Pour Lacazette, l’heure commence à tourner

En pleine préparation avec Arsenal, Alexandre Lacazette s’apprête à entamer sa troisième saison en Premier League. S’il s’est forgé une belle réputation outre-Manche, il peine à devenir un grand attaquant référencé en France et en Europe. À 28 ans, le buteur va vivre une année qui peut le faire basculer dans une autre dimension. Ou peu à peu dans l’oubli.

À chaque fois c’est la même rengaine. Lorsqu’il liste les joueurs convoqués pour les prochains matchs de l’équipe de France, Didier Deschamps oublie volontairement le nom d’Alexandre Lacazette. Pourtant, ceux d’Anthony Martial ou de Wissam Ben Yedder sont sortis de la bouche du sélectionneur double champion du monde. À 28 ans, le buteur d’Arsenal ne compte donc que 16 sélections, pour trois petits buts. Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer. Lacazette a même pris l’habitude de répondre à ses non-convocations en sortant un match de grande classe dans la foulée. Mais malgré ses qualités certaines, l’ex-Lyonnais n’arrive pas à s’imposer dans un groupe France qui semble pourtant lui tendre les bras à chaque fois qu’un rassemblement approche.

En progrès constant dans le jeu

En novembre 2017, il est enfin titularisé avec le maillot bleu au milieu d’une attaque composée de Martial et de Mbappé. Face aux Allemands, alors champions du Monde, Alexandre Lacazette est remuant et incisif. Son doublé inscrit ce soir-là semblait alors le rapprocher d’une place de titulaire. Depuis, il n’a pas refoulé un terrain avec le maillot bleu sur le dos. Pourtant, tout semble lui ouvrir la voie à des convocations régulières. Sa complicité avec Griezmann n’est plus à démontrer, ce dernier lui témoignant même son amour sur Twitter.

https://twitter.com/AntoGriezmann/status/1124031057165258757

Et Griezmann a raison. Lacazette a toute la panoplie du numéro 9 moderne. Oubliez les attaquants à la Inzaghi, toujours prêts à surgir pour glisser un pied dans la surface et marquer un but inattendu, le Gunner fait bien plus sur un terrain. Très bon dos au but et dans le jeu de passe, Lacazette pense d’abord à emmener son équipe devant le but avant de marquer de lui-même. Sa justesse technique balle au pied et dans la dernière passe peut parfois faire penser à un numéro 10. En effet, avec 13 passes décisives cette saison, il termine meilleur passeur d’Arsenal, au nez et à la barbe de Mesut Özil notamment. Rapide et capable d’utiliser son pied gauche presque aussi bien que son pied droit, Lacazette a même développé un jeu de tête fiable.

Fiable n’est malheureusement le mot qui qualifie son physique. Régulièrement touché, il avait dû déclarer forfait lorsque, enfin, Didier Deschamps allait lui offrir sa chance en novembre 2018 (suite à la blessure de Martial, il faut le préciser).

Prophète dans ses clubs

Depuis ses débuts à Lyon, où il est resté dans le cœur des supporters du Rhône, Lacazette a bien évolué. Le seul joueur depuis Pauleta à avoir marqué plus de 20 buts en Ligue 1 lors de trois saisons consécutives avait débuté sa carrière sur l’aile droite de l’attaque, l’axe étant bouché par Lisandro Lopez et Bafétimbi Gomis.

Replacé en pointe suite au départ de l’Argentin, il se transforme en buteur et devient le meilleur marqueur de l’histoire de l’OL sur une saison en championnat (27 buts en 2014/2015, puis 28 en 2016/2017). Alors élu meilleur joueur de Ligue 1, Lacazette commence à taper dans l’œil de grands clubs européens.

