[Interview] Nicolas Plestan : « Avec le LOSC, on pouvait battre n’importe quelle équipe. Même Milan »

Le 6 décembre 2006, le LOSC battait le Milan AC chez lui (0-2). Un exploit, un vrai. Ce succès faisait du club lillois la première équipe française à venir s’imposer à San Siro face à Milan. Lille obtient alors par la même occasion sa première qualification pour les phases à éliminations directes de la Ligue des champions. Près de 14 ans plus tard, le LOSC se déplace à nouveau chez les Milanais. Pas le même contexte, pas les mêmes équipes, pas la même compétition et, malheureusement, pas la même ambiance. Qu’importe, cette affiche est l’occasion de revenir sur une formidable soirée européenne vécue par les Dogues. Nicolas Plestan a joué au LOSC entre 2003 et 2010 et était titulaire en défense ce soir là. Il a creusé dans sa mémoire afin de revenir avec nous sur cette nuit étoilée. Souvenirs.

Ultimo Diez : Vous aviez obtenu le match nul (0-0) contre ce même Milan au match aller. Ce résultat vous a-t-il donné confiance au moment d’aborder le retour ? 

Nicolas Plestan :  Effectivement à l’aller on avait déjà fait un gros match collectif. On avait été dominé mais tout le monde avait bien défendu. On avait été costaud, solidaire et on était parvenu à les mettre également en danger. Donc oui, on avait fait un gros match contre l’équipe type de Milan à l’aller. Pour le retour c’est une motivation. C’était le dernier match de poule et il fallait gagner chez eux. Aucun club français ne l’avait encore réalisé. Et ça n’a peut-être pas été fait depuis.

« On ne doutait pas de nous »

Comment on se prépare pour une telle rencontre ?

Avant le retour, on avait un match à Nancy le week-end et de là on était parti directement à Milan. On était dans une bulle entre nous pendant quelques jours. En gagnant 3-1, on s’était préparé de la meilleure des manières. On était en pleine confiance avec cette victoire car on était également troisième en championnat. On est arrivé sans se prendre la tête, sans se mettre la pression. Concentré mais relax. On ne doutait jamais de nous. Ce qui faisait notre force, c’est qu’on savait qu’on pouvait battre n’importe quelle équipe. Même Milan.

Les Milanais savaient déjà qu’ils termineraient en tête de la poule et ils n’étaient pas en forme en championnat (15e de Serie A au moment du match, ndlr.). Ancelotti n’a donc pas aligné son équipe type. Est-ce que cela change quelque chose dans votre préparation ? Le match a été plus facile sans tous ces grands noms ? 

Absolument pas. Même si ce n’était pas l’équipe type, beaucoup d’équipes du championnat de France auraient rêvé d’avoir ces joueurs. En plus, on avait déjà fait match nul contre la très grosse équipe, avec beaucoup de champions du monde. Cette même équipe qui allait être championne d’Europe. Ils ont décidé de faire un peu tourner, mais dans ces effectifs même les remplaçants sont de grande qualité. Ils ont envie de le prouver quand ils ont du temps de jeu.

Quelles sensations ressent-on quand on arrive à Milan, dans ce stade et face à cette équipe ? 

C’est difficile à expliquer, c’est San Siro ! C’est un stade avec une atmosphère tellement spéciale. Tellement de chose se sont passées ici, pour deux clubs différents qui plus est. C’était un moment vraiment particulier pour nos carrières. En plus on était jeune pour la plupart.

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Quels souvenirs as-tu de ta performance ? Et du match en lui même ? 

Ah, j’avais fait un très gros match. Ça c’est sur. On leur a montré d’entrée que ça allait être difficile pour eux de gagner et ensuite de ne pas perdre. On prenait petit à petit confiance face à cette belle équipe. Il restait tout de même des beaux noms. Inzaghi et Borriello en attaque, ou encore Pirlo. On avait beaucoup de respect pour eux mais il fallait gagner pour se qualifier. C’est ce qu’on a fait, on était plus fort sur ce match là. On a été efficace. Toute l’équipe a joué sa partition parfaitement.

Nicolas Plestan à la lutte avec Kaka

Nicolas Plestan à la lutte avec Kaka

« Je n’échangerais pas un match de Ligue des champions contre vingt matchs de Ligue 1 »

Quel sentiment ressent-on à la fin du match, quand on bat le Milan AC ? 

