Aston Villa 82, l’heure de gloire

Actuel 19e de Premier League, Aston Villa connait des heures bien difficiles. En lutte acharnée pour sauver sa peau au sein de l’élite anglaise, les « Villans » luttent d’arrache-pied pour conserver leurs lettres de noblesse. Oublié à tort, Aston Villa demeure un monument du football anglais, une place historique, qui a définitivement marqué de son empreinte l’imaginaire mondial, un soir de mai 1982. Retour sur l’ère triomphante d’Aston Villa.

Un club en quête d’un second souffle :

Le début de la professionnalisation du football outre-manche sourit au club fondé en 1874. Situé à Birmingham, le club d’Aston Villa ne mit que très peu de temps à se faire un nom parmi ses pairs. En effet, les « Villans » firent office de véritable mastodonte sur la scène nationale jusqu’à la première guerre mondiale, en s’octroyant pas moins de 6 championnats et 5 FA Cup. Une génération dorée qui a éclaboussé de son talent les pelouses du Royaume sous la houlette de George Ramsay.
Après le triomphe, vint la décadence, et Villa ne glana qu’une modeste FA Cup et 3 Coupes de la Ligue entre 1920 et 1981, en ce qui concerne les titres majeurs. Des passages en deuxième, voire en troisième division, illustrent parfaitement un club en plein doute.
Mais les « Villans », renaquirent de leurs cendres, à la fin des 70’s, qui correspondait à une époque d’anthologie pour le football anglais.

Bâtir un projet :

En 1975, Ron Saunders, l’entraîneur en poste, réussit le pari de faire remonter Aston Villa en première division.
Le retour au sein de l’élite fut complexe, en atteste une 16e et peu reluisante place en 1976. Dès la seconde saison, les protégés de Saunders s’affirmèrent et conclurent l’exercice à la 4ème place, synonyme de qualification à la Coupe UEFA. Symbole du renouveau orchestré par le technicien anglais, Aston Villa se hissa jusqu’en quart de finale de la C3, mais dût s’incliner face aux Blaugranas d’un certain Johan Cruyff sur le score de 3-4. Une performance de taille pour une cylindrée qui végétait en seconde division trois années auparavant.

Chaque saison, l’œil avisé de Saunders permit de réaliser de jolis coups sur le marché des transferts, à l’instar d’Allan Evans ou Peter White, qui allait affoler les défenses adverses. Entre 1978 et 1980, les « Villans » se stabilisèrent entre la 7e et la 8e place, signe d’un club en pleine reconstruction se basant sur un projet solide.

Retrouver son trône :

Peter White posa ses valises lors de l’été 1980, un renfort de poids en provenance de Newcastle. Très rapidement, Villa fit la loi et lutta pour le titre. Les « Villans » furent au coude à coup avec Ipswich tout au long de la saison. Saunders fit le choix de miser sur 14 joueurs uniquement. Une stratégie ô combien risquée, qui pouvait entraîner un manque de fraîcheur évident. En revanche, cela pouvait permettre de créer une véritable cohésion et renforcer les automatismes au sein du groupe. Dans cette lignée, sept joueurs disputèrent l’intégralité des matchs, preuve de la volonté du manager d’installer une politique de continuité à chaque rencontre.

Jusqu’en avril, les deux équipes « se tirèrent la bourre ». A un mois de la fin des jeux, Ipswich créait la sensation en l’emportant 1-2 au Villa Park. Une très mauvaise opération pour les coéquipiers de White, qui virent leur concurrent direct filer tout droit vers le titre. Heureusement pour eux, Ispwich s’inclina deux fois consécutivement et le rêve fut de nouveau au centre des préoccupations à Birmingham. Malgré une défaite anecdotique à Highbury lors de la dernière journée, les « Villans » purent exulter. Le titre revint enfin à la maison après plus de 71 ans d’abstinence.

