Le latéral ou l’égalitarisme du football moderne

L’évolution tactique du football a été incessante au cours des 30 dernières années. D’un jeu relativement rudimentaire et avant tout basé sur des valeurs de solidarité et sur le talent individuel des joueurs, le carré vert a laissé place à la rigueur quasi scientifique d’un football extrêmement organisé et schématisé. Deux joueurs sur onze ont particulièrement tiré profit de cette évolution : les latéraux.

Souvenez vous. Vous, le petit nouveau en léger surpoids, vous dont on souligne les deux pieds droits alors que vous êtes gaucher. Vous voilà désormais inscrit dans le petit club du quartier. Enfin, vous allez pouvoir imiter vos idoles Ronaldo, Van Nistelrooy ou Djibril Cissé en marquant des buts! Qui sait, si vous prenez goût à toucher le ballon, vous pourriez peut être même être le nouveau Zidane, Ballack, Gerrard ou Pirlo.

Raté. Vous êtes le plus nul de l’équipe. Votre entraîneur, qui observe avec attention le fait que vous savez courir longtemps et vite, voit en vous “un formidable latéral gauche”. Adieu les rêves de gloire et les célébrations endiablées.

Un bouche trou….

Ce tableau peu reluisant était, pourtant, celui des latéraux pendant un grand nombre d’années. Poste délaissé, considéré par beaucoup comme étant le point faible de toute équipe et ainsi comblé à la va-vite (combien d’ailiers médiocres ont fini latéraux?), tel était le triste sort de tous ces arrières gauches et arrières droits.

Ce constat n’est cependant pas à considérer comme une injure à l’égard des latéraux du passé. Personne n’osera nier la grande qualité de Roberto Carlos ou de Bixente Lizarazu, pour ne citer que des exemples dont la majorité se souviendra.

Le rôle qui leur était assigné était, en effet, relativement simpliste : avant tout bien défendre (dans « défenseur latéral gauche« , il y a finalement le mot défenseur) ; attaquer si possible (par la vitesse avant tout). Voilà. C’est globalement là l’essentiel, dans un football alors dicté par la grinta et l’engagement physique.

… devenu vital

Pourtant, à travers les différentes révolutions de jeu que le football a connues – on pourrait presque parler de philosophie de jeu tant c’est l’essence même du football qui a fait l’objet de ré-interprétations – par les différents entraîneurs phares (Sacchi, Mourinho, Guardiola, Klopp) qui ont imposé leur patte, non seulement sur leurs propres équipes mais aussi sur l’ensemble du football mondial, les cartes ont été redistribuées.

Ainsi, le latéral est devenu un agent incontournable d’un onze extrêmement dépendant de ses côtés. Un nouveau poste, celui de piston, s’est développé à mesure que celui de libéro disparaissait. Un nouveau profil de latéral, par conséquent, est apparu.

Toujours plus technique et dribbleur, à la qualité de centre monstrueuse et percutant par ses courses, le latéral est passé du pire au meilleur joueur, parfois, d’une équipe. À gauche, ils sont nombreux à se tirer la bourre ces dernières années (Marcelo, Alaba, Maxwell ; Robertson, Benjamin Mendy ou d’autres) et présentent un profil similaire.

Alaba joue numéro 10 en sélection, tant sa qualité technique est exceptionnelle. Marcelo, lui, a semblé pouvoir évoluer à l’ensemble des postes offensifs avec des statistiques dignes d’un ailier de haut niveau (15 passes décisives et 5 buts en une saison, notamment). Son apport offensif est considérable et a constitué une arme dévastatrice pour l’obtention des 4 dernières Ligues des Champions du Real Madrid.

À droite, c’est le survolté Dani Alves qui a longtemps écrasé toute concurrence. Il est désormais supplée par Joao Cancelo, Dani Carvajal, Joshua Kimmich ou Trent Alexander-Arnold notamment. Point commun de tous ces latéraux? Leur activité offensive folle.

C’est ainsi que Trent Alexander-Arnold est d’une telle qualité technique que c’est lui qui tire la majorité des coups de pied arrêtés à Liverpool. Kimmich, lui, accumule les passes décisives au Bayern et est absolument indéboulonnable du Onze. Tous deux ne sont même pas âgés de 24 ans (tout juste 20 pour TAA).

Le latéral, symbole de l’importance du collectif

C’est par cet apport offensif que les latéraux parviennent à incarner parfaitement l’essence du football moderne : le dépassement de fonction. Leurs déplacements, qu’ils soient ré-axés ou en position d’ailier, permettent aux entraîneurs de bénéficier d’outils offensifs supplémentaires dans une recherche de domination offensive.

Si des latéraux au profil défensif traditionnel existent toujours (le bon Samuel Eto’o, reconverti arrière gauche défensif face au FC Barcelone s’en souviendra), ils s’inscrivent généralement dans un contexte d’absence de volonté de jeu. Didier Deschamps, par exemple, a installé deux défenseurs centraux sur ses côtés avec Lucas Hernandez et Benjamin Pavard. La victoire française en Coupe du monde lui a donné raison et a permis de masquer un détail pourtant criant.

Car si l’apport d’un latéral de qualité dans une équipe est évident, la présence d’un latéral médiocre se fait aussi ressentir : Manchester United et ses deux ex-ailiers reconvertis en latéraux relativement médiocres peut en témoigner. Le Paris Saint-Germain a souffert du départ de Maxwell, l’OM des échecs de Jordan Amavi et Bouna Sarr.

De telles nécessités expliquent aussi l’explosion de la demande en matière de latéraux. Youcef Atal, par une première saison de grande qualité à l’OGC Nice, a ainsi suscité immédiatement l’intérêt d’un Atlético Madrid au Juanfran vieillissant. Les bons latéraux ne sont pas si nombreux et, pourtant, sont devenus cruciaux pour le plus haut niveau.

Finalement, l’intronisation d’un latéral devenu essentiel au 11 est la preuve que le football a changé et que tous, à pareille utilité, contribuent au succès d’une équipe, une vraie. La progression du football lui a permis de retrouver ses valeurs collectives et solidaires, enfin. Finalement est venu le tour du petit obèse d’hier de prouver qu’il sera, lui aussi, la gloire de demain.

Photo crédits : Oscar Barroso / SpainDPPI / DPPI

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