Kieran Tierney, du vert au rouge, de l’île de Man au nord de Londres

Le 8 août 2019, le jeune écossais de 22 ans Kieran Tierney s’est engagé avec Arsenal pour 27 millions d’euros – une somme record à la fois pour un joueur de nationalité écossaise et pour un joueur évoluant dans la ligue du pays éponyme. Ayant impressionné durant la large victoire d’Arsenal contre le Standard de Liège 4-0 le jeudi 3 octobre dans le cadre des phases de groupes de l’Europa League (on se souviendra notamment du premier but, une tête du jeune espoir Gabriel Martinelli après un superbe centre du latéral écossais) qui constituait sa première titularisation, Ultimo Diez est revenu sur le parcours du joueur dont la décision la plus difficile de sa vie fut de quitter son club de coeur, le Celtic Glasgow, à une heure où il semble tout proche de s’imposer comme latéral gauche titulaire du club du nord de Londres.

L’enfance et le lien du Celtic

C’est le 5 juin 1997, à Douglas, qu’est né Kieran Tierney. Douglas, une petite ville d’environ 25 000 habitants, située sur l’île de Man dont elle est la capitale, au large de la mer d’Irlande. C’est de là que le jeune Kieran tient ses origines – une île celte, envahie par les Vikings au Moyen-Âge, composée de collines vertes et de littoraux bruts parsemés de vestiges archéologiques de l’époque médiévale. Une île qui s’auto-gouverne et dont le Parlement est considéré comme un des plus anciens du monde, datant de la période des Vikings, et qui est aujourd’hui une dépendance de la Couronne britannique, octroyant à sa majesté Elisabeth II la qualité de « seigneur du Man ». Bien que né sur ce territoire particulier, du fait des racines écossaises de sa famille, c’est à Wishaw qu’il passe son enfance, à 25 kilomètres au sud de Glasgow.

Glasgow, la ville du mythique Celtic, dont le père de Kieran, Michael, est tombé amoureux. À tel point qu’il offrit à chaque membre de la famille un abonnement annuel pour aller voir les matchs du Celtic, ce qui a sûrement laissé énormément de traces dans l’esprit du jeune Kieran. En creusant un petit peu, on comprend bel et bien que le football est une véritable affaire de famille. Dans une interview donnée à un journal écossais il y a quelques années, on peut apprendre comment s’est manifesté le désir de devenir football professionnel du jeune supporter du Celtic. « Quand j’étais à l’école, on nous a un jour demandé de choisir nos matières, et d’écrire ce que l’on voulait faire plus tard. J’ai toujours choisi le football, mais mon professeur m’a dit que je ne devrais pas écrire ça. Je devais écrire « menuisier », ou une autre activité manuelle du genre ». Mais à l’âge de 7 ans, ce rêve de devenir footballeur professionnel un jour prit un tournant, quand après avoir passé les tests d’entrée, Kieran Tierney parvint à intégrer l’académie du Celtic. L’histoire d’amour pouvait réellement commencer, ponctuée et renforcée par des moments forts comme la victoire du Celtic en novembre 2012 dans un match de Ligue des champions contre le FC Barcelone, pendant laquelle le jeune Kieran fut ramasseur de balle. Peu à peu, il se fait un nom en gravissant les échelons, et les supporters du Celtic ne tardent pas à découvrir son talent.

 Vidéo d’un but de Tierney marqué de sa propre surface avec les u21 du Celtic qui contribuera à faire sa renommée au sein des catégories de jeunes*

Il rejoint finalement l’équipe première en 2014 pour la pré-saison, disputant son premier match contre Tottenham. Ce n’est que le 22 avril 2015 qu’il fait ses débuts professionnels, en entrant en jeu à la 81ème minute d’un match de championnat écossais. C’est durant la saison 2015-2016 qu’il va prendre une nouvelle dimension. Alors que l’arrière-gauche Izaguirre quitte le Celtic, le club décide de faire confiance à la jeunesse en donnant sa chance à Tierney. Finalement, durant la saison 2015-2016, il effectue une trentaine de matchs avec le Celtic et est un élément clé du sacre, étant élu meilleur jeune joueur du championnat. Bien que victime de quelques blessures, il dispute quarante matchs la saison suivante avec le Celtic, qui remporte le triplé et est une nouvelle fois élu meilleur jeune joueur du championnat. Le 8 août 2017, il se voit même donner le brassard de capitaine dans un match de Scottish League Cup contre Kilmarnock que le jeune écossais n’est sûrement pas prêt d’oublier.

L’incroyable but du Kieran Tierney pour sa première avec le brassard de capitaine, contre Kilmarnock

Cette saison est une nouvelle fois une saison pleine pour Kieran qui, toujours titulaire sur son côté gauche ou parfois aligné défenseur central gauche dans une défense à cinq, participe à un double triplé historique et se verra une nouvelle fois être élu meilleur jeune joueur du championnat. Offrant une régularité à toute épreuve dans son couloir gauche, ses prestations ne tardent pas à attirer l’oeil des grosses écuries anglaises, au grand désespoir des fans du Celtic. La saison suivante est un peu moins glamour pour le latéral originaire de l’île de Man, avec deux blessures à la hanche et une opération de l’aine qui l’éloignent des terrains pendant un long moment. Au final, après avoir rejoint le club à l’âge de 7 ans et avoir gravi peu à peu les échelons des catégories de jeunes, Kieran a réalisé son rêve : jouer pour le club qu’il a toujours supporté en devenant un élément clé de l’effectif, tout en remportant des titres. Son palmarès avec le Celtic est aujourd’hui le suivant : 4 championnats, 2 Coupes d’Ecosse et 2 Coupes de la Ligue Ecossaise. Mais malgré son amour pour le vert et le blanc, le Celtic devient bientôt trop petit pour lui.

