvrir un stade comme celui de Dortmund, par exemple, c’est quand même exceptionnel.

Comme joueur on vous sentait déjà à l’aise au micro, ce n’est finalement pas un hasard de vous voir dans ce rôle-là…

Ça, je ne sais pas (rires). Mais en tout cas c’est un travail différent, il faut analyser les choses plus rapidement et puis les faire bien.

Mais avec votre âme de leader, endosser le costume d’entraîneur est en fin de compte une suite logique…

Logique, je ne sais pas. En tout cas, je viens d’entamer ma formation d’entraîneur, j’ai envie de commencer par une équipe de jeune et ensuite on verra par la suite. Je veux transmettre ce que j’ai appris, prodiguer des conseils et découvrir ce métier.

Entraîner le LOSC serait l’objectif ultime ?

Par rapport à ce que j’ai vécu là-bas, c’est sûr que cela serait beau. On est encore très loin de ça, il faut beaucoup travailler pour y parvenir.

En parlant d’entraîneur, quel est celui qui vous a le plus marqué ?

Celui qui revient naturellement, c’est Rudi Garcia parce que nous avons réalisé le doublé ensemble, nous avons eu une relation forte et aussi car ses méthodes et ses discours m’ont inspiré. Mais de là à n’en ressortir qu’un, c’est compliqué. Il y a aussi eu des entraîneurs comme René Girard dont la rigueur m’a beaucoup plu ou Claude Puel qui a une force de caractère énorme. Et puis, bien sûr Michel Pavon, qui est venu me chercher dans les équipes de jeunes girondines.

Comment avez-vous vécu l’arrivée de Marcelo Bielsa à Lille et le fait d’être écarté du groupe ?

Au début j’étais plutôt content de découvrir un nouvel entraîneur et une autre méthode. Il m’a très vite mis de côté et forcément cela n’a pas été facile à vivre. Je pense que le fait que l’on soit 12 joueurs à avoir été écarté a fait avaler la pilule plus facilement. Ce fut difficile dans le sens où j’avais un très bon passé au LOSC. C’est la loi du football. Quand certains entraîneurs arrivent, ils veulent tout changer… Il faut respecter. En tout cas, on ne peut pas dire que ce fut une très grande réussite.

Vous lui en voulez ?

Non sincèrement, je ne lui en veux pas. Au final, je me dis que c’est la vie. Cela a créé d’autre destin, c’est comme ça. J’ai pu aller à Prague, je suis aujourd’hui consultant chez RMC Sport, je suis revenu à Bordeaux. La seule chose, c’est que j’aurai aimé le savoir quand j’ai joué mon dernier match pour dire au revoir sur le terrain en portant une dernière fois mon maillot.

Votre nom restera dans l’histoire de notre Ligue 1. En revanche, vous avez certainement des regrets de ne pas vous être imposé à l’étranger…

C’est surement le seul regret que j’ai. À chaque fois que je suis allé à l’étranger, cela ne s’est pas forcément très bien passé. Ce fut deux expériences sportivement compliquées mais qui humainement ont été très enrichissantes car on découvre un nouveau pays, une nouvelle langue, une culture.

Que gardez-vous de cette dernière année à Prague malgré cette fin compliquée ?

Je ne retiens que le positif. À partir du mois de mars, c’est devenu difficile mais jusque-là tout se passait bien. J’ai découvert un championnat mineur d’Europe certes, mais l’équipe était plutôt bonne et il y avait 2-3 autres clubs intéressants. Je suis content d’avoir vécu ça.

Si c’était à refaire, referiez-vous les mêmes choix de carrière ?

Peut-être pas le choix de m’engager avec Villarreal, pas dans le sens où le club n’est pas bien car c’était une bonne idée de tremplin, mais j’aurai préféré avoir un entraîneur qui me désirait. Là, Pellegrini m’avait bien fait comprendre que je n’étais pas le profil qu’il voulait, ni celui qu’il avait choisi. Je me suis retrouvé sur le banc de touche alors que j’avais toujours joué souvent même si je n’avais que 22 ans.

Si vous deviez retenir un seul souvenir, ce serait lequel ?

Ce n’est pas facile d’en retenir un seul. Sportivement, le doublé est mémorable dans un club et une ville sevrée depuis plus de cinquante ans. Et émotionnellement on va dire, participer à la Coupe du monde 2014 a été un très beau moment pour moi.

Vous avez réalisé un rêve en participant à ce mondial, 40 ans après votre père (avec le Zaïre) mais comment avez-vous vécu cette défaite face à l’Allemagne ?

On a eu le sentiment que cela ne s’est joué à rien, il y a eu ce coup de pied arrêté… Après ce qui est bien c’est qu’il y a vraiment quelque chose qui s’est créé là-bas. Certains joueurs ont remporté le mondial en Russie donc je pense qu’il y a aussi une part de cette frustration qui a été exploitée positivement.

Vous auriez mérité plus de temps de jeu selon vous ?

Non je ne suis pas en droit de dire ça. Si je le pensais, je l’aurai déjà dit. Il y a une équipe qui a bien tourné, qui a fait les barrages contre l’Ukraine. Il faut aussi rester à sa place.

La question incontournable que l’on pose à un joueur qui a pris sa retraite professionnelle… Quel est le meilleur joueur avec qui vous ayez joué ou celui qui vous a le plus impressionné ?

Évidemment, Eden Hazard surtout quand on sait le niveau qu’il a actuellement. À l’âge où il débute il faisait déjà des choses impressionnantes. Il finit deux fois meilleur espoir de Ligue 1 en 2009 et 2010 puis meilleur joueur en 2011 et 2012, rien que ça. Il n’est pas non plus étranger au titre de 2011.

Quel regard portez-vous sur l’équipe du LOSC cette saison ?

L’équipe a pas mal appris de la saison passée je pense. Ils ont su faire un bon recrutement, il y a plus d’expérience. Galtier a su imposer sa patte et maintenant on voit bien que cela fonctionne.

Que pensez-vous des milieux défensifs de cette équipe avec notamment le très bon Thiago Mendes ?

Franchement, c’est un joueur très intéressant. La saison dernière, il a aussi été bon sur les premiers mois puis il a moins apporté durant la phase retour. Il est bien revenu, j’espère qu’il va continuer à être régulier et faire une saison complète.

À Bordeaux, on pense aussi à Otávio qui fait un bon retour au sein du groupe. Que pensez-vous de l’entrejeu des Girondins, qui est sans doute le secteur qui pose le plus de problèmes à cette équipe ?

Je connais Younousse (Sankharé) pour avoir joué avec lui à Lille. C’est un joueur qui se projette beaucoup, il aime bien traîner en attaque pour récupérer des seconds ballons. Otávio est bien revenu. Après, c’est vrai qu’il peut manquer ce jeu intermédiaire entre lui et Younousse car Otávio est plus un 6 de métier. Il y a aussi Lerager qui reste limité. On attend peut-être des joueurs un peu plus techniques pour faire le lien entre la défense et l’attaque.

Quel joueur de Ligue 1 vous ressemble le plus actuellement ?

N’golo Kanté mais il n’est plus en Ligue 1 (rires).

Merci à Rio Mavuba pour le temps accordé et on lui souhaite toute la réussite dans son nouveau club et ses nouvelles fonctions.

Crédit Photo : Philippe Laurenson / DPPI.

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