Arsenal et Unai Emery, un divorce bientôt acté ?

Alors qu’Arsenal s’apprête à se déplacer au King Power Stadium ce samedi 9 novembre à l’occasion de la 12ème journée de Premier League pour affronter Leicester, ce match pourrait bel et bien être synonyme de quitte ou double pour Unai Emery. La situation du côté de l’Emirates est en effet très tendue, le contenu proposé par l’entraîneur basque peinant à convaincre. En face, le Leicester de Brendan Rodgers, lui, flambe : les Foxes sont troisièmes et restent sur 4 victoires consécutives, dont un 9-0 historique sur la pelouse de Southampton. Tout autre résultat qu’une victoire continuerait à alimenter la tempête qu’est en train de traverser l’ex-manager du PSG qui n’a jamais été aussi en danger depuis son arrivée dans le quartier d’Islington.

Souvenez-vous, il y a 2 ans. Alors qu’Arsenal peinait à obtenir de bons résultats sous le coaching de Wenger, l’Emirates grondait. La brigade des #WengerOut, demandant le licenciement du manager alsacien, gagnait de plus en plus en influence, voyant en Arsène Wenger un manager dépassé par le football moderne et désormais incapable d’assumer son rôle au sein de l’Arsenal Football Club. La fanbase était alors déchirée et complètement désunie entre les Pro-Wenger et ceux demandant sa démission. Alors qu’un sentiment d’unité semblait avoir été retrouvé dans les travées de l’Emirates avec la nomination d’Unai Emery pour succéder au Français, les récents résultats de l’entraîneur basque semblent avoir rameuté de vieux démons, comme en témoignent le récent nul 2-2 à la maison contre Crystal Palace et les incidents qui s’y sont produits. Et de plus en plus, la légitimité d’Unai Emery en tant qu’entraîneur est remise en cause.

Un bilan en demi-teinte

Si la première saison à la tête d’Arsenal s’était mal finie pour Emery avec une décevante cinquième place en Premier League et une cinglante défaite 4-1 en finale d’Europa League contre le Chelsea de Sarri, le contenu était tout de même assez encourageant. Notamment dans les gros matches où Arsenal parvenait à jouer avec énormément d’intensité, particulièrement à l’Emirates (victoires contre Tottenham et Chelsea, nul très encourageant contre Liverpool). Mais déjà pouvaient être aperçues les prémisses de ce qu’allait devenir l’Arsenal d’Unai Emery en 2019 : une équipe peu inspirée offensivement, peinant à être créative et très fébrile défensivement, notamment à l’extérieur. Et c’est encore plus fragrant cette saison en Premier League où le bilan s’avère être très moyen : 4 victoires, 5 nuls et 2 défaites. 16 buts marqués pour 15 buts encaissés.

Si, sur le plan comptable, cela paraîtrait assez sévère de limoger Emery alors qu’Arsenal est 5ème à 6 points du 3ème, c’est surtout le contenu des matches qui est alarmant. Arsenal s’est très bien renforcé pendant le mercato estival, enregistrant les arrivées de Kieran Tierney en provenance du Celtic, Dani Ceballos en provenance du Real Madrid (prêt), David Luiz de Chelsea et enfin et surtout celle de Nicolas Pépé en provenance de Lille pour 80 millions d’euros. Malheureusement les performances ne suivent pas. Défensivement déjà, bien que les 2 latéraux titulaires (Kieran Tierney et Hector Bellerin) aient manqué plusieurs mois de compétition, Arsenal encaisse trop de buts, même si beaucoup sont plus le résultat d’erreurs individuelles que liées à une déficience systémique défensive. C’est surtout offensivement qu’Arsenal est très loin d’être convaincant. L’année dernière, le club pouvait compter sur les qualités d’Alexandre Lacazette et Aubameyang pour débloquer les situations, même quand Arsenal n’arrivait pas à dominer son adversaire. Cette saison, c’est le Gabonais qui a revêtu la cape de l’homme providentiel. Malheureusement, ses exploits ne peuvent pas suffire pour ramener Arsenal en Ligue des Champions. Et surtout, Arsenal manque clairement de créativité et d’inspiration. Si Matteo Guendouzi aligné au milieu de terrain semble avoir changé de dimension et assure parfaitement son rôle de premier relanceur, le constat n’est pas le même pour ses coéquipiers. Le capitaine, Granit Xhaka, déçoit. Dani Ceballos, arrivé en prêt du Real, s’avère être bon dans la conservation et transmission du ballon, mais peine à s’imposer comme une figure créative. Le prometteur Joe Willock, lui, est encore jeune et n’a pas les épaules pour assumer ce rôle. Enfin, Lucas Torreira qui est souvent le milieu de terrain aligné le plus haut, lui, est l’ombre de lui-même, et doit certainement regretter l’époque où il lui était permis d’évoluer à son poste, celui de milieu défensif. L’absence d’Aaron Ramsey parti en direction de Turin se fait clairement ressentir. Quant au joueur le plus capable d’assumer ce rôle de créateur, à savoir le meneur de jeu allemand Mesut Özil, lui, est souvent laissé sur le carreau. Personne ne sait réellement pourquoi Unai Emery ne semble pas compter sur l’ancien joueur du Real au club depuis 2014, et leur relation semble très tendue.

