[Bundesliga] Mario Götze, des hauts et débat

Le Borussia Dortmund, leader toujours invaincu cette saison en Bundesliga, accueille le troisième, le Bayern Munich. Un match pas comme les autres pour Mario Götze. Formé au BvB, le champion du monde 2014 avait rejoint le Bayern en 2013 avant de revenir dans la Ruhr en 2016. Et il faut dire que ce match entre les deux équipes lui a souvent réussi. Des caprices, des mauvais choix et des coups durs malgré son énorme potentiel. A-t-il gâché sa carrière ? Les mots sont forts mais à la hauteur de ce qu’il aurait pu ou dû devenir.

Il était une fois Mario Götze. Un jeune homme qui avait tout pour être heureux. Des copains, des titres, une équipe où progresser, des supporters incroyables… Mais c’était trop beau. Trop simple pour quelqu’un qui aime faire les mauvais choix. Formé au BvB, le numéro 10 a remporté la Bundesliga en 2011 et 2012 avec le club. À Dortmund, il était le chouchou de Jürgen Klopp. L’entraineur voulait emmener son protégé le plus loin possible. Il formait un trio infernal avec ses potes Marco Reus et Robert Lewandowski. Comment oublier cette campagne européenne lors de la saison 2012-13.

Alors qu’il a répété plusieurs fois qu’il pourrait faire toute sa carrière à Dortmund, qu’il a crié son amour pour le club, la nouvelle tombe en avril 2013. À 21 ans, Mario Götze va rejoindre le Bayern Munich. L’appel de l’argent. L’envie de progresser auprès de Pep Guardiola. Au point de tout oublier, donc. L’année précédente, déjà, il y avait des rumeurs de départ vers Liverpool. Cependant, le joueur veut le meilleur. Il rejoindra la Premier League uniquement si le club se qualifie pour la C1. Manqué. Résultat, il passera une année supplémentaire avec son club formateur. Pas une de plus. Griller les étapes ne lui fait pas peur. Trahir tout un club et ses supporters non plus. Le président du BvB, Hans-Joachim Watzke, tentera bien de calmer les choses en précisant que le joueur et ses agents ont été exemplaires dans les négociations. Rien n’y fera, le prodige est devenu l’ennemi. Alors que Dortmund semblait enfin pouvoir concurrencer le Bayern, le voilà orphelin de son numéro 10. Une annonce en pleine course pour une place en finale de la Ligue des champions. Ironie du sort, cette finale opposera Dortmund au Bayern. Forfait, il verra son équipe s’incliner 2-1 face à sa nouvelle destination. À deux doigts de lever les bras et d’aller soulever le trophée.

Mario Götze n’a pas de temps à perdre. Comme pour les boulettes. Lors de sa présentation, c’est avec un maillot Nike, son sponsor personnel, qu’il se présente face à la presse en tenant fièrement le maillot Adidas du Bayern. Cela lui vaudra une amende.

Son retour à Dortmund est très attendu. Le Bayern s’y déplace au mois de novembre 2013. Son transfert est encore chaud. S’il a le sourire en retrouvant Jürgen Klopp, ce jour-là, Mario Götze est sur le banc. Encore un coup de Pep Guardiola. Le joueur ne comprend pas cette décision et lui en veut. Lors de son entrée en jeu, le score est de 0-0. La tension va vite monter. Des sifflets, des mots pas très gentils, voilà l’ambiance. Il est surpris de l’accueil des supporters. Des sifflets ? Vraiment ? De la méchanceté de leur part ? Un peu de naïveté de la sienne, surtout. Comme un symbole, c’est lui qui ouvre le score dans ce match où son club l’emportera 3-0. Pas de célébration sur son but. Logique. Il fait les choses bien par moment. Mais ce n’est pas cette correction à domicile qui va calmer les supporters adverses. Ses anciens. Au moins, il a assumé avec cette belle prestation.

La suite n’est pas géniale, finalement. Sa première saison au Bayern est plutôt décevante. Cela ne l’empêche pas d’être sélectionné par Joachim Löw pour la Coupe du monde au Brésil. Pas toujours utilisé dans cette compétition, l’histoire de Mario Götze au Mondial 2014 aurait pu passer inaperçue. Jusqu’à cette fameuse 113e minute de la finale face à l’Argentine le 13 juillet. Entré en jeu à la 88e à la place de Miroslav Klose, l’Allemand va délivrer toute une nation dans les prolongations. Sur un centre d’André Schürrle, il enchaîne contrôle de la poitrine et volée du gauche. Petit filet opposé. Propre. Les Argentins ont tout tenté dans cette finale mais à la fin… c’est l’Allemagne qui gagne. Mario Götze offre à la Mannschaft sa quatrième étoile.