Un succès dont le mérite revenait principalement à Saunders, visionnaire, qui avait ravivé un mythe du football anglais en moins d’une décennie. White, recrue de Saunders, finit meilleur buteur du championnat.
Après avoir retrouvé son rang à l’échelle nationale, l’heure était venue de prendre part aux joutes européennes.

La découverte de l’Europe :

Champion signifiait qualification pour la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Liverpool, vainqueur de l’édition précédente, accompagnait les novices de Birmingham pour représenter le royaume. Car oui, en 1981, le football était littéralement dominé par les équipes d’outre-Manche. L’Europe faisait face à une réelle hégémonie des cylindrées anglaises. Entre 1977 et 1981, Liverpool à trois reprises et le Nottingham Forest de Brian Clough à deux reprises n’avaient laissé guère de répit à leurs homologues européens.

A l’aube de leur première participation à la plus prestigieuse des compétitions européennes, Aston Villa n’avait aucunement la prétention de prétendre à un tel succès, mais le football aime tant nous surprendre.

Des tensions en coulisses :

Les résultats sur la scène nationale furent très contrastés, et les « Villans » eurent un mal fou à renouveler les performances du précédent exercice. Ils finirent à une piteuse 12e place, laissant le Liverpool de Kevin Keegan reprendre sa suprématie en première division. Un des motifs de ces résultats fut les désaccords entre Saunders et la direction au sujet du recrutement. Après une saison éprouvante pour les 14 joueurs sollicités, le manager savait qu’il fallait apporter du sang neuf pour revitaliser l’équipe. Finalement, un seul joueur fut signé en la personne d’Andy Blair. La mauvaise gestion du mercato se fit inéluctablement sentir, avec l’apparition de plusieurs blessures en début de saison qui freina les ardeurs des « Villans » pour conserver leur joyau. Prenant conscience de cela, ils durent se concentrer sur une seule compétition, la plus incertaine.
En ce qui concerne l’Europe, les « Villans » furent métamorphosés.

L’Europe, comme sur des roulettes :

Pour son entrée en lice, Aston Villa ne fit qu’une bouchée du Valur Reykjavik, 7-0. Une belle entrée en matière pour Saunders et ses troupes. Mais un résultat loin d’être surprenant, puisqu’ils avaient affronté une équipe composée notamment d’un enseignant ou d’un économiste. Les 8e de finale furent une autre paire de manche et Aston Villa dut cravacher pour se défaire des griffes du BFC Dynamo, qui avaient éliminé les Verts au tour préliminaire. La règle du but à l’extérieur vint sauver Villa. Une sacrée performance pour un club qui découvrait à peine le monde impétueux de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Aston Villa semblait de plus en plus suivre les pas de Nottingham Forest, qui avait éliminé deux ans plus tôt cette même équipe en quart de finale.

Pour accéder au dernier carré, Villa devait se frotter au Dynamo Kiev. Une rencontre qui intervint en pleine zone d’ombre. Le club positionné à la 17e place et avec seulement trois points d’avance sur le premier relégable traversait une période compliquée en ce début d’année 1982. Le moral n’était pas au beau fixe et l’avantage de jouer face à une équipe en manque de rythme passait au second plan. Un mois avant de défier les Ukrainiens, la crise fut à son paroxysme avec la démission de Saunders : « Si je suis employé pour diriger un club de football, je ne suis pas un garçon de bureau » déclarait-t-il après s’être brouillé avec l’actionnaire principal Ron Bendall. Un désaccord au sujet d’un contrat serait la principale cause de cette séparation.
A la mi-saison, Villa était donc mal embarqué. Le club luttait pour le maintien, et devait poursuivre la saison sans son chef d’orchestre. Le remplacement allait être crucial. Il le fut.

