19 novembre 2013, Saint-Denis. Battue 2-0 au match aller des barrages pour la Coupe du Monde, l’équipe de France transforme un contexte très hostile en une magnifique fête après sa victoire 3-0 contre l’Ukraine, dans un Stade de France déchaîné. Retour sur ce match qui a marqué la décennie des Bleus.
L’équipe de France qui gagne 3-0 face à une équipe vêtue de jaune dans un de Stade de France en fête, ça vous rappelle quelque chose ? Pourtant, il n’est pas question de la victoire face au Brésil de 1998. On va parler là d’un France – Ukraine, disputé le 19 novembre 2013. Il y a six ans jour pour jour, ce match marquait l’acte fondateur de l’ère Didier Deschamps sur le banc des Bleus.
Après le fiasco de 2010, Laurent Blanc a échoué dans sa mission de redorer l’image de cette équipe de France. Suite à un Euro sans saveur et marqué par les déboires de Nasri, Ben Arfa, M’Vila et Menez, Noël Le Graet fait appel à Didier Deschamps pour recadrer cette génération aussi talentueuse que nocive.
L’entraîneur échoue tout d’abord dans sa mission de qualifier directement les Bleus pour le Mondial 2014. Malgré des progrès dans le jeu et dans l’image qu’ils renvoient, les joueurs de l’équipe de France passent par un barrage piège en Ukraine. Et le 15 novembre 2013, la France prend de plein fouet l’agressivité ukrainienne dans l’antre de Kiev. Suite à une défaite logique 2-0, les chances de qualification des Bleus pour la Coupe du Monde au Brésil s’amenuisent. Pire, elles deviennent même nulles, selon les statistiques. Mais impossible n’est pas français, n’est-ce pas ?
Un contexte particulier
Avant le match, les joueurs font appel à leurs ressources mentales, mais aussi au public. Ils demandent une mobilisation générale. Même le journal L’Equipe, pas avare de critiques, envoie un message aux 24 Bleus avec une Une sublime. Le message est clair : « Faites-le ».
Si un sentiment d’union nationale a donné à ce match un supplément d’âme, comme pourrait le dire Pascal Dupraz, les joueurs français s’avançaient sous haute pression. Après la pitoyable image renvoyée lors des compétitions précédentes, le match aller contre l’Ukraine pouvait être vu comme la goutte qui allait faire déborder un vase déjà plein. « Les joueurs n’en ont absolument rien à foutre », déplorait Pascal Praud. « Vous dites que c’est un problème de collectif ! Mais ce n’est pas du tout ça, c’est un problème de détermination ! C’est un problème de niaque, de volonté ».
Une détermination sublimée dans l’adversité
Pourtant, de la détermination, la troupe de Didier Deschamps en avait à revendre. « J’en ai limite marre de parler et hâte d’être sur le terrain. J’aimerais que le match soit dans une heure. Entre joueurs, on se parle en petits groupes. Mais il faut arrêter de parler. Il est temps d’agir », s‘impatientait Olivier Giroud, quelques jours avant le match. De son côté, Mathieu Valbuena se préparait à avoir « la rage », et à jouer « l’un des matchs les plus importants de sa carrière ». Les Bleus mesurent ainsi l’ampleur de cette rencontre, qui déterminera l’opinion publique à propos de cette équipe déjà en sursis.
Comme s’ils avaient besoin d’une motivation supplémentaire, Jamel Debbouze s’est fait le porte-parole des supporters français. Alors qu’il venait présenter son film « La Marche » aux Bleus, l’humoriste-acteur s’est emporté : « Personne n’a jamais remonté deux buts d’écart en barrages ? Vous, vous allez le faire ». Cette discussion a « remonté le moral » d’un groupe qui en avait bien besoin, selon Franck Ribery. Oubliée la défiance des Français vis-à-vis de cette équipe, ce 19 novembre 2013, toute la France est acquise à la cause bleue. Et cela se transmettra aux joueurs dès « La Marseillaise ». Rarement le Stade de France n’avait donné tant de voix, n’avait montré tant de ferveur.
Les bons choix de Deschamps, Mamadou « Lilian » Sakho en héros
Pour entamer ce match tellement décisif, Didier Deschamps va faire des choix forts. Exit Abidal, Nasri et Giroud en difficulté à Kiev, bonjour Sakho, Cabaye et Benzema. Le coach ne le sait pas encore, mais la qualification pour le Brésil est entre les mains de ce tiercé gagnant. Voici la composition française, avec un passage en 4-3-3 et une charnière revisitée après le rouge reçu, à l’aller, par Koscielny.
Transcendés par le déroulé de ces derniers jours et un avant-match exemplaire, les Bleus rentrent dans la rencontre avec beaucoup d’intensité. Et répondent enfin à l’agressivité ukrainienne. « Il faut montrer à tout le monde qu’on en a », avait déclaré Sakho avant le match. Ses coéquipiers ont entendu son message. Mais celui qui prononce la sentence doit l’exécuter. Suite à une frappe de Ribery à la 20e minute, Sakho suit bien et ouvre le score afin de lancer les Bleus vers une folle remontée. Le guerrier, qui annonçait « espérer être titulaire pour ce match », rappellera même au public français le bon souvenir de Lilian Thuram. A la 72ème minute, le défenseur du PSG marquera, au même titre que son illustre prédécesseur, un doublé dans un match importantissime. Et l’histoire par la même occasion.
Entre ces deux réalisations, Benzema a inscrit son 18e but en sélection… deux fois. La première fois, il fut refusé pour un hors-jeu inexistant. La deuxième, il fut validé, malgré une position illicite de l’attaquant du Real Madrid. A 3-0, dans un Stade de France peuplé de 86 000 supporters, et non spectateurs, les Bleus sont virtuellement qualifiés face à des Ukrainiens réduits à 10. Après un combat de tous les instants et une dernière frayeur maîtrisée par Lloris, l’équipe de France s’impose et remonte un handicap de deux buts, pour la première fois de l’histoire des barrages.
La troupe de Deschamps composte son billet pour une Coupe du Monde 2014 qu’elle ne pouvait pas louper. Tant pour éviter une nouvelle crise que pour préparer l’avenir. En effet, ce Mondial brésilien a permis à Griezmann, Pogba, Matuidi ou encore Giroud de prendre la mesure d’une Coupe du Monde. Pour eux, le meilleur était encore à venir.
Ce France – Ukraine de 2013 marque un réel tournant dans l’histoire récente de l’équipe de France. Face à l’adversité et aux doutes, les joueurs ont su se comporter en soldats et déjouer les pronostics. Et enfin gagner le respect des Français, comme le titrait l’Equipe, le lendemain du match. Alors oui, respect. Et merci pour ces souvenirs.
Crédit photo: Amandine Noel / Icon Sport