L’élimination du Paris Saint-Germain face à Manchester United entraîne avec elle son lot de railleries, évidemment, mais aussi des saillies à l’encontre de la Ligue 1 Conforama dans son ensemble. Trop souvent qualifié de “Farmer League” (Ligue des fermiers), le championnat de France ne peut plus se satisfaire de la médiocrité.
Chaque année, le printemps se présente dans son plus bel habit de verdure et de douceur de l’air. Parfois, il tarde à paraître et débute couvert d’un voile de fraîcheur. Parfois, il laisse directement place, poliment, à sa petite soeur été. Souvent, en tout cas, il s’accompagne de l’absence de clubs français en compétition européenne.
Car, quelle meilleure façon de reconnaître la période de l’année pour les Français que de lire les sempiternels “Il n’y a plus aucun club français en lice en Ligue des champions”? Monaco a fait illusion, deux fois en 15 ans, Lyon aussi. En Ligue Europa, c’est l’OM, deux fois aussi, et l’OL qui ont fait mine de.
Déplorer les effets…
« Dieu se rit bien des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Pareille maxime de Bossuet ne manque pas de s’appliquer à des situations aussi diverses que différentes. Elle calque parfaitement avec l’analyse du championnat de France qu’il faut faire.
Les français doivent accepter leur bilan. Ils déplorent leurs échecs mais n’admettent pas une certaine réalité. Ils doivent reconnaître qu’ils ont totalement échoué sur la scène européenne et, par rapport au potentiel de leur football, qu’ils sont misérablement mauvais depuis l’apparition du football. C’est la seule façon de remettre fondamentalement en question leur paradigme, leur vision du football et son application concrète.
Si le précédent paragraphe ne manquera pas de faire tousser dans les chaumières, les chiffres, eux, ne mentent pas. L’Espagne a disputé 29 finales de Ligue des champions et en a gagné 18. L’Italie, 28 pour 12 victoires. L’Angleterre, 20 pour 12. L’Allemagne, 17 pour 7.
Même les Pays-Bas, championnat certes de niveau modeste mais à l’identité football fortement imprégnée, ont disputé 8 finales pour en gagner 6. Le Portugal, qui n’a pas eu la chance de compter un Ajax Amsterdam de Johan Cruyff, a disputé 9 finales pour en gagner 4.
Vient alors le tour de la France qui, avec une seule victoire en 6 finales, compte autant de victoires que l’Écosse, la Roumanie et la Serbie (cette dernière ayant gagné sa finale contre… l’OM).
Toutes ces nations, ex-gloires du football mondial, ne doivent leur recul qu’à l’arrêt Bosman. La France, elle, n’a pas ces excuses là. Elle a échoué, et dans les grandes lignes.
Nous ne ferons pas l’insulte de citer le palmarès de la Ligue Europa, ex coupe de l’UEFA, où de nouveau, la France brille par son échec et est dépassée par la Russie, la Suède, la Belgique, l’Ukraine et la Turquie notamment, qui comptent tous au moins un vainqueur.
… mais sans s’attaquer aux causes.
Pareilles conclusions auraient dû entraîner une remise en question fondamentale de la vision française du football et, pourtant, il n’en est rien. Ce sont les mêmes comportements, les mêmes philosophies qui, ici et là, sont observées.
Le premier grand facteur de déni (d’une liste non exhaustive) est celui du corporatisme. Celui-ci, contrairement aux idées reçues, ne s’exprime pas qu’à travers un soutien infaillible des entraîneurs français aux autres entraîneurs français. Il s’exprime aussi par des critiques acerbes à l’égard des étrangers qui auraient le malheur de tenter d’importer leur philosophie. Il s’exprime, enfin et surtout, par une rotation des mêmes entraîneurs opérée par les présidents de ces mêmes clubs français.
Les Antonetti, Girard, Lacombe, Baup, Kombouaré, Courbis, Casanova tournent régulièrement entre eux, à tort ou à raison, avec plus ou moins de succès. À croire que la seule façon de recruter un entraîneur est d’appeler le service presse dans lequel il exerce ?