C’était une grande joie mais pas particulièrement pour le fait d’avoir battu cette équipe. On ne l’a pas ressenti immédiatement comme un exploit. C’était surtout d’avoir la possibilité de continuer la compétition, de jouer deux matches en plus, même sans connaître l’adversaire à ce moment. Quand on est joueur de football, jouer des grands matchs, c’est ça qui importe. Je n’échangerais pas un match de Ligue des champions contre vingt matches de Ligue 1. La Ligue des champions c’est un autre monde. Il y a aussi le fait que trois jours plus tard, on a déjà autre match en championnat. On est content d’avoir gagné, mais on ne rentre pas dans l’euphorie. Il faut vite basculer vers le match qui suit.

Justement, votre qualification dépend aussi du résultat de Athènes. Quand apprenez-vous votre qualification ? Vous vous souciez du résultat de l’autre match quand vous êtes sur le terrain ? 

On l’apprend quand on rentre dans le couloir entre le terrain et le vestiaire. On explose de joie à ce moment. Mais on y pense pas du tout pendant le match. On savait qu’il fallait gagner. Personnellement ça ne m’intéressait pas de savoir ce que les autres faisaient. On jouait notre match et on devait le gagner quoi qu’il arrive. Si on ne gagnait pas, on ne passait pas. Il fallait battre Milan à Milan. Au final on y est parvenu, ce n’est pas donné à tout le monde !

Comment se passe le retour à Lille avec les supporters ?

Ils étaient là ! C’était sympa, ils sont venus à l’aéroport et tout le monde était content de cette qualification historique. Ils savaient qu’ils allaient avoir droit à deux grands matches supplémentaires, même si c’était à Bollaert (l’ancien stade du LOSC n’était pas homologué par l’UEFA, ndlr.).

« On venait de battre Milan à Milan mais on nous voyait juste comme des bons joueurs de Ligue 1»

Aviez-vous de la déception du fait de ne pas jouer dans votre stade pour ces rencontres ?

Non ! Le stade était comble. On savait qu’il allait y avoir 40 000 Lillois quoi qu’il arrive. Notre stade à Villeneuve d’Ascq, il faut le dire, était moins bien. Jouer dans un vrai beau stade de football comme Bollaert, c’était exceptionnel. Pendant le match, Bollaert c’était le LOSC. Et tout le monde se régalait, même les supporters. C’était la meilleure des solutions.

Quatorze ans plus tard, on se rend compte de la dimension de cet exploit ?

Sur le moment c’est vrai qu’on ne l’avait pas vécu de cette manière, puisqu’on voulait juste continuer la compétition. Mais maintenant oui, en tout cas en tant que joueur. On n’était pas encore dans le bling bling du football à cette époque. Notre exploit n’a pas vraiment été mis en valeur. D’ailleurs à cette époque, le LOSC faisait des très belles choses, mais personne n’en parlait vraiment. Il ne fallait pas trop nous mettre dans la lumière afin que l’on reste un peu plus longtemps au club. Aujourd’hui, un mec peut faire dix bons matches en Ligue 1 et être vu comme un extraterrestre. Nous, on était juste des bons joueurs de Ligue 1. On venait de battre Milan à Milan quand même. Je préfère en rigoler !

Tu considères que c’est le plus grand exploit du LOSC ?

Pour le club en coupe d’Europe, forcément. On bat le futur champion d’Europe et c’est le match qui permet au club de se qualifier pour la première fois en huitièmes. Il n’y en a pas eu depuis. Sinon le doublé en 2011 compte beaucoup également, c’est sûr.

« Il fallait se dire qu’il était possible de passer contre Manchester »

Tu as disputé plus de 140 matches avec Lille, dont une vingtaine en coupes d’Europe. Cette victoire contre Milan est-elle ton plus beau souvenir au club ? 

Oui ! Il y a aussi mon premier match en Ligue des champions contre Benfica en 2005, même si on le perd. C’est toujours fort la première fois, surtout en LDC dans un stade magnifique. En plus, cette année là, Benfica va en quarts de finale. C’était deux moments spéciaux. Mais tous les matches de cette compétition le sont.