A force, avec la tendance d’Emery à trop se focaliser sur l’opposition et pas assez sur la qualité du football joué, Arsenal ressemble à un caméléon incapable de parfaitement reproduire les couleurs voulues. Et trop souvent, que ce soit à l’extérieur comme contre Watford il y a quelques semaines (match nul 2-2 alors qu’Arsenal menait 2-0) ou à l’Emirates comme le week-end dernier face à Wolwerhampton (match nul 1-1), Arsenal est statistiquement plutôt largement dominé et ne parvient pas à débloquer la situation. D’autres statistiques assez effrayantes ne jouent clairement pas en faveur d’Emery : le club a passé presque 300 minutes cette saison sans marquer un but dans le jeu, et n’a pas réussi à gagner un match en menant de 2 buts autant de fois en 11 matches cette saison qu’en presque 300 auparavant. Ce fut notamment le cas contre Crystal Palace le 27 octobre à l’Emirates.

Le match contre Crystal Palace, la cristallisation des tensions

Tout avait pourtant bien commencé pour Arsenal qui prend rapidement l’avantage par deux fois après deux corners, d’abord grâce à une volée de Sokratis à la 7ème minute puis une déviation de la tête reprise à bout portant par David Luiz deux minutes plus tard. Milivojevic réduira l’écart sur pénalty à la 32ème, puis Jordan Ayew égalisera à la 52ème de la tête. Visiblement las de voir le même scénario se répéter journée après journée, l’Emirates ne tardera pas à faire entendre son mécontentement. Particulièrement à 61ème minute du match. Et c’est le capitaine suisse Granit Xhaka qui servira de bouc émissaire. Pris en grippe depuis plusieurs mois déjà sur ses réseaux sociaux par une certaine partie de « fans » n’hésitant pas à aller jusqu’à souhaiter la mort de sa femme sur son compte instagram, beaucoup questionnent le choix d’Emery de l’avoir nommé capitaine alors que ses prestations sont vues comme décevantes. Et lorsqu’à la 61ème minute du match contre Crystal Palace le Suisse, visiblement mécontent d’être remplacé, prend son temps pour sortir, l’Emirates bouillonne : certains le huent, d’autres applaudissent son remplacement. Xhaka harangue alors ironiquement la foule, feint de ne pas entendre avec ses mains, et termine son chemin directement aux vestiaires en gratifiant la foule d’un « Fuck Off » qui régalera les tabloids le lendemain. Certains le prennent pour cible pour ses performances, d’autres car il incarne l’Arsenal d’Emery qui lui a donné le brassard de capitaine. A partir de ce moment et jusqu’à la fin du match, probablement agacés par l’inefficacité offensive des joueurs présents sur la pelouse, des supporters lancent des chants pro-Özil, absent de la feuille de match, concluant une après-midi morne dans un climat toxique rappelant celui de l’Emirates demandant le départ de Wenger. Peu après le coup de sifflet final, les Hashtag #EmeryOut et #EmeryOutNow sont dans les tendances Twitter du Royaume-Uni, et un sondage d’un bloggeur Arsenalien réputé laisse entrevoir un constat sans appel : sur les 27 000 personnes qui ont répondu, 88% veulent le départ d’Emery. La fracture semble profonde…

Divorce, ou réconciliation ?