Ça y est, c’est le moment. Mario le sait, il est sur le point de repartir sur de bonnes bases pour sa carrière. Son début de saison 2014-15 avec le Bayern est parfait. Il continue sur sa lancée. Encore une fois, c’était trop beau. Ce n’est jamais simple. Le joueur retombe dans ses travers dès la deuxième moitié de saison et les critiques reviennent aussi vite qu’elles sont parties.

Le joueur n’entre plus vraiment dans les papiers du coach munichois. Quand il est sur le terrain, c’est qu’il n’y a pas le choix. Il est même trainé un peu partout sur la pelouse. Là où il y a besoin. Pep Guardiola lui préfère largement Thiago Alcántara, l’ancien du FC Barcelone. C’est dur, pour un joueur qui était sur le point de devenir une star, de revenir à un parmi tant d’autres. C’est dur, pour un joueur qui se remet peu en question, d’être sur le banc. Celui qui est venu pour progresser avec l’entraineur espagnol doit se rendre à l’évidence. Plutôt que de progresser, il régresse. Encore une fois, il ne va rien faire pour arranger les choses. L’envie n’est plus là. Quand il joue, il semble ailleurs. Perdu. Là où les autres auraient tout donné pour regagner leur placer, lui fait tout l’inverse. Il ne montre rien si ce n’est de la nonchalance. Fin 2015, le joueur avait connu un autre coup dur avec une blessure aux adducteurs en sélection qui l’avait rendu indisponible pendant de nombreuses semaines.

Mario Götze aime bien jouer les héros avec la Mannschaft et ça tombe bien il y a l’Euro 2016 qui arrive. Même s’il n’est pas au top avec le Bayern, il est sélectionné pour se rendre en France. La même qu’en 2014 ? Pas du tout. Si l’Allemagne ira jusqu’en demi-finale et tombera face aux Bleus, c’est un Euro catastrophique sur le plan personnel pour lui. Il n’a jamais vraiment apporté quelque chose à son équipe. Il faut dire que le joueur ne joue pas à son poste. C’est embêtant. Cela ne l’aide pas à progresser et donner le meilleur de lui même. Ce fameux faux numéro 9. Forcément, c’est lui qui prend les critiques.

Mario Götze enchainent les caprices. Il passe de longs moments sur le banc de touche. Son souci avec Pep Guardiola est réglé lors du départ de ce dernier mais il en amène un autre. Carlo Ancelotti, qui vient d’arriver au Bayern, ne compte pas sur lui non plus. Le joueur veut d’abord rester. Et ce, malgré les critiques. Puis viennent les rumeurs et les envies de départ. Et si, finalement, le Bayern Munich n’était pas le bon club pour progresser ? Pour aller où ? Qui veut d’un joueur qui enchaine les contre-performances ? À Liverpool, pour retrouver Jürgen Klopp ? À Marseille, la folle rumeur ? À Dortmund, pour un improbable retour ? Et s’il était parti trop tôt du BvB ? Et si c’était une erreur de jeunesse ? Aurait-il dû ne pas faire la même que Shinji Kagawa et Nuri Sahin ? Eux aussi, avant lui, ont voulu voler de leurs propres ailes mais n’ont jamais réussi à confirmer dans leur nouveau club et sont revenus dans la Ruhr.

3 ans après son départ pour Munich, après les rumeurs, c’est officiel, à 24 ans, Mario Götze est de retour à Dortmund. L’occasion de se relancer est trop belle. Henrikh Mkhitaryan a filé à Manchester United. Il y a une place à prendre. Un transfert désiré par tout le monde. Enfin presque. Les supporters, eux, n’ont pas oublié. Ce but au Mondial qui a offert le titre à la Mannschaft n’a rien changé. Pire, ils auraient préféré que ce soit un autre qui marque. En 3 ans au Bayern, il a tout de même ajouté 3 nouveaux titres en Bundesliga à son palmarès. Sur les 6 dernières saisons, ça fait donc 5 titres et une deuxième place.

Le joueur revient avec une communication quasi parfaite. Il sait qu’il ne peut rien effacer mais souhaite obtenir le pardon des supporters. Il assume. Comme un grand. A-t-il changé ? A-t-il pris conscience de son geste ? Cela semble être le cas. Pour un joueur qui faisait à peu près tous les mauvais choix possibles, ce retour semble être le bon pour sa carrière. Il aurait très bien pu aller chercher un gros chèque ailleurs.

Le voilà de nouveau au BvB en 2016, son club formateur. 26 millions d’euros pour 4 ans. Une belle opération financière pour le club qui l’a vendu 37 millions quelques années plus tôt ? Pas sûr. Le joueur est surtout là pour se relancer puisqu’il n’a jamais convaincu à Munich. Un second rôle qui lui a fait perdre la confiance du sélectionneur de l’Allemagne et peut-être la sienne tout simplement.