Barton, l’homme pour remplacer Saunders :

Tony Barton prit la succession de Saunders. Inconnu du grand public, Barton était le chef du recrutement d’Aston Villa. Il était l’homme qui avait repéré la moitié de l’équipe championne de première division. Un inconnu pour le grand public, mais un fin connaisseur pour le club. Ironie du sort, sa première victoire sur le banc des « Villans » fut face à l’ennemi juré, Birmingham City, où un certain manager venait d’arriver, Saunders.
Barton fit des choix forts, en faisant confiance aux 11 sacrés et les résultats suivirent instantanément. Le club abordait ainsi le quart de finale en toute sérénité et l’emportait 2-0 sur l’ensemble des deux matches.
A une marche de la finale, les « Villans » avaient la lourde tâche d’éliminer Anderlecht. Barton et ses joueurs firent la différence au match aller, grâce à un but de Tony Morlet, et l’emportèrent sur la plus petite des marges, 1-0. Le retour se solda sur un 0-0. Malgré une demande de rejouer ou de disqualifier Villa en raison du mauvais comportement de ses supporters, Villa accéda à la finale.

Aston Villa, 17e en février, en pleine crise, couplé à la démission de son manager vedette, était finaliste en Coupe d’Europe deux mois plus tard.

Le moment d’entrer dans la légende :

Pour monter sur le toit de l’Europe, la mission était claire. Vaincre l’ogre bavarois. Une équipe emmenée notamment par Rummenigge, Paul Breitner ou encore Dieter Hoenels, meilleur buteur de cette édition.
La finale prit place à Feyenoord, un 26 mai. Le moment d’entrer dans une autre dimension et de marquer le cœur de plusieurs générations. L’heure d’entrer dans la légende. Le rapport de force était déséquilibré, mais les derniers exploits de Forest pouvaient donner des idées. Sur un match, tout est possible.
Donnée parfaitement enregistrée. Une nouvelle fois solide défensivement, l’arrière garde tenait bon avec notamment Nigel Spink. Inconnu au bataillon, ce gardien de réserve a joué un rôle important ce soir-là. Le titulaire au poste, Rimmer, sortit au bout de 9 minutes en raison d’une blessure. Nigel Spink n’avait joué jusque-là qu’une seule fois en équipe première, en 1979. Il se mit très vite au diapason et livra une partie de haute volée. Une prestation qui ne surprit pas le principal intéressé : « Je n’étais pas surpris de jouer si bien, parce que j’avais joué comme ça toute la saison avec la réserve. » En seconde mi-temps, qui d’autres que White pour débloquer la situation peu après l’heure de jeu. Un but à jamais dans l’histoire, présent sur une banderole du club avec les commentaires de Brian Moore : « Shaw, Williams se prépare à s’aventurer sur la gauche. Il y a un bon ballon joué pour Tony Morley, oh ça doit être, et c’est, Peter White ! »

Les « Villans » tenaient leur exploit au creux de leurs mains. Tout un peuple était prêt à exalter et vivre ce moment de liesse. Coup de sifflet final, Aston Villa était champion d’Europe. Pour la 6e fois d’affilée, les Anglais asseyaient leur domination sur le football européen.
L’année suivante, ils s’offrirent le luxe de venir à bout du Barça en Supercoupe d’Europe. Une histoire qui rappelle étrangement celle de Nottingham Forest. Victoire 3-1 sur l’ensemble des deux matchs et un titre supplémentaire dans les armoires du club.

Le déclin d’un monument :

Peu à peu, le club se mit à rentrer dans le rang. Une élimination en quart de C1 face à la Juventus en 1983 et des résultats de plus en plus décevants en championnat jusqu’à la relégation en 1987. Entre-temps, Barton avait plié bagage en 1984. Le club peine à retrouver son statut, mais son histoire, elle, demeure à jamais dans les mémoires.

Aston Villa, 5e club le plus titré d’Angleterre et un des cinq clubs anglais à avoir dompté la Coupe d’Europe des Clubs Champions a laissé une trace indélébile dans le football anglais. Monument en quête de renouveau, le club a déjà connu de longues périodes de disette avant de savourer ses succès. Peut-être traverse-t-il une nouvelle période de disette avant de retrouver les sommets ?

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Sinon, c'est si cool que ça d’être champions ?