Il était une fois… le FC Metz et la remontada

Quand ils étaient enfants, mes camarades de classe avaient droit à des histoires de princesses et de chevaliers en allant se coucher. Pas moi. Et tant mieux ! Quand j’étais enfant, mon père, grenat pure souche, me racontait une histoire bien plus passionnante. L’histoire de onze petits poucets qui avaient renversé un ogre. Avant de m’endormir sous ma couette ornée de ballons de football, il me parlait d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. 

Notre récit commence le 11 mai 1984. En proie à des difficultés financières, le FC Metz réalise un formidable exploit. Face à Monaco en finale de Coupe de France, les Lorrains s’imposent 2-0 en prolongations. Le club remporte là son premier trophée (le deuxième en comptant celui de Division 2 acquis en… 1935). Emmenés par Kurbos et Hinschberger, les Grenats connaissent leurs premières heures de gloire. Cette victoire les qualifie par la même occasion pour la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe (C2). Et c’est là que l’histoire devient intéressante. 

Metz et la réalité de l’Europe

Le 19 septembre suivant, les Messins entament leur campagne européenne. La troisième de l’histoire du club. Pour débuter de la meilleure des manières, un adversaire et pas des moindres. Le FC Barcelone ! Certes, les Blaugranas ne possèdent pas encore le palmarès qu’on leur connaît aujourd’hui. Cependant, le club espagnol est déjà un cador du football européen, vainqueur de cette même C2 deux ans auparavant. Sans surprise, l’équipe de Terry Venables est favorite. Tous s’accordent à dire que le petit Graoully se fera dévorer tout cru. 

Ils ne s’y trompent pas, le premier acte est un véritable cauchemar pour les Grenats. Si le score est d’un partout à la pause, le Barca déroule en seconde période. Le FC Metz est alors surclassé dans tous les compartiments du jeu. Vingt minutes et trois buts plus tard, le public de Saint-Symphorien est abattu. Quatre à un, la marche était définitivement trop haute. Un but de Jean-Philippe Rohr cinq minutes avant le terme vient rendre la copie messine un peu moins pâle. Score final du match aller : 4-2.  

Mais tous les récits glorieux débutent de la sorte. Nos héros sont au plus mal. Chuter pour mieux se relever. C’est comme ça que se déroulent les contes de fées. Si mon père ne s’attardait pas trop sur ce premier acte, c’était pour mieux me laisser savourer le second.  

Rira bien qui rira le dernier

Pourtant, personne ne semble y croire. Remonter deux buts au FC Barcelone quand on est le FC Metz ? Au Camp Nou ? Mission impossible. Même les joueurs messins arrivent en Catalogne sans trop de prétentions. Ils avoueront avoir profité de leur séjour à Barcelone pour faire du tourisme. L’intérêt pour cette rencontre n’est finalement que très faible. La presse française n’a que faire de ce match qui n’est même pas retransmis à la télé. Les supporters grenats qui n’ont (bien évidemment) pas fait le déplacement sont obligés de suivre la rencontre à la radio. Le Camp Nou, lui, est aux trois quarts vide. 

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C’est donc le mercredi 3 octobre 1984 que démarre ce match anecdotique. Les trente premières minutes de jeu vont dans le même sens que le match aller. Cependant, les locaux ratent de nombreuses occasions. Peu commun pour une équipe de ce niveau qui aurait tout intérêt à se mettre à l’abri. La domination barcelonaise est concrétisée par l’ouverture du score de Lobo Carrasco peu après la demi-heure. Les joueurs espagnols qui se voyaient déjà qualifiés avant la rencontre fanfaronnent sur le terrain. Du côté messin, on n’apprécie pas trop. Piqués au vif, ils ne se font pas prier pour réagir. 

Cinq minutes plus tard, Tony Kurbos égalise. Dans la foulée, un but casquette de Sanchez contre son camp permet à Metz de prendre l’avantage. L’honneur est sauf mais il reste encore deux buts à marquer. Personne n’ose y croire. Au Camp Nou cependant, les joueurs sentent le vent tourner. Ce sentiment particulier quand on sent que la chance est passée de notre côté. Le Graoully, en un claquement de doigt, s’est transformé en dragon.      

Tony Kurboss

Au retour des vestiaires, le match prend une autre tournure. À la 55ème minute, Tony Kurbos enfile sa cape de superhéros et inscrit son deuxième but. Lancé dans le dos de la défense, il élimine le gardien d’un grand pont pour conclure dans le but vide. Metz n’est plus qu’à un but de l’exploit. Mais plus le match approche de son terme, plus le but salvateur des visiteurs s’éloigne. Les quelques spectateurs présents au stade commencent déjà à s’en aller. 

Derrière leur poste de radio, les supporters messins n’en peuvent plus. Ils pensent même voir leur vie s’arrêter quand Michel Ettorre sauve les siens d’un second but barcelonais. Cette parade s’avère décisive puisque, quelques minutes plus tard, impossible n’est plus messin. Dans une défense apathique, Tony Kurbos se retrouve face au but ballon au pied. Malgré deux défenseurs sur la ligne, le moustachu envoie un missile sous la barre et délivre les siens cinq minutes avant le coup de sifflet final. Lui qui avait offert la Coupe de France quelques mois auparavant permet au club de vivre avec cet exploit son plus beau moment de gloire. Metz que un club

L’aventure messine se poursuivra face au Dynamo Dresde. Pas de miracle cette fois-ci, le FC Metz s’incline 3-1 sur l’ensemble des deux matchs. Tant pis. On se rappellera seulement cette fantastique remontée à l’encontre de tous les pronostics. Un parfait remix de David contre Goliath. 

L’histoire se termine ainsi. Exploit aujourd’hui méconnu pour la plupart, il a néanmoins bercé mon enfance. Une fois la lumière éteinte, je me prenais à rêver de cette remontada avant l’heure. Dans la cour de l’école le lendemain, alors que mes amis se la jouaient Ronaldo et Messi (déjà), je devenais Tony Kurbos. La moustache en moins.

Photo credits : Collection Bancet / Icon Sport

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