Youth League, une coupe d’Europe pas comme les autres

Après une interminable trêve internationale, le football de clubs est de retour avec l’une des compétitions reines : la Champions League. Depuis quelques années, cette reprise coïncide avec celle de la Youth League, littéralement « la ligue de la jeunesse ». Il s’agit de la première compétition de clubs organisée par l’UEFA en catégorie de jeunes. Il faut dire que le football de sélections s’est structuré plus rapidement à ce niveau. C’est en 1977 qu’a été organisé le premier mondial junior (désormais réservé aux U20). 

L’apparition d’une ligue européenne fermée 

Tout commence en 2011 lorsque Mark Warburton, directeur sportif de Brentford, et Justin Andrews s’associent au sein de la société Cycad Sports Management (CSM) et lancent les NextGen Series. Il s’agit d’une ligue fermée regroupant des équipes de jeunes de moins de 19 ans évoluant en Europe. L’idée étant de préparer au mieux les jeunes au football de haut niveau en réunissant les places fortes du Continent. Les talents de demain sont ainsi confrontés à différents styles d’opposition.

Des promesses avant une grosse désillusion

La première édition a été une réussite. Stramaccioni a été promu coach de l’équipe première de l’Inter Milan au lendemain du sacre de ses U19. Raheem Sterling a été l’une des premières étoiles à briller en NextGen Series. Cela lui a permis d’intégrer plus rapidement les A de Liverpool. Désormais à Manchester City, il est devenu, grâce à Pep Guardiola, l’un des meilleurs ailiers de la planète. 

Passant de 16 à 24 équipes, la NextGen Series ne connaitra pas de troisième volet, faute de financement. Ce n’est que quelques semaines plus tard que les organisateurs apprirent ce qui se tramait du côté de Nyon. 

L’UEFA recycle la Champions League et la NextGen Series

En effet, l’ECA (association des clubs européens les plus puissants) a profité des défaillances des NextGen Series pour développer un projet en collaboration avec l’UEFA. Ainsi est née la fille de la Champions League : la Youth League. De 2013 à 2015 a débuté une phase de tests avec un format calqué sur celui de la Champions League en ce qui concerne le premier tour. Les équipes qualifiées se retrouvent dans les mêmes groupes que les équipes seniors.

L’apparition des champions 

Or, la qualité de l’équipe fanion n’est pas systématiquement la garantie de celle de l’équipe U19. Pour contrer cette difficulté, l’UEFA a mis en place la « voie des champions ». Ce deuxième tableau permet aux champions nationaux U19 d’accéder à la phase à élimination directe via des tours de qualification puis des barrages face aux deuxièmes de groupe. Les premiers des huit groupes accèdent quant à eux directement aux huitièmes de finale. Contrairement à la première phase, les barrages et les matches à élimination directe se jouent en une seule rencontre. Un Final Four est ensuite organisé à Nyon, au siège de l’UEFA. 

Les jeunes passent enfin à la télé

L’un des avantages de la Youth League est de bénéficier du savoir-faire de l’UEFA en matière de distribution des droits. Le prestige de la Champions League sert de levier pour la diffusion de la compétition. C’est ainsi que Canal Plus a acquis les droits en 2015, puis RMC Sport depuis 2018. Cependant, il n’est pas encore question de diffuser les matches en prime time. Les rencontres restent programmées pour l’essentiel dans l’après-midi, en lever de rideau des rencontres de Champions League. Cette « première partie » avant le clou du spectacle nous rappelle forcément la finale de la Coupe Gambardella. La finale de ce tournoi se dispute traditionnellement juste avant celle de la Coupe de France.

Le rêve d’une épopée européenne

Véritable révélateur de la qualité du centre de formation, la Gambardella semble en perte de vitesse aux yeux des mastodontes tricolores. Le PSG n’a plus atteint la finale depuis 1998 et n’a qu’une demie-finale au compteur depuis l’introduction de la Youth League. La stratégie du centre de formation est désormais axée autour du championnat et de la Youth League comme le témoigne la suppression de l’équipe réserve. L’OL profite également de la constance de son équipe première pour s’installer durablement en Youth League. Sa dernière performance est encourageante avec un quart de finale. Cette saison, Lillois et Rennais accompagnent les deux ogres tricolores aux ambitions européennes. Leurs performances sur la scène nationale seront forcément scrutées.

L’émergence d’un marché de la post-formation

A l’heure où le montant des transferts s’envole, les clubs prestigieux et les outsiders se développent en misant sur la post-formation. Jeunes, les joueurs coûtent en théorie moins cher et laissent entrevoir une potentielle plus-value. La Youth League est ainsi devenue un véritable tremplin. Une scène à l’échelle européenne sur laquelle s’expriment les talents en devenir avec l’espoir de faire carrière. On peut y voir là l’image de jeunes musiciens sillonnant les festivals d’été. Désormais, quelques apparitions en Youth League suffisent pour signer professionnel. Alors qu’il fallait autrefois faire ses preuves dans la cour des grands, certains peuvent très tôt s’en sortir avec un bon contrat. Face à la pression des recruteurs et des clubs spécialistes du développement de jeunes talents, les clubs formateurs n’ont d’autre choix que de blinder leurs pépites. 

L’exode des impatients

La Youth League possède en ce sens quelques similitudes avec les championnats universitaires américains. Véritable pépinière, elle peut mettre en lumière les talents de demain. Le développement de l’industrie du football empêche cependant la réalisation intégrale du cycle de formation au sein du club d’origine. Face aux promesses d’intégration rapide de l’équipe première, bon nombre de joueurs refusent de signer pro au sein de leur club formateur et tentent l’aventure ailleurs. Pour limiter ce pillage, les plus gros clubs formateurs multiplient les signatures de contrats professionnels avant de monnayer au prix fort le départ de leurs pépites.

Forts chez les jeunes mais pas forcément chez les grands

Jordi Mboula, un ancien de la Masia, a par exemple signé à l’AS Monaco pour 3M€ après avoir brillé en Youth League. Il n’avait disputé que 3 rencontres avec l’équipe réserve du Barça. Deux ans après ce transfert, l’espoir espagnol est prêté au Cercle de Bruges après seulement 11 apparitions sous la tunique monégasque.

Du Onze-type de l’édition 2015-2016 de la Youth League on ne retrouve que trois joueurs évoluant cette saison en Champions League. Abraham et Tomori s’imposent comme titulaires à Chelsea tandis que Nkunku tente de saisir sa chance à Leipzig mais reste loin d’être incontournable. 

La jeunesse aussi a ses champions

En conclusion, la Youth League est idée brillante sur le papier mais pourrait encore gagner en compétitivité en s’émancipant de la compétition mère. Un système de qualification complètement autonome permettrait aux fédérations les moins prestigieuses de valoriser leurs systèmes de formation. La moitié des participants à la phase de groupe sont issus des quatre grands championnats seniors. Reproduire ainsi les défauts de la compétition reine chez les jeunes ne favorise pas le développement du football européen. La voie des champions est une belle avancée mais il faudra aller encore plus loin dans l’innovation pour d’équilibrer les forces.

En attendant une éventuelle réforme, contentons-nous de l’adage « telle mère, telle fille » pour qualifier la Ligue de la jeunesse.

Photo crédits : iconsport

  

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