Sandro Tonali : De dossier de l’année à grand oublié du mercato

Il y a encore quelques mois, son nom circulait partout dans les couloirs des cellules de recrutement des plus grands clubs européens. Mais finalement, la clameur s’est presque partout éteinte durant la période où le football ne faisait plus de bruit dans les stades. Prochainement, Sandro Tonali devrait donc à la surprise générale être présenté comme un nouveau joueur de l’AC Milan. Mais comment diable n’a-t-il pas atterri chez un club d’un plus gros calibre cet été ?

C’est un cap ! Que dis-je, c’est une péninsule !

C’est une drôle d’année qu’a vécu le phénomène de Brescia cette saison. Véritablement révélé lors du précédent exercice alors que la Lionne n’évolue qu’en Serie B, s’ouvrant par la même les portes des rassemblements internationaux sans avoir connu l’élite, l’héritier présumé du poste de regista en Italie était attendu face au mur de difficulté qui se présentait avec la montée en Serie A.

Le « nouveau Pirlo », ou plutôt « un genre de Gattuso un peu plus technique » comme il préfère qu’on le décrive, aura tenu son rang malgré la déroute totale de son club au long de la saison. Un effectif bien trop faible, un plan de jeu bancal poussant le joueur à multiplier les efforts pour exister un minimum et trois changements de coach en trois mois (Corini, Grosso, Corini à nouveau, Diego Lopez). Le tableau ne laissait guère de place au suspens quant au sort réservé aux Rondinelle à l’issue de la 38e journée.

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Malgré cela, Tonali aura continué de montrer ses qualité individuelles. Techniques, lui permettant de se mettre en valeur à travers quelques fulgurances toujours impressionnantes face à n’importe quel adversaire ou de signer 7 passes décisives pour faire bonne mesure, mais aussi tactiques et physiques. Ces deux derniers points auront permis de mesurer toute la maturité du garçon au passage de ce premier pallier, ainsi que sa capacité d’adaptation, poussant Roberto Mancini a lui offrir ses premières capes avec la Nazionale.

Par ailleurs, le gratin européen fait son constat: le joueur est prêt à aller voir plus haut, et la redescente programmée de Brescia devrait calmer les ardeurs du sulfureux président Massimo Cellino, ou ses envies d’un chèque de 60 millions d’euros. FC Barcelone, Atletico de Madrid, Manchester City, Manchester United, PSG… Tous décrochent leur téléphone. Problème: Tonali décide que les seuls appels qu’il prendra viendront d’Italie. Dès janvier, la liste des prétendants est donc drastiquement réduite.

Juventus : Premier classé, premier servi ?

Janvier, c’est aussi le moment du retour de trêve. La Vieille Dame ne convainc pas vraiment mais a déjà assommé l’Inter à San Siro quelques semaines auparavant. L’Inter, principal concurrent pour la signature du n°4 Lombard, sorti par la petite porte de la Ligue des Champions et où l’ambiance entre Conte et ses dirigeants se tend déjà. Pour les deux autres clubs positionnés, la concurrence est trop rude. La Fiorentina par manque de moyens, le Milan en raison de sa crise annuelle à laquelle il s’est habitué depuis presque dix ans.

Rien n’est encore joué cette saison mais la Juve se pose encore une fois en maître des enjeux nationaux. Elle ne brille pas, mais a déjà entamé son projet de refonte en terme de politique sportive et de philosophie de jeu. En clair, elle donne l’impression de continuer sa domination au moment où elle est finalement la plus prenable. Chose qui pèse lourd face à la concurrence pour convaincre le milieu italien. Les médias transalpins sont unanimes, à ce moment-là, Tonali est entre les mains des bianconeri. Puis, au fil des matchs, les interrogations sur la planification sportive fleurissent. Puis vient le stop, la période COVID, et la fin de saison calamiteuse de la Juve malgré le titre. Maurizio Sarri est viré, la légitimité de Fabio Paratici a du plomb dans l’aile, et Andrea Pirlo arrive avec des idées alignées sur celles de la direction.

Du point de vue de la métamorphose footballistique et de l’émergence des talents de demain, le projet ne change pas totalement mais doit subir quelques modifications, pour ne pas subir d’accroc après l’avertissement de cette saison. Recruter jeune oui, mais plus forcément dans l’immédiat. A plusieurs postes, et notamment au milieu, la Juve a besoin de certitudes ou a minima de joueurs dont le profil correspond à 100% aux idées de Pirlo. Son jeune sosie ne remplissant vraisemblablement ces critères, l’idée déjà mise en attente devant le constat d’un besoin de certitudes à court terme est carrément abandonnée. Pendant cette fin de championnat où la Vieille Dame se torture l’esprit devant les prestations miteuses de son équipe, l’Inter en profite pour prendre la main.

