Evan Ndicka [Eintracht Francfort] : « Les allemands m’ont rééduqué »

Evan Ndicka. Ce nom ne vous dit peut être rien, pourtant le défenseur français (19ans) est l’une des révélations de la saison en Bundesliga. Arrivé cet été à l’Eintracht Francfort en provenance d’Auxerre, ce beau bébé d’1m92 dévoile tout son potentiel. Pour UltimoDiez, il revient sur son adaptation allemande, sa formation à l’AJA et l’Équipe de France. Entretien (réalisé le 28/03).

Huit mois après ton arrivée en Allemagne, comment juges-tu ta saison ?

Plutôt bonne ! Mais, la saison n’est pas encore terminée il y a encore des objectifs à aller chercher. Pour l’instant, j’ai fait une trentaine de matchs donc c’est bien, j’enchaîne et ça, c’est positif. Il faut que je continue à faire de bonnes performances pour emmener mon équipe au plus haut.

Tu as récemment été élu rookie du mois de février, c’est gratifiant ?

Oui voilà exactement ça fait plaisir, ça vient récompenser le travail accompli. C’est un honneur et ça donne envie de continuer !

Franchement, l’Allemand ce n’est pas trop compliqué ?

(Rires) Ça va, c’est un peu galère au début, mais quand tu t’ouvres à la langue, tu te rends compte que ce n’est pas si compliqué. Il ne faut pas être fermé sinon c’est sur que ça ne va pes le faire. Personnellement, j’ai des cours en dehors des entraînements et puis j’essaye en direct avec mes coéquipiers. Quand je me rate ils me rectifient et c’est comme ça que j’apprends. Aujourd’hui, j’arrive à parler un minimum même si c’est compliqué. Par contre, je comprends à 70% donc ça va venir !

En quoi les francophones (Haller, Falette, Gelson) t’ont aidé dans ton adaptation ?

Ils connaissent les rouages, le club, tout ce qu’il faut faire et ne pas faire donc ils m’ont conseillé. Quand tu peux échanger avec quelqu’un qui parle ta langue c’est plus facile pour s’intégrer que ce soit sur ou en dehors du terrain.

Justement Francfort c’est comment ? Différent d’Auxerre on imagine ?

Ça change de fou ! Je ne connaissais pas, mais c’est une très belle ville. Je ne m’attendais pas à ça, c’est très attractif, ça bouge etc.

La Bundesliga c’est un championnat auquel tu t’intéressais ?

Oui comme tout le monde je regarderai le Bayern et Dortmund. Après dans mes amis il y a Zagadou et Konate donc forcément je regardais leurs matchs.

T’attendais-tu à jouer autant en venant ici (31 matchs TTC : 23 en championnat, 8 en Europa League) ?

Franchement non. Après, j’ai toujours espéré et aspiré à jouer beaucoup de matchs. Il faut savoir que derrière ça il y a beaucoup de travail donc quand ça se réalise on n’est pas forcément surpris non plus. Je m’en suis donné les moyens, je ne suis pas arrivé comme ça et hop direct titulaire.

Vous évoluez dans un 3-4-1-2, avais-tu déjà joué dans une défense à 3 ?

Oui pour mon premier match professionnel en plus ! C’était face à Clermont on avait gagné 1-0 je me souviens. En U19, je jouais plus dans l’axe, mais maintenant je préfère être à gauche.

« Se qualifier en Champions League serait historique »

En accumulant les matchs notamment contre des « gros » on s’améliore, sur quels points estimes-tu avoir progressé ?

Tactiquement, avec le ballon, athlétiquement et dans la lecture du jeu aussi. J’ai vraiment progressé sur beaucoup d’aspects. Avant d’arriver chez les pros j’avais tendance à penser que la force faisait tout, mais en fait nan (rires).

On parlait de gros matchs, tu as goûté à la Coupe d’Europe, qu’as-tu ressentis ?

C’est un rêve de gosse, ça fait plaisir de jouer ce genre de compétition. Tu as les matchs à San Siro, les déplacements en Ukraine tout ça apporte beaucoup d’expérience. Les erreurs, même minimes, m’ont fait apprendre et mine de rien grâce à cela tu progresses.

Vous êtes en quarts de finale, vous allez jouer contre Benfica. Quel est l’objectif ?

On va jouer pour gagner, on n’est pas là pour perdre. On n’a pas envie de choisir entre le championnat ou la Coupe d’Europe, on va jouer à fond et essayer d’aller le plus loin possible.

En championnat, vous êtes dans le bon wagon (5èmes avec 46 points), vous en parlez de cette Ligue des Champions dans les vestiaires ?

Tout le monde a envie de jouer dans de grandes compétitions, on va tout faire pour, mais on verra. On sait que tout reste jouable, on travaille mais on n’y est pas encore. C’est un championnat serré, on est à 1 point du quatrième et 3 points du troisième. Il faut gagner le maximum de match et voir comment ça se profile.

