Ils sont des millions de jeunes footballeurs à rêver de porter les couleurs de leur club de cœur, et de revêtir le maillot frappé du coq de l’équipe de France. Mais ils ne sont que quelques-uns à avoir tutoyé ce rêve autant que Quentin Beunardeau, sans vraiment l’accomplir. Formé au Mans, ce gardien de 25 ans revient pour Ultimo Diez sur son parcours cabossé, fait de déceptions en France et de réussite à l’étranger. Notamment à Aves, en 1re division portugaise, où il s’épanouit comme titulaire.
Tu as été contraint de quitter Le Mans suite à la liquidation judiciaire du club, en 2013. Comment as-tu vécu cette période ?
Ça n’a pas été chose simple. Quand tu as 18 ans, tu espères jouer dans ton club formateur et éventuellement y faire toute ta carrière. Le Mans, c’est mon club de cœur. J’ai tout vécu là-bas. Ça m’avait fait mal de devoir partir, surtout dans une situation pareille. C’est arrivé courant octobre-novembre, donc pas l’opportunité de partir au mercato d’été car les clubs ne voulaient pas payer une indemnité de transfert. Je me suis retrouvé à ne pas jouer pendant 6 mois. Â l’âge de 18 ans, ce n’est pas simple. Tu es jeune, tu as besoin de temps de jeu et c’est comme ça que tu t’aguerris.
Ça t’a compliqué les choses pour le début de ta carrière ?
Oui, clairement. Je savais que, malgré qu’on soit descendu en National, je serais titulaire. Â 18 ans, être titulaire en National, je pense que c’est une bonne chose. Tu prends énormément de confiance et d’expérience. Et le fait de ne finalement pas pouvoir jouer… Les clubs étaient un peu réticents car je n’avais pas joué depuis 6 mois, donc c’est clair que ça m’a freiné dans ma progression.
«Il a dit à mon père : “Laisse-le dans le but, il a des qualités.”»
Ce devait être d’autant plus difficile pour toi vis-à-vis de ton héritage familial au Mans (son père, Régis, est le joueur le plus capé de l’histoire du club avec 510 matches).
Oui, c’est dommage de ne pas avoir pu continuer sur la lancée de mon père. Ça aurait été une fierté de pouvoir éventuellement faire la même carrière que lui dans mon club de cœur, voire en un peu mieux si on avait pu être en Ligue 1 (sourire). Maintenant, c’est le foot. Il faut passer à autre chose et voir plus loin.
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Au début de ta carrière, ton père ne voulait pas que tu sois gardien. C’est toi qui as forcé ton destin.
Quand j’étais plus jeune, j’étais un peu fainéant, je n’aimais pas forcément courir. En catégorie poussins (entre 8 et 10 ans, ndlr), je n’avais pas toujours le ballon sur le terrain. Et un jour, j’ai craqué, j’ai voulu essayer gardien de but. J’ai eu l’opportunité de participer à des entraînements spécifiques pour les jeunes gardiens. À l’époque, Olivier Pédémas, gardien du Mans, est venu assister à l’entraînement. Il a dit à mon père : «Laisse-le dans le but, il a des qualités.» Il a estimé que j’avais le potentiel pour faire carrière à ce poste.
Tu es passé par les équipes de France jeune (41 sélections cumulées entre U16 et U20). Quels souvenirs gardes-tu de cette période ?
J’en garde de très grands souvenirs. Ça a été de belles aventures. J’ai côtoyé des joueurs qui font actuellement de très grandes carrières et qui jouent la Ligue des champions (Laporte, Rabiot ou encore Martial, ndlr). Ça m’a permis de vivre des compétitions internationales. J’ai eu la chance de participer à une Coupe du monde et deux championnats d’Europe. En terme d’expérience, c’est une très bonne chose.
Quand on joue autant avec l’équipe de France, est-ce qu’on pense à être appelé en A un jour ?