Le deuxième grand facteur de déni est celui du matérialisme obstrué et idiot. Il s’exprimer par le jeu des statistiques du type “oui mais regardez, on a couru plus qu’eux et tiré plus souvent, on aurait dû gagner!”, “il a marqué seulement 4 buts, c’est un mauvais joueur”, “il fait moins d’un mètre 85, pour un milieu défensif c’est impossible”.
Il s’exprime aussi par la question incessante de l’argent. À ce jeu là, il sera intéressant de voir les nouvelles excuses déployées par les clubs français lorsque les revenus TV passeront de 748 millions à 1 milliard 153 millions d’euros.
Enfin, il se déploie à travers des polémiques relatives à l’arbitrage tout aussi grossières que celui-ci est mauvais. Rudi Garcia est devenu un meme à ce jeu là et ses réactions suscitent au mieux le rire, au pire l’exaspération.
Le troisième grand facteur de déni est intimement lié à l’aspect financier du second. Il s’agit du prétendu désespoir des pauvres petits clubs français qui se font régulièrement dépouiller leurs meilleurs joueurs.
À ce jeu là, il faut tirer à balles réelles : le nombre de clubs français qui n’ont aucune autre ambition que de rester en première division est beaucoup trop grand et ils sont complices de leur régression. Toulouse, Caen, Nantes, tous ces clubs n’ont aucun véritable secteur de progression, y compris lorsqu’ils s’adonnent à leur jeu favori, celui de compter l’argent. On note ainsi l’échec d’un projet de toute façon peu ambitieux, celui du nouveau stade du FC Nantes dont, devinez quoi, le club n’aurait évidemment pas été propriétaire.
L’espoir, les ambitions et la détermination
Place désormais aux motifs d’espoir du football français, en écho à la récente victoire 3-1 du Stade Rennais face à Arsenal.
C’est par le jeu, la philosophie de jeu et la formation que pourra renaître l’ambition française sur la scène européen. Les Français doivent prendre conscience du potentiel de leur football, mesurable aisément au nombre hallucinants de jeunes cracks qu’il produit. L’intérêt pour le pied ballon a été, de nouveau, grandissant avec leur récente victoire en Coupe du monde.
L’arrivée de Julien Stéphan est ainsi un bol d’air frais considérable. Cela ne se limite pas au fait qu’il arrive à battre la bête noire des clubs français, Arsenal, mais bien parce qu’il cumule deux casquettes souvent jugées contradictoires : entraîneur français et entraîneur favorable au jeu.
Son exemple ne devrait pas manquer de susciter l’envie, non nécessairement des autres entraîneurs français déjà en place, mais des présidents chargés de les sélectionner. Mettre en avant de nouvelles pousses aux idées rafraîchissantes en lieu et place des sempiternels vieux briscards de Canal +, voilà là un angle de progression.
La détection et la formation, enfin, peuvent constituer un véritable axe majeur de développement. L’Ajax d’Amsterdam a, ainsi, retrouvé son rang sur la scène européenne via son centre de formation, sa culture football et la détection qui s’y accompagne. Ils ne bénéficient, de plus, pas de l’attrait d’un championnat de France aux revenus bien plus élevés et considéré comme 5ème plus grand championnat européen.
À cet effet, il faut saluer l’initiative de l’OGC Nice de s’intéresser aux projets de formation basés sur le jeu et ce quelque soit leur localisation. L’arrivée de Youcef Atal et de Ramy Bensebaini (au Stade Rennais) en Ligue 1 Conforama, tous deux estampillés Paradou, centre algérien où les joueurs jouent pieds nus pour développer leurs qualités techniques, est un bon signe. Il n’est évidemment pas le seul filon que les français doivent exploiter puisque leur propre football est d’ores-et-déjà producteur de machines de guerre en puissance. Le football français, enfin, s’apprête à bénéficier d’une puissance financière plus grande qui lui accordera une marge de manoeuvre et de prise de risque elle aussi plus grande. Ainsi, les excuses n’auront plus lieu d’être.
À l’heure où l’Ajax prouve que le jeu permet de terrasser des géants, il est grand temps pour la France de reprendre, avec humilité, le chemin de la remise en question pour qu’enfin ses clubs soient à la hauteur de la gloire de leur nation.
Crédit photo: PASCAL PAVANI / AFP