Par la suite, malgré des statistiques toujours ronflantes, il aura plus de mal à briller dans le jeu, le gimmick « penalty pour Lacazette » devenant un des classiques de Twitter à chaque match de l’OL. Pur produit lyonnais, il échouera à offrir un titre à son club de cœur pour sa dernière année, malgré une belle campagne d’Europa League (6 buts). Pas rancuniers, ses supporters lui offriront un bel hommage, lors de son dernier match avec Lyon, où il en profitera pour inscrire son 100e but en Ligue 1.

https://twitter.com/OL/status/866353355244924931

Cet amour des supporters, Lacazette l’a aussi gagné à Londres. Pas facile, pourtant, de remplacer Alexis Sanchez comme fer de lance de l’attaque des Gunners. S’il termine meilleur buteur du club dès sa première saison outre-Manche, son rendement reste maigre. Avec 14 buts en championnat, il reste loin de ses standards lyonnais. Mais paradoxalement, c’est cette saison 2018-2019 que le joueur, acheté pour 53 millions d’euros, s’est le plus épanoui. Pourquoi paradoxalement ? Parce que son nombre de buts a encore baissé (13 en Premier League), mais son influence sur le jeu n’a fait que grandir. Ce n’est pas pour rien si, en début de saison, son ami Aubameyang réclamait le Français sur le terrain, quitte à être décalé à gauche. Unai Emery l’a entendu et a basé l’essentiel de son jeu offensif sur lui, même si le Gabonais fut la machine à marquer du club.

Élu meilleur joueur de l’équipe par ses supporters, Lacazette reste malgré tout frustré de sa saison, qui n’a pas vu son palmarès gonfler. Et pourtant, avec des buts dans les derbies contre Tottenham et Chelsea, en fin de match contre Liverpool ou son doublé contre Naples en Europa League, le Français a brillé.

Il a laissé passer plusieurs trains

Mais son absence lors de certains grands rendez-vous a aussi assombri le tableau. Déjà une récurrence lorsqu’il jouait à Lyon (5 buts en 22 matchs de Ligue des Champions), Lacazette a conservé cette tendance à passer au travers de grands rendez-vous. La finale de l’Europa League entre Chelsea et Arsenal était l’occasion pour lui de montrer au peuple français, et notamment au sélectionneur des Bleus, sa supposée supériorité sur Olivier Giroud. Sauf que sur le terrain, le champion du Monde a brillé et le Gunner s’est éteint. C’était déjà le cas durant la fin de saison d’Arsenal. Alors en lutte pour accrocher une quatrième place et renouer avec la Ligue des Champions, le club de Londres s’effondre en fin de saison, concédant trois revers consécutifs. Titulaire lors de ces trois matchs (contre Crystal Palace, Wolverhampton et Leicester), Lacazette restera muet. Et s’enfoncera dans la crise, avec son équipe.

En équipe de France non plus, Lacazette n’a pas saisi sa chance. En point d’orgue, le fameux match Bulgarie – France du 7 octobre 2017. Didier Deschamps décide de laisser son poulain Olivier Giroud sur le banc et d’aligner le trio d’attaquants destructeurs que les spécialistes et les « twittos » réclament : Griezmann – Lacazette – Mbappé. Sauf que la logique du terrain n’est pas toujours celle du papier. Les trois joueurs se marchent dessus, ne se trouvent pas et patinent face à une faible équipe bulgare. C’est Lacazette qui portera le chapeau de ces manquements dans l’animation offensive des Bleus. Il ne foulera que deux fois le terrain avec le maillot de la France sur le dos après ce match en terre bulgare.

Réserviste lors de l’Euro 2016, du Mondial 2018 et absent des dernières listes, l’avenir international de l’attaquant Arsenal semble s’obscurcir rassemblement après rassemblement. Le 21 mai dernier, Didier Deschamps déclarait : « par rapport à Alexandre Lacazette, il n’y a pas de raison qu’on ne le revoie pas, même s’il n’est pas rappelé là. J’ai eu un choix difficile à faire par rapport à son concurrent direct, Wissam Ben Yedder, qui sort d’une saison où il a marqué énormément de buts. […] J’ai un choix à faire et j’ai choisi Wissam ». Un choix peu critiqué, car compréhensible.

Si réduire Lacazette à son nombre de buts serait une hérésie tant il apporte sur le terrain, son absence en Bleu est de moins en moins débattue. Comme si, désormais, c’était chose acquise. La nouvelle génération brillante d’attaquants français y est aussi pour quelque chose. Mais s’il maintient son meilleur niveau sur une saison, nul doute qu’il pourrait amener Arsenal dans des contrées devenues rares pour ce club. Et alors, Deschamps pourrait ne plus avoir le choix. Pour Lacazette, il est temps de devenir une évidence.

Photo crédits : JOSE JORDAN / AFP

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