Si les supporters ont du mal à oublier, Mario sait qu’il doit réussir son match face au Bayern pour regagner leur amour. Pas en forme jusqu’ici, il attend ce match qui lui a souvent réussi avec impatience. Et c’est ce qu’il va faire le 19 novembre 2016. Auteur d’une très grosse prestation, il est sorti sous les applaudissements du Westfalenstadion. S’il a fait la passe décisive à Pierre-Emerick Aubameyang qui a permis à Dortmund de s’imposer 1-0, il a surtout humilié Mats Hummels. Un petit pont sur celui qui l’a critiqué de nombreuses fois sur son niveau ou sur son départ pour l’ennemi avant de faire la même chose (après Robert Lewandowski). Voilà de quoi rapprocher le joueur des supporters. Ridiculiser l’ancien capitaine, une cause commune. Lors du but du Borussia Dortmund, Mario Götze a compris ce qu’il se passait. Il a chauffé tout le stade en espérant avoir obtenu un petit bout de pardon. La route sera longue mais il a marqué des points.

Il sait qu’il doit se faire petit. Discrétion, peu d’interviews voire pas du tout, du travail et encore du travail. Voilà ce qu’il doit faire. Et il le fait bien. Il écoute les conseils de Thomas Tuchel. Il va même nourrir des pingouins. C’est gentil et c’est bon pour son image.

Puis viennent les pépins physiques. Les gros. En février 2017, le club annonce qu’il sera indisponible pour une durée indéterminée. Pas de match. Pas d’entrainement. Si l’on ne connait pas tout de suite la raison, une source parle de troubles du métabolisme. Le joueur souffrirait de myopathie. Une maladie qui attaque le tissu musculaire. C’est grave. La carrière du joueur est peut-être en jeu. À l’été 2017, c’est sur Instagram que Mario Götze annonce son retour mais avec prudence. Dans ce post, il n’oublie pas de féliciter la Mannschaft pour son titre à la Coupe des confédérations et de remercier le club pour son soutien. Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Thomas Tuchel, avec qui cela ne se passait pas très bien, quitte le BvB et c’est Peter Bosz qui le remplace. Un nouveau départ ? Encore un ?

En tout cas, pour le Borussia Dortmund de Peter Bosz, c’est un départ canon. 19 points sur 21 possibles en Bundesliga. Des mois d’août et de septembre sur un petit nuage. Il en est redescendu en octobre. Au mois de novembre, près d’un an après, Mario Götze va retrouver la Mannschaft. Beaucoup d’absents, c’est vrai. Mais Joachim Löw n’est pas du genre à lâcher ses joueurs comme ça. Malgré des kilos en trop, il est sélectionné. Le joueur est sur la bonne voie. La maladie l’a changé. Désormais, ce qui compte, c’est jouer au football et être en bonne santé.

Novembre 2017, nouveau problème avec cette blessure lors du derby de la Ruhr. Résultat : 6 semaines d’absence pour cette déchirure partielle des ligaments de la cheville. Des mois compliqués puis vient une nouvelle compétition internationale pour la Mannschaft avec le Mondial 2018 en Russie. Cette fois-ci, aucune surprise, Mario Götze ne sera pas du voyage. S’il a été plutôt bon avec l’Allemagne à la fin de l’année 2017, il n’a pas été appelé début 2018. Aurait-il évité l’élimination dès la phase de groupes ? Certainement pas.

Si le joueur profite de la blessure de Paco Alcácer pour gratter un peu de temps de jeu dans cette saison 2018-2019, il semble vouloir définitivement se relancer. Même si ce n’est toujours pas à son poste. Cependant, il y a une grosse concurrence sur les postes offensifs : Marco Reus, Christian Pulisic, Jadon Sancho, Jacob Bruun Larsen, Maximilian Philip, Marius Wolf… Et puis l’on sent bien que le joueur manque de jus pour le moment. Sous les ordres de Lucien Favre, le BvB fait un début de saison quasi parfait. De quoi redonner le sourire au numéro 10 ? L’avenir nous le dira. Si le travail du technicien suisse est excellent, cela ne suffira peut-être pas. Peut-on être le joueur d’un seul coach ? La question que Mario Götze se posera toute sa vie.

Peut-être que Mario Götze a gâché son talent même s’il n’a que 26 ans. Peut-être qu’il n’atteindra plus le niveau qu’il a connu. Peut-être qu’il aura d’éternels regrets. En revanche, il est celui qui a offert la quatrième étoile à la Mannschaft et ça personne ne lui enlèvera.

Crédit photo : Patrik STOLLARZ / AFP 

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