Bien sûr. C’était mon objectif n°1. Quand j’étais au «chômage» et que Le Mans a déposé le bilan, j’ai eu la chance de continuer en équipe de France. Le sélectionneur Ludovic Batelli avait énormément confiance en moi alors que je ne jouais pas forcément en club. Il continuait de m’appeler en sélection. Après, je suis parti à Nancy et j’étais en concurrence avec Paul Nardi. On était tous les deux sélectionnés et finalement, ils ont fait le choix d’en prendre un sur les deux. C’est à ce moment-là que ma galère a un peu commencé.
«Quand je suis arrivé à Nancy, le coach n’était pas au courant de ma venue…»
Tu as fait des essais dans plusieurs clubs à cette époque (Villarreal, Sampdoria, Bayern Munich). Tu as fini par signer à Nancy, en Ligue 2. Qu’est-ce qui t’a convaincu ?
Ce qui m’a convaincu, c’est le projet sportif. Malheureusement, c’est le président qui m’a convaincu de ça et pas le coach. Moi, le coach, je ne l’ai pas eu au téléphone. Le projet du président me paraissait clair. Mais quand je suis arrivé au club, le coach n’était pas au courant de ma venue. Ça m’a directement mis dans le trou. Ça a été une période compliquée… Je pense qu’ils n’ont pas forcément été très clairs dans leurs propos vis-à-vis de moi quand je suis arrivé au club. À côté de ça, j’avais des opportunités de signer à la Sampdoria ou à Villarreal. Après, moi, j’avais envie de jouer en professionnel. J’ai fait quelques matches en pro avec Le Mans, j’étais international U20, je sortais d’une finale de championnat d’Europe U19… Dans ma tête, l’objectif était de jouer en professionnel et de ne pas retourner en jeunes. Le projet du club de Nancy, c’était ça. Ils comptaient vendre Paul Nardy et me lancer. Mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça.
Tu t’es relancé en Belgique à l’AFC Tubize (D2) avec une place de n°1 pendant 2 ans, puis tu as quitté le club librement…
J’avais signé une année plus une autre en option en cas de montée en Jupiler League. Malheureusement, on n’est pas montés. On s’est même maintenu à 3 journées de la fin… Le club avait envie de changement et n’a pas renouvelé 98% de l’effectif. C’était à contrecœur car je m’entendais bien avec toutes les personnes qui travaillaient au club. J’avais une grande proximité avec l’entraîneur des gardiens. J’ai été déçu d’apprendre que le club ne comptait pas sur moi la saison suivante. Mais j’ai pu connaître la Ligue 1 grâce à ça. Ça a été un mal pour un bien.
L’expérience suivante à Metz n’a pourtant pas été très concluante… (3 matches dont une entrée en jeu en championnat)
Quand j’ai signé là-bas, ils m’avaient clairement dit que c’était une place de N°3 avec une éventuelle progression si tout se passait bien. J’ai eu la chance de faire les trois quarts de la saison sur le banc comme N°2 car, malheureusement pour lui, Thomas Didillon avait été victime d’une hernie discale. J’en ai profité pour être sur le banc. C’est vrai que je n’ai pas énormément joué, mais c’était prévu. J’ai pas mal joué avec la réserve, j’ai eu l’opportunité de faire deux matches de Coupe et une entrée en Ligue 1. Ça m’a permis de découvrir l’élite française. Malheureusement, on descend en Ligue 2. Le club avait pour objectif de remonter la saison suivante et je ne faisais pas partie de leurs plans. C’est un choix de club. Une fois de plus, ça a été un mal pour un bien.
« En terme de jeu, il n’y a pas photo par rapport au début de saison, mais on continue de perdre sur des faits de jeu.»
En effet, tu pars au Portugal à Aves. Comment ça s’est fait ?
C’est grâce à mon sponsor gants, NGA Soccer. J’ai privilégié un petit sponsor familial plutôt qu’une grande marque, et lorsque je leur ai annoncé que Metz ne voulait pas me garder, ils ont contacté un agent portugais qui pouvait m’aider. Ça n’a pas été facile pour lui car je sortais d’une saison quasiment blanche. Il a réussi à convaincre le C.D. Aves de me prendre car je pense avoir des qualités pour jouer en première division. J’étais vraiment heureux de signer là-bas, j’ai fait une superbe saison et grâce à ça, j’ai réussi à prolonger un an de plus. Je ne remercierai jamais assez mon sponsor. Sans eux, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui…
Tu connaissais un peu le foot portugais avant d’arriver là-bas ?