Inter : Une seule chose Conte

La voie royale. Aucune concurrence restante sur le dossier. Alors qu’ils terminent tranquillement leur championnat en respectant la distance sociale avec la Juve, les nerazzurri peuvent s’appliquer à anticiper leur mercato avec une dynamique plutôt positive. Malgré plusieurs soufflantes habituelles d’Antonio Conte en cours de saison, tout se passe bien, du moins jusqu’au moment de dire définitivement adieu au scudetto à Bologne.

L’Inter est repris en supériorité numérique et abandonne le titre. Début du show estival de l’ex Juventino. Plus d’une heure passée dans le vestiaire enfermé avec ses joueurs et le directeur sportif, le début d’une série de sorties médiatiques de plus d’un mois où le Mister passe le club et la direction au lance-flamme. Alors que Tonali est dans la poche, on commence à se demander sérieusement de quoi sera fait demain pour le Biscione.

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C’est au terme d’une réunion au sommet du club, le 25 août dernier, que la nouvelle tombe. Antonio Conte va -très étonnamment- rester une saison de plus. Une décision ubuesque tant le tacticien italien semblait avoir suivi l’agenda de communication parfait pour être débarqué avec un gros chèque. Le président Steven Zhang décide de s’accommoder des déclarations dont il a fait l’objet et donne à Conte le pouvoir de décider du mercato. Vient alors ce qui devait arriver. Exit les pistes d’avenir et les premières bases d’un projet sportif. Antonio Conte n’a qu’un seul objectif, tenter de battre la Juventus cette année avant de quitter le navire. Seules sont bienvenues les recrues expérimentées, déjà prêtes à évoluer dans l’immuable 3-5-2.

Tonali ne viendra pas, l’Inter négocie pour s’offrir Arturo Vidal. Peu importe son niveau en berne, peu importe son salaire, peu importe le peu d’années de très haut niveau lui restant, peu importent les scudetti de la Juve tatoués sur son biceps. Vidal connaît le système, donc Conte exige sa venue ; jetant à la poubelle un transfert à l’image ô combien importante pour le groupe chinois Suning, à la tête du club, qui avait même déjà vendu la mèche sur sa chaîne de télévision.

Finalement le Milan, pour combien de temps ?

Il aura fallu attendre septembre pour voir le dénouement d’un feuilleton entamé de façon officielle il y a un an. Devant l’abandon de la Juve et la mise de côté de l’Inter, c’est l’AC Milan qui en profite pour transmettre une offre et rafler la mise. A moins de deux semaines de la reprise de la Serie A, Tonali ne veut plus attendre. Le regista rejoint le Diavolo de son coeur, qu’il admire depuis tout petit. Une étape intéressante pour le joueur dans un club jouant l’Europa League, où l’exigence imposée par un Zlatan Ibrahimovic dans le vestiaire est souvent bénéfique pour les jeunes joueurs désireux de progresser.

Malgré l’émerveillement suscité du côté de Milan, il subsiste des zones d’ombre poussant à s’interroger sur les conséquences de ce transfert pour le joueur. Le club est, pour rappel, depuis peu détenu par le fonds d’investissement américain Eliott, dont la politique est toujours de recruter jeune et revendre à court ou moyen terme ses joueurs, contre de belles sommes. Ce projet aurait dû prendre un tournant cette année avec l’arrivée de Ralf Rangnick. Pressenti pour être responsable du terrain et de la gestion sportive, il aurait eu toutes les cartes en main pour appliquer un modèle qu’il a connu du côté de Leipzig : faire progresser rapidement un joueur comme Tonali avant de le laisser partir vers d’autres cieux.

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Il n’en a rien été, puisque Stefano Pioli a finalement été prolongé sur le banc du Milan, suite à une série de victoires intervenue dans le contexte sans pareil de la Serie A du coronavirus. Sans doute un nouveau coche de raté pour l’AC Milan dans l’optique de réinstaller une ligne directrice claire, qui place donc la responsabilité d’une politique de long terme faite de cycles de moyen terme, entre les mains d’un entraîneur n’ayant jamais fait plus de deux saisons dans un club depuis le début de sa carrière en 2003.

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Pioli aura-t-il donc les clés pour permettre au Brescian d’exploser totalement avant de devoir passer la main ? Car oui, si vous en doutiez, Tonali ne devrait pas faire exception à la politique de trading malgré son image de grand talent italien qui fait le bonheur des rossoneri. Si le tarif de 35 millions d’euros bonus compris semble plutôt faible comparé aux demandes initiales de Cellino, même en prenant en compte le contexte économique lié au coronavirus, c’est parce que Brescia touchera un pourcentage à la revente prochaine du joueur. Le genre de clause que l’on inclut pas si l’objectif du nouveau club du joueur était d’en faire une figure de proue éternelle.

Si les intentions des clubs à son égard auront beaucoup évolué au fil des mois, Tonali suit sa ligne directrice. Rester en Italie, tenter de légitimer la place que Mancini lui a donné en sélection en vue de l’Euro et continuer de franchir des paliers. Son évolution sera néanmoins fortement conditionnée par celle du Milan, laquelle interroge encore énormément.

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