En Italie, le dernier single du rappeur sicilien Rico Mendossa a fait une entrée remarquée sur les plateformes de streaming. Le MC installé depuis des années à Turin clame son admiration sans bornes pour « Franck », nom dudit single. Une dédicace explicite à Franck Ribéry qui a accepté de figurer dans le clip de l’artiste. Discuter avec son réalisateur, Mattia di Matera, permet de comprendre comment l’ancienne gloire du Bayern Munich s’est construit un charisme à la hauteur de son talent en Italie, à des années-lumière des clichés véhiculés à son égard en France.
Ultimo Diez : Dis-nous tout, comment t’es-tu retrouvé en face de Franck Ribéry pour tourner ce clip ?
Mattia di Matera : Tout s’est passé en quelques semaines. En tant que vidéaste et photographe, je connais Rico Mendossa depuis des années. Il m’a confié via une agence la réalisation de plusieurs clips de ses nouveaux sons. On a clippé ensemble un premier single en juin, puis « Franck » est arrivé dans la foulée. On avait plusieurs idées, mais ce qui est sortie d’entrée de jeu, c’était la volonté de produire quelque chose liée à la rue. Notre rue, celle que l’on côtoie tous les jours.
Comment s’est déroulée la rencontre entre Rico Mendossa et Franck Ribéry ?
Super bien. Surtout parce que Franck est un homme de grand respect. L’homme et le champion sont vraiment des personnalités fantastiques. Sincèrement, on n’avait même pas prévu de l’intégrer à ce clip. À la base, on faisait un dîner classique entre amis, sans photo, vidéo, réseaux sociaux. Franck était emballé par le nouveau son que Rico lui dédicaçait, alors on s’est dit : « allez, pourquoi pas faire quelques plans ».
Vous êtes donc partis en improvisation totale ?
C’est ça. Même si malgré tout, je suis toujours prêt à ce genre de « surprise ». C’est mon métier. L’idée de ne pas s’être dit « on tourne ici », puis ensuite « on fait un plan au resto, un autre là-bas en centre-ville », ça me plaît. Ça a donné un résultat plus naturel. Ribéry avec une bande d’amis sans mises en scène exagérées.
L’amitié entre Rico Mendossa et Ribéry, c’est donc du vrai ?
Ils se sont rencontrés il y a quelques temps. Rico avait fait un son qui lui était entièrement dédié (NDRL : Rico Mendossa & Poly – Ribéry). Ribéry a apprécié et lui a écrit. Ils se sont rencontrés dans la foulée et sont devenus amis.
Tu insistes sur le fait que ce son n’est pas un hommage à Ribéry, pourtant le refrain est centré musicalement autour de son nom…
La référence est explicite, mais le fond du texte ne se limite pas à ça. Rico parle avant tout de la rue, ses vices et ses fortunes. Ribéry intervient comme point de ralliement à ces thématiques.
«Franck parle tranquillement 4-5 langues. Une de plus, une de moins, ça ne lui pose aucun problème»
Côté réalisateur, comment fait-on pour mettre à l’aise une légende du foot dans un clip de rap ?
Je l’ai traité comme une personne normale. Honnêtement que ce soit Franck Ribéry ou un gars que je croise dans la rue, je fais la même chose. On se présente cordialement, on se met d’accord sur ce que je vais enregistrer, et puis on se lance. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas d’émotion, attention. Au fond, je pense que c’était exactement la manière dont Franck s’attendait à être traité. Toute la soirée à Florence s’est faite dans cet esprit. Le restaurant, c’était loin d’être un cinq étoiles. On a parlé famille, de nos enfants comme des bons amis. Je suis quelqu’un de terre-à terre et je pense que ça a rendu les choses plus faciles.
D’ailleurs, il en est où niveau italien ?
Il se débrouille bien. De toute façon Franck, c’est un mec qui a la tête bien faite. En plus d’avoir les pieds. Il parle tranquillement 4-5 langues. Une de plus, une de moins, ça ne lui pose aucun problème.
Sur ton Instagram, tu écris que tu as passé 13 jours en cumulé sur ce projet, tu es satisfait du résultat au moins ?
J’ai donné le maximum, et je pense que quelqu’un qui donne le maximum ne peut qu’être satisfait de son boulot peu importe les chiffres, les critiques ou les louanges.