Après une victoire pareille, on se prend à rêver d’une longue épopée comme celle de Monaco quelques années plus tôt ?

On prenait match par match et quand on a su que c’était Manchester, on voulait passer Manchester. On était sûr que c’était possible de passer Manchester, il faut se dire que c’est possible. C’est peut-être inconscient, mais on en avait rien à faire. On voulait passer.

Cette double confrontation contre Manchester vous a-t-elle laissé des regrets ?

Bien sûr, des regrets énormes. Si on ne se fait pas truander au match aller, on doit le gagner 1-0. On fait un très gros match, on nous refuse un but pour rien. Giggs marque sur coup franc alors que l’arbitre n’a pas sifflé. Après c’est dur.  On sait qu’il faut gagner au moins 2-0 à Old Trafford. On savait que ça allait être compliqué face à une équipe qui a autant d’expérience et des très grands joueurs. (Lille perd le match retour 1-0, ndlr.)

« Être au quotidien avec des stars comme Neuer ou Raul, c’est fantastique »

Même si tu ne joues pas énormément, quelle expérience tu retiens de ton année à Schalke ?

Avant tout, quand j’arrive au club à l’été 2010, je suis directement titulaire. Je suis ensuite atteint d’une mononucléose, je ne peux pas jouer pendant trois mois. Christoph Metzelder qui était international allemand et qui arrivait alors du Real Madrid prend ma place. Derrière, j’ai galéré pour revenir. À cette époque, Schalke était une grande équipe, avec beaucoup de bons joueurs. Être au quotidien avec des stars comme Neuer, Raul, Rakitic, Huntelaar, Matip et j’en passe, c’est une expérience fantastique. Je ne retiens que du positif de cette année. On atteint même les demi-finales de la Ligue des champions. On gagne aussi la coupe d’Allemagne !

Tu continues de suivre le LOSC ? 

Bien sûr. J’ai envie de dire que c’est le club de ma vie. Je suis resté huit ans là-bas, j’ai disputé deux fois la Ligue des champions. Mes meilleurs amis sont de Lille, mes fils y sont nés. J’ai une relation spéciale avec le club, la ville, la région.

Tu trouves que le LOSC se porte bien en ce moment ? 

Le club grandit. À mon avis, ils pourront viser des huitièmes de LDC d’ici pas très longtemps. Il y a des bons joueurs, Galtier fait du bon travail. Ils ont aussi l’expérience de l’année dernière. J’ai eu un peu peur la première année Lopes. Les finances n’étaient pas bonnes, avec Bielsa ça ne s’était pas bien passé. L’arrivée de Galtier a permis de redresser et stabiliser le club.

Un petit pronostic. Selon toi, Lille peut battre un Milan en forme qui retrouve enfin le sourire après des années compliquées ?

Oui, le LOSC est capable de battre Milan. Ce n’est pas le grand Milan de l’époque. Ce n’est pas encore un club qui est capable de se battre pour le titre, à moins que la Juventus ne s’écroule. Si cette équipe était aussi forte que ça, elle serait en Ligue des Champions.

« On était une bande de potes et on donnait tout »

Tu penses que le club va organiser quelque chose avec les anciens en vue du match contre Milan ? 

Le club a changé. Ce n’est plus la même direction. Je ne sais pas si ça les intéresse vraiment de remémorer ça. Le club laisse la possibilité à l’association d’inviter des anciens lors de certains matches, je n’ai aucune idée s’ils le feront ou non pour le match contre Milan.

Pour terminer, un dernier souvenir, une anecdote sur ce fameux match à San Siro ?

Je pourrais juste rajouter que c’était un vrai plaisir. C’est difficile de raconter précisément ce genre d’émotions. Jouer dans des cathédrales du football, ce sont des souvenirs impérissables. C’était génial de pouvoir jouer contre cette équipe mythique en phase de poule. On était une bande de potes et on donnait tout, on accrochait des résultats honorables. Maintenant le LOSC doit regarder vers le futur. J’espère qu’ils s’appuieront sur ce genre de performances qu’on a pu réaliser.

Un grand merci à Nicolas Plestan de nous avoir accordé de son temps et d’avoir répondu à nos questions. Propos recueillis par Arthur Picard pour Ultimo Diez.

Crédit Photo : Icon Sport

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