Si vous suivez Arsenal ou le football anglais en général, vous avez sûrement dû entendre parler du supposé rapprochement entre José Mourinho et certains membres du board d’Arsenal, notamment Raul Sanllehi. José Mourinho était en effet présent durant le match d’Europa League à l’Emirates Stadium contre le Vitoria Guimaraes (victoire des Gunners 3-2). Des articles de presse ont également évoqué un dîner entre Mourinho et Sanllehi, bien qu’aucune preuve n’ait été apportée à ce sujet. Il semblerait que Mourinho soit plus désireux d’entraîner Arsenal qu’Arsenal désireux de s’attacher ses services. Cela a sûrement un lien avec les nombreuses rixes qu’a eu l’entraîneur portugais avec Arsène Wenger par le passé ainsi que la tournure qu’a pris sa dernière expérience à Manchester.

Si voir Arsenal licencier Emery pour s’attacher les services de Mourinho semble très peu probable, le football nous a déjà appris que rien n’est impossible, particulièrement avec certains clubs comme Arsenal. Bien que le club n’ait évidemment pas communiqué de manière officielle sur le sujet, des journalistes proches du club ont annoncé que les 3 hommes forts du board d’Arsenal, à savoir Edu (directeur sportif), Sanllehi dont nous venoms d’évoquer le nom, et Josh Kroenke (fils de l’actionnaire majoritaire d’Arsenal Stan Kroenke), souhaiteraient encore laisser du temps à Emery. Ce dernier bénéficierait encore d’une certaine légitimité grâce au fait d’avoir emmené Arsenal en finale d’Europa League l’année dernière et d’avoir facilité l’intégration de jeunes joueurs au groupe comme Joe Willock, Bukayo Saka ou encore Matteo Guendouzi. Ces derniers ne souhaiteraient en effet pas voir le club emprunter le même chemin que celui de Manchester United après la démission de Sir Alex Ferguson, enchaînant les entraîneurs sans obtenir les résultats escomptés.

Mais les échéances sont proches, et une défaite à Leicester pourrait voir les Gunners déjà être largués dans la course à la Ligue des Champions. Si les hommes de Brendan Rodgers gagnent, ils auront en effet 9 points d’avance sur Arsenal. La situation est donc déjà presque critique bien que cela ne soit que la douzième journée de Premier League, car on sait que dans ce championnat, les gros écarts deviennent de plus en plus durs à rattraper. Unai Emery va donc certainement jouer très gros ce samedi après-midi, car la pression montera encore plus si Arsenal ne parvient pas à gagner. De plus, le club doit absolument parvenir à jouer la Ligue des Champions la saison prochaine s’il souhaite prospérer. Financièrement déjà, avec le mercato réalisé cet été, si Arsenal veut pouvoir continuer à se renforcer de manière assez conséquente, la qualification est primordiale. Puis également du côté de ses cadres, comme Pierre-Emerick Aubameyang ou encore Lacazette qui n’ont toujours pas prolongé et qui arrivent bientôt à la fin de leurs contrats. Il se murmure en effet dans les travées de l’Emirates que ces derniers souhaitent absolument jouer la Ligue des Champions l’année prochaine et ne souhaitent pas prolonger tout de suite afin de garder certaines options. Arsenal pourrait se relever après le départ d’un seul d’entre eux l’été prochain, le club ayant été habitué à survivre après le départ de cadres, et particulièrement dans ce cas de figure précis où les profils de Lacazette et Aubameyang ne sont pas vraiment complémentaires bien que ces derniers s’entendent très bien hors du terrain. Mais il serait très compliqué de réussir à remplacer les deux en un seul mercato. La qualification pour la Ligue des Champions est donc primordiale, et il y a fort à parier que ce constat a également été fait par Sanllehi, Edu et Josh Kroenke. Il ne serait donc pas surprenant de voir Arsenal se séparer d’Unai Emery si les chances de se qualifier en Ligue des Champions étaient sérieusement compromises.