Sais-tu que le club ne l’a jamais joué dans son histoire ?

Oui, je suis au courant. C’est tentant d’aller chercher une qualification en Champions League. Si on le fait ce serait historique, ce serait incroyable pour le club et la ville. On rentrerait dans l’histoire.

Diallo, Zagadou, Upamecano, Konaté, pourquoi tant de jeunes défenseurs français s’imposent en Bundesliga ?

Je ne sais pas trop… Je pense simplement que c’est un championnat fait pour nous : il y a beaucoup d’actions, c’est du box to box. Nous les défenseurs on aime tout ce qui est duel et relance. Après ce n’est pas toujours facile en Bundesliga, il faut tenir le choc. C’est différent de la France, en termes de rythme et d’intensité ça n’a rien à voir.

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Tu es aujourd’hui une des révélations pourtant il y a un an tu étais remplaçant à Auxerre en Ligue 2. Quel regard portes-tu sur cette ascension fulgurante ?

J’ai conscience d’avoir pris de l’envergure après dans le football un jour tu es en haut un jour tu es en bas.

Tu ne dis pas que ça va un peu trop vite ?

Non, juste je ne m’enflamme pas. Je fais ce que j’ai à faire sur le terrain,si je réussis je continue et je reste titulaire.

À l’AJA, tu avais commencé la saison 2017-2018 titulaire avant de disparaître des radars puis tu es revenu titulaire en fin de saison. Comment as-tu vécu cette situation ?

L’année dernière, c’était difficile pour moi. Je débute avec les pros et je me blesse à la cuisse. Ensuite, je reviens avec la CFA et je prends un carton rouge et 3-4 matchs de suspension. J’ai été coupé dans mon élan pendant deux mois. Quand je reviens, je me fais une entorse à la cheville donc je repars pour un mois out. Après il a fallu se remettre dans le moule.

Il faut qu’on revienne sur un épisode au centre de formation d’Auxerre. D’après Jérémy Spender, formateur à l’AJA (il commence déjà à rigoler) tu serais sorti par une porte dérobée pour aller chercher des pizzas à 23h. C’est vrai ?

Oui oui c’est vrai ! J’ai fait plein de conneries, enfin pas tant que ça, mais quand même. On sortait sans avoir le droit, on était jeune on avait la bougeotte mais à la fin de l’année, ils ont mis des vigiles à la sortie du centre donc c’était un peu chaud pour sortir (rires). Mais en vrai, on sortait parce qu’on n’aimait pas la nourriture de la cantine. On avait juste faim en fait, on ne sortait pas parce que ça nous faisait plaisir.

Aujourd’hui la rigueur allemande est de mise, les écarts sont interdits ?

Oui voilà, il y a des exigences que j’apprends toujours d’ailleurs. On ne va pas se mentir les allemands m’ont un peu rééduqué, même sur la route je respecte les limitations maintenant.

« J’avais besoin d’une remise en question »

D’ailleurs, comment et pourquoi avoir fait le choix de partir d’Auxerre pour rejoindre Francfort ?

Comme je l’ai dit j’avais vu mes amis Zagadou et Konate réussir en Allemagne alors je me suis dit « pourquoi pas moi ? ». Je savais que je ne voulais pas être dans un gros club pour rester sur le banc. Moi je voulais jouer. Francfort m’a offert la possibilité de me mettre en avant et je voulais voir autre chose. Pour tout dire, je voulais même partir l’été d’avant, mais ma famille trouvait que c’était trop tôt. Je sentais que je n’arrivais plus à me dépasser à Auxerre. Je savais que j’étais bon mais même si je faisais des mauvais matchs les gens allez dire « ah mais c’est Ndicka ce n’est pas grave, on sait qu’il est fort ». J’avais besoin d’une remise en question et de sortir de ma zone de confort.

Il y avait aussi l’intérêt du PSG, toi qui est du 19ème c’est un rêve ?

Je ne sais pas, ça c’est le rôle de mes agents. Le PSG est un club que j’aime, mais je suis vraiment bien à Francfort. La Bundesliga, c’est un beau championnat que j’apprécie.

En fin de saison il y a un mondial U20, tu étais appelé sur les derniers rassemblements, pas cette fois pourquoi ?

J’avais simplement une blessure de fatigue. L’IRM a révélé un petit truc à l’adducteur donc le staff de Francfort a décidé de me laisser au repos face à Nuremberg. J’étais donc aussi inapte pour la sélection. Heureusement, ça va mieux.

Espères-tu quand même être présent cet été en Bleu ?

Bien sûr, c’est quelque chose que j’ai en tête, je travaille pour. Après le coach va faire ses choix. Il y a beaucoup de monde à mon poste mais j’ai mes chances.

Crédits photos : Morgese – Rossini / DPPI

Interview réalisée par Maxime Oliveira

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