La signature à Arsenal : le bon choix ?

C’est le 8 août 2019 qu’a été officialisée l’arrivée de Kieran Tierney à Arsenal pour un montant de 27 millions d’euros. Une officialisation très tardive qui ne s’est pas faite dans la douceur, après des mois houleux de négociation. Avec un Nacho Monreal vieillissant et un Kolasinac enchaînant les prestations décevantes, Arsenal et Unai Emery se devaient de recruter un arrière-gauche. Et c’est sur le latéral écossais du Celtic que s’est jeté le dévolu du coach espagnol. Oui mais voilà, en plein mois de juillet alors que la période des transferts anglaise connaît son pic d’activité, Arsenal peine à trouver un accord avec le Celtic, qui réclame plus de 25 millions d’euros pour son latéral. Les fans du Celtic, eux, pour la plupart, ne croient absolument pas en un départ de leur enfant du club présent dans leur équipe depuis l’âge de 7 ans. Ces derniers ne souhaitent absolument pas revivre un nouvel épisode « Virgil Van Djik », qui, déjà très bon durant sa période au Celtic, avait été bradé à Southampton pour 15 millions d’euros, du fait notamment de l’incapacité financière des clubs écossais à rivaliser avec ceux d’Angleterre. Inutile de rappeler que Van Djik quittera Southampton 3 ans plus tard pour rejoindre Liverpool avec un transfert s’élevant à presque 90 millions d’euros.

Un autre problème se pose alors concernant Kieran Tierney : des doutes émergent quant à ses blessures et notamment une opération d’une double hernie ; personne ne sait quand il sera à nouveau prêt à jouer au plus haut niveau. Mais finalement, alors qu’avance le mercato et que les négociations s’intensifient, le Celtic signe un latéral gauche et décide de vendre Tierney pour 27 millions à la toute fin du mercato – une somme record et pour un joueur écossais, et pour un joueur évoluant dans ce championnat. Le natif de l’île de Man reviendra plus tard sur la décision de quitter le Celtic comme « la plus dure de sa vie ». Mais toujours perturbé par une opération, il aura fallu attendre le jeudi 3 octobre et un match de poules d’Europa League pour voir tout le talent de Kieran Tierney en action, durant sa première titularisation avec le club du nord de Londres.

Alors qu’Unai Emery décide d’aligner un onze très jeune, Arsenal est galvanisé par le retour de ses latéraux – Tierney et Hector Bellerín, qui lui aussi a été écarté des terrains pendant longtemps suite à une grosse blessure. Et très vite, Tierney montre toute l’étendue de son talent : ne laissant rien passer côté gauche, très efficace défensivement, et, surtout, ce qui change les fans d’Arsenal des dernières prestations de Kolasinac : une capacité à toujours très bien centrer, et dans le bon tempo. Comme à la 13ème minute où sa merveille de centre trouve la tête de Gabriel Martinelli qui inscrit le premier but de la rencontre.

Sa première titularisation en Premier League, comme celle de Hector Bellerin, est très attendue du côté des Gunners. Parce que bien qu’Arsenal soit actuellement troisième au classement en ayant joué Tottenham, United et Liverpool, le jeu peine à satisfaire, et la frilosité qu’Unai Emery montrait l’année dernière ne semble pas avoir disparu, en témoigne le dernier match à l’Emirates contre Bournemouth (victoire 1 but à 0 grâce à un but de David Luiz). Car si pour le moment les résultats suivent, les mêmes interrogations s’étaient posées l’année dernière, et au final, Arsenal n’a pas réussi à se qualifier pour la Ligue des champions. Peut-être que le salut d’Emery passera par la titularisation de ces deux latéraux. En effet, la frilosité montrée par Emery sur certains matches est peut-être due à un manque de confiance du coach envers ses latéraux actuels. Si Arsenal ne parvient pas à hausser son niveau de jeu alors que Tierney et Bellerin font leur retour, des questions devront être posées quant à la compétence d’Emery, car contrairement à l’année précédente, Arsenal s’est très bien renforcé pendant le mercato.

En revanche, si l’acclimatation footballistique de Tierney semble s’être bien passée, il n’en est pas la même chose pour celle de son lieu de vie. Dans une interview très récemment donnée au site d’Arsenal, il déclare : « Venir à Londres a été un gros changement pour moi. J’ai toujours vécu chez mes parents, et maintenant je suis dans un autre pays et dans une ville immense. Je vis tout seul pour la première fois, et c’est vraiment pas super. Je dois cuisiner chaque soir, c’est dur mais j’apprends. Des gens me demandent « Comment c’est, Londres? » Je ne sais pas vraiment, parce que je ne suis jamais réellement allé dans le centre ville. Je m’entraîne, je travaille dur, je rentre à la maison pour me reposer, et je retourne à l’entraînement le jour d’après. Je mène une vie simple, et je dédie tout au football. » Ces mots résument très bien la mentalité de Kieran Tierney : un état d’esprit simple, un sens des réalités, pas de fioritures ou d’extravagance, et cela se ressent dans son football. Nul doute qu’il devrait être titularisé en Premier League au sortir de la trêve internationale, et que sa progression est à surveiller. Arsenal tient peut-être enfin le latéral gauche qui lui manquait tant.

Crédit photo: Actionplus / Icon Sport

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