Il y a eu pas mal de buzz autour du clip. Lors du dernier match de la Fiorentina (NDLR : AS Rome – Fiorentina, 2-1), un commentateur français a même invité le public à aller le visionner, tu t’attendais à un tel engouement ?
Plutôt oui. Je connais la valeur des gens avec qui je travaille. Tout a été planifié pour mettre en valeur le projet. Le son avait déjà été annoncé avant sa sortie officielle, mais c’est sûr qu’avec Franck à l’image, on a eu une belle visibilité.
D’un point de vue artistique, pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?
C’est un choix qui vient de Rico Mendossa, lui-même. Il avait vraiment cette envie de retour aux origines, de retour à la rue. Pour lui, tu peux avoir Franck dans le clip, ce sont les racines et l’authenticité qui priment. Le choix du noir et blanc, c’est un prolongement de cette idée. On a voulu rendre plus sombre, plus grunge, le récit avec des scènes quotidiennes qui ne trichent pas avec la réalité. Tous les gars qui apparaissent à l’image sont des proches. Je pense que Ribéry s’est identifié à ça lui aussi. Et même, je dirais qu’il a vu en Rico, une personne qu’il a été mais dans un autre univers.
C’est-à-dire ?
Franck sait d’où il vient et ce qu’il a traversé pour arriver où il est aujourd’hui. Il est très reconnaissant envers ceux qui l’ont soutenu depuis le début. Il a un sens inné de la famille, c’est quelque chose qui plaît en Italie. Les gens se retrouvent en lui parce qu’il a aussi cette simplicité.
Justement cette « simplicité » lui apporte aussi beaucoup de moqueries en France, comment expliques-tu qu’en Italie il fasse autant l’unanimité ?
Encore une fois parce que les gens approuvent l’authenticité et puis c’est quand même une légende du foot, non ? Les gens sont reconnaissants qu’un type comme lui vienne jouer chez nous. En Italie, on classe généralement nos meilleurs joueurs en deux catégories, ceux qui plaisent parce qu’ils sont naturellement doués et ceux qui suscitent la passion. Ribéry par son passé et sa classe est arrivé directement dans la deuxième catégorie.
En responsable artistique, tu penses quoi de son style ?
Je dirai qu’il a les codes de la rue et qu’il les utilise d’une manière qui le rend classe, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Ribéry a déjà participé à 3 clips français (NDLR : La Mala – Gradur, Les Cités D’Or – Psy 4 De La Rime et Même pas fatigué – Magic system), l’idée de le mettre en scène les mots à la bouche ne vous est jamais venue ?
Non ce n’était pas du tout le message de ce morceau. Encore une fois, l’idée était de le faire apparaître, comme l’un des nôtres, ce qu’il est. Rapper ? ça n’est absolument pas lui. D’ailleurs, quand on a discuté un peu des séquences, il m’a dit : « Moi je suis footballeur, pas rappeur. J’adore le rap, mais ma vie c’est le foot et ma famille pendant mon temps libre. »
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Un petit détail, mais quand même, dans le clip on voit des maillots du Bayern, un maillot du Real, mais rien de la Fiorentina. Petit parti pris, non ?
Le maillot du Bayern Munich, c’est Rico Mendossa qui l’avait sous la main. Sur la première partie du clip où Franck n’est pas, les gars entretiennent quelques rivalités footballistiques mais il n’y a pas de parti pris. Comme je l’ai expliqué, on a tourné vraiment au naturel. Les gars étaient habillés comme ça le jour J et on a gardé. Il n’y a aucune histoire avec la Fiorentina et puis on ne voulait pas se faire de la publicité sur le dos d’un club ou de quelqu’un.
Dernière question, si tu devais collaborer avec un autre footballeur, ça serait qui ?
Elle me plaît bien cette question (il hésite)… Déjà quelqu’un que j’aurais pris le temps de connaître et pas juste un nom. Ensuite, je dirais quelqu’un qui a connu la rue, ça me parle davantage. Comme ça d’instinct, je dirais Ibra. Ce serait fou. En tout cas pour moi le plus important, c’est le projet, pas le nom d’un tel ou untel.
Crédit : Youtube