Quel remplaçant éventuel ?

Avant d’entamer ce paragraphe, il est d’abord important de rappeler qu’il est possible qu’Arsenal ne se sépare pas d’Unai Emery et que ce dernier réussisse à changer la donne, ce qui semble être le souhait du board à l’heure où Arsenal n’a pas encore joué contre Leicester. La seule certitude concernant l’avenir d’Emery est que ce dernier ne sera pas prolongé l’année prochaine du côté du nord de Londres s’il ne parvient pas à qualifier le club pour la Ligue des Champions.

Les noms évoqués pour remplacer Emery ne sont donc qu’hypothétiques pour le moment, et le club n’a, évidemment, approché personne. La seule interrogation étant celle posée par José Mourinho car personne n’est en mesure de dire s’il y a un intérêt du côté d’Arsenal, étant d’ores et déjà établi le fait que Mourinho, lui, en porte un pour le club rouge de Londres.

Conformément à la dernière déclaration de Wenger prononcée durant son discours d’adieu à l’Emirates, si Arsenal souhaite recruter un entraîneur « respectant les valeurs prônées par le club » après l’épisode Emery, c’est vers un entraîneur adoptant un style offensif que le club devrait se tourner. Des profils comme celui de Nagelsmann, le jeune entraîneur de Leipzig depuis cette saison qui s’est fait connaître en effectuant un énorme travail à Hoffenheim pendant 3 ans malgré son jeune âge, celui de Marco Rose dont le Monchengladbach est premier de Bundesliga, ou encore celui de ten Hag, finaliste de la dernière Ligue des Champions avec ses jeunes étoiles de l’Ajax, pourraient être tout à fait susceptibles d’intéresser le club du nord de Londres tout en étant en adéquation avec les valeurs prônées par le club selon Wenger.

On pourrait également citer les noms de Brendan Rodgers qui tire le meilleur de l’effectif de Leicester et qui a déjà fait rêver les supporters de Liverpool (bien que le mariage avec les Reds ait mal fini) ou d’Eddie Howe, jeune entraîneur de Bournemouth à la tête du club depuis la League One et qui a réussi à ramener le club en Premier League tout en adoptant un style offensif basé sur la possession.

Enfin, la dernière catégorie de choix plausibles est celle des anciens joueurs du club. Du moins probable au plus probable on a tout d’abord Thierry Henry, toujours sans emploi après son échec cuisant à Monaco puis Patrick Vieira ayant un succès relatif aux commandes de l’OGC Nice. Ensuite vient Freddie Ljungberg, actuel adjoint d’Unai Emery à Arsenal qui a coaché les équipes de jeunes et qui a facilité l’intégration de ses anciens poulains dans l’effectif comme notamment le jeune Buyako Saka, et qui assurerait certainement l’intérim si le manager basque venait à être limogé. Enfin, il reste le choix Mikel Arteta, actuel adjoint de Pep Guardiola à Manchester City qui fut, durant sa dernière année à Arsenal, une véritable extension de la pensée de Wenger sur le terrain, et qui a eu le temps de se perfectionner aux côtés d’un des meilleurs entraîneurs au monde. C’est évidemment une alternative risquée compte tenu de son manque d’expérience, mais c’était vers lui qu’Arsenal s’était tourné avant un dernier rebondissement et l’intronisation d’Emery qui a été favorisé pour son expérience.

Mais comme nous le savons tous, le football est un sport imprévisible, et bien malin celui qui saura prédire la suite des évènements du côté du nord de Londres. Emery pourrait très bien réussir à insuffler un nouveau souffle à son équipe en gagnant à Leicester, tout comme une large défaite face aux hommes de Brendan Rodgers pourrait conduire à son licenciement. Une chose est sûre, Arsenal devra améliorer ses performances si le club espère retrouver l’élite européenne dès la saison prochaine.

Photo crédits : Iconsport

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