Óliver Torres, un esthète qui divise

Une tête de gamin de 16 ans, un petit sourire en coin toujours présent, un pied droit soyeux, une dégaine qui rappelle un certain Andrea Pirlo, tels sont les éléments qui rendent Óliver Torres, numéro 10 du FC Porto, reconnaissable. Joueur de l’Atletico Madrid depuis qu’il a 14 ans, il fait l’objet de plusieurs prêts dont deux à Porto de la saison 2014-2015 à la saison 2016-2017. Saison qui lui vaut justement d’être acheté définitivement pour la somme de 20 millions d’euros par le club portista. Sa particularité est sa capacité à scinder les observateurs en deux camps : ceux qui prétendent que c’est un très bon joueur dont la place de titulaire ne devrait pas être mise en jeu et d’autres qui, au contraire, le trouvent trop limité.

Des qualité intrinsèques qui font de lui un « sans doute futur top player »

Pour faire simple : Óliver c’est un pied droit en caramel beurre salé. Il sait absolument tout faire avec : extérieurs, transversales, centres, frappes enroulées de l’intérieur, etc. Il dispose d’une telle facilité balle au pied qu’il lui arrive d’entrer en jeu pour débloquer un match. Sa palette pied droit est tellement importante que ses carences du gauche sont largement compensées. Ainsi, lorsqu’il semble que seule une passe du pied gauche peut être effectuée, il trouve une solution pour la donner du droit sans pour autant changer de position. Cela peut bien sûr être considéré comme un défaut mais si l’on prend en compte le fait qu’il cherche à améliorer son jeu du gauche, il est imaginable qu’il devienne un véritable crack une fois qu’il aura la maîtrise complète de ses deux pieds.

Etre habile de ses pieds, c’est bien. Savoir les utiliser c’est mieux. Justement, Óliver Torres sait le faire à merveille. Il a un sens du tempo pour lâcher son ballon qui lui permet de créer des décalages, à tel point qu’il est le joueur de Liga Nos qui a créé le plus grand nombre d’occasions par rapport au nombre de passes effectué. De même, il sent le jeu, il comprend avant les autres ce que vont faire ses coéquipiers, ce qui lui permet justement de distiller des caviars pour ses petits camarades. Cette saison a même permis la mise en relief d’une autre qualité « cachée » dont il disposait : sa capacité à anticiper les déplacements des milieux adverses qui lui permet de réaliser un nombre incalculable d’interceptions. Le cas le plus emblématique de cela est sans aucun doute son match face à Feirense fin octobre lors duquel il a réalisé pas moins de 11 interceptions. Personne ne fait mieux en Europe sur un seul match.

Un profil-type qui l’oblige à être associé à un milieu purement complémentaire

Néanmoins, son style de jeu est prédéfini, presque stéréotypé. Malgré certaines qualités sur le plan défensif, on ne peut clairement pas le qualifier de milieu box-to-box. Ce n’est pas non plus un regista car il joue plus haut que les registas habituels à la Xabi Alonso ou à la Pirlo. Une trequartista alors ? Toujours pas car il joue un cran plus bas que ce qui est attendu pour un trequartista. Il correspondrait donc à un mezzala. Vous sentez venir la douille : il dispose d’un profil assez hybride, que l’on pourrait même qualifier de bâtard. Problème à cela : une équipe qui souhaite jouer dans un milieu à deux est forcée à ne pas le faire jouer à son poste préférentiel. En effet, compliqué de lui trouver un collègue qui puisse se projeter rapidement sur les attaques-éclair tout en étant une sentinelle de qualité.

Ainsi, lorsqu’il est associé à un autre milieu dans un milieu à deux par son coach Sergio Conceição, dans un double pivot avec Danilo Pereira, il lui est demandé de jouer justement comme un trequartista voire comme un 10 en accompagnant les attaques. A l’inverse, l’on demande à Danilo de jouer assez bas. La difficulté majeure à cela est le fait que, par conséquent, le style de ces deux joueurs est dénaturé. Óliver ne peut effectivement pas montrer l’étendue de sa palette et Danilo est assez bridé dans le sens où il ne peut pas chercher la verticalité sur une passe tout en cassant les lignes.

Jouer dans un milieu à trois pour le rendre indiscutable ?

Comment résoudre cela alors en omettant la solution « banquillo » ? La réponse la plus sensée semble être la mise en place d’un milieu composé de trois joueurs : une sentinelle créative en la personne de Danilo Pereira, Óliver Torres dans son rôle de mezzala habituel et Héctor Herrera ou Otávio en vue d’apporter un certain impact sur les attaques et afin de créer des déséquilibres.Cependant, cela signifie se priver d’une attaque à deux que Conceição chérit tant et qui s’est avérée particulièrement efficace la saison dernière et en ce début de saison. Que le duo soit Aboubakar (actuellement blessé)-Marega, Soares-Marega ou Aboubakar-Soares, l’efficacité offensive est au rendez-vous avec au moins deux buts par match quasiment assurés et s’en priver peut devenir dès lors négatif. L’on pourrait contester qu’un milieu plus dense permet lui aussi une meilleure créativité offensive, mais le débat serait alors sans fin.

Toutefois, pour qu’un coach se décide à construire son milieu et même son équipe autour d’un seul joueur, il faut que celui-ci soit, non seulement excellent dans son registre, mais également irréprochable et faisant preuve d’une régularité sans faille. Et cela n’est le cas que de deux voire trois joueurs sur la planète foot actuellement.

(Photo by MIGUEL RIOPA / AFP)

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4-4-2 losange et presunto comme exutoires.