Franchement, à part les gros clubs comme Benfica, Porto, le Sporting, Braga et Guimarães, je ne connaissais pas grand-chose (sourire). Je suis un peu parti dans l’inconnu. Quand j’ai signé à Aves, je savais qu’ils venaient de gagner la Coupe du Portugal. On avait un match très important en Supercoupe contre Porto. ça m’a mis dans le bain direct. Je me suis très bien adapté là-bas et je ne regrette pas du tout mon choix.
Tu t’es fait remarquer cette saison avec un énorme match contre Benfica à l’Estádio da Luz (9 arrêts)…
Je pense que c’est l’un de mes meilleurs matches. J’ai eu beaucoup de réussite. Mais l’objectif en tant que gardien de but, c’est de ramener des points à l’équipe. Ça n’a pas été mon cas malgré mon match (défaite 2-1). C’est le point négatif : tu fais un gros match mais tu ne ramènes pas de point. C’est toujours décevant. Après, ça te ramène pas mal de confiance, ce qui peut manquer à l’équipe en ce moment. On est derniers du championnat avec des résultats qui ne reflètent ni l’état d’esprit, ni le niveau de l’équipe. Si ça peut nous ramener de la confiance pour faire une deuxième grosse partie de saison… Mais c’est vrai que c’est l’un des meilleurs matches de ma carrière professionnelle.
Formé au Mans, @QBeunardeau a été incroyable malgré la défaite d’Aves (1-2) hier à Benfica.
Une dizaine d’arrêts pour maintenir son équipe en vie. Et il joue pourtant chez… la pire défense et lanterne rouge de Liga Nos. https://t.co/MMKt5HLn9I
— Sébastien Ferreira (@sebferreira23) January 11, 2020
Les résultats de cette saison (dernier de Liga Nos avec 9 points en 17 matches) sont surtout dus à un manque de confiance ?
On a vécu un début de championnat très, très compliqué. On a changé quasiment toute l’équipe cet été. Renouveler une équipe n’est jamais simple. On a mis du temps à se connaître sur le terrain. À force de perdre, tu perds de la confiance. Tu fais des conneries et la moindre erreur se paie cash. On a changé de coach il y a 6-7 journées. En terme de jeu, il n’y a pas photo par rapport au début de saison, mais on continue de perdre sur des faits de jeu. C’est une spirale négative dans laquelle on se trouve actuellement et dont on doit sortir le plus rapidement possible.
Tu es sous contrat jusqu’en 2022, tu es dans ta deuxième saison à Aves et tu n’as jamais fait plus de 2 ans dans le même club. Tu te vois rester encore un peu à Aves ?
Dans ma tête, je suis à Aves jusqu’à la fin de mon contrat. Après, on ne sait pas de quoi est fait demain. Le football va très vite, surtout dans le championnat portugais car c’est un championnat tremplin pour les joueurs. Moi, je vais donner mon maximum pour atteindre l’objectif du club, à savoir le maintien. Ce ne sera pas simple, c’est pourquoi il faudra se donner à 200% et n’avoir la tête qu’à Aves et pas à autre chose. On verra ce qui se passera cet été.
Tu te sens bien installé ici ?
Oui, mon adaptation s’est faite assez rapidement. Avec ma femme, on parle la langue. On a une petite fille qui va naître ici, donc elle sera portugaise. Quoi qu’il arrive, je garderai le Portugal dans mon cœur. La naissance d’un enfant avec la nationalité d’un pays où tu te sens bien, tu es obligé de le garder dans ton cœur. C’est un pays qui me plaît beaucoup. Pourquoi pas, en fin de carrière ou une fois à la retraite, j’aurai peut-être des envies de revenir ici.
Crédit photo : Global Imagens / Icon Sport