Provoquant mais aussi provoqué. C’est une phrase qui pourrait résumer la genèse de cet article. L’idée de voir titulaire celui dont le nom est devenu synonyme de raillerie semble impensable pour les observateurs de l’OM. Pourtant ses performances et la méforme de Dario Benedetto nous poussent à la réflexion. Voici quelques éléments d’explications qui incitent à revoir nos copies concernant Valère Germain.
Chimère, désillusion et réalisme
La quête d’un numéro 9 efficace, à défaut d’être digne de ce nom, connaît un nouvel épisode avec l’ouverture du mercato hivernal. Pablo Longoria et l’état-major marseillais recherchent effectivement une solution à un poste toujours orphelin d’un consensus, malgré l’arrivée de Dario Benedetto il y a un an et demi. L’Argentin n’a pas confirmé les belles dispositions entrevues la saison dernière.
Irrégulier cette année, il est dans une mauvaise passe. Lui qui a souvent traîné des petits pépins physiques à Marseille semble également tributaire de son état émotionnel. De son propre aveu, Dario est un homme particulièrement attaché à sa famille qu’il a gravé à travers les nombreux tatouages présents sur son corps. Un affectif dont les performances sur le terrain semblent parfois dépendre de variables hautement émotionnelles. Une caractéristique que l’on retrouve souvent chez le joueur sud-américain. Il l’admet d’ailleurs, le football ne se consomme qu’à travers son club de cœur, Boca Juniors. «Retrouver Boca ? C’est ce que je veux le plus dans la vie», lançait-il en avril 2020 à la télé argentine.
Souvent tête baissée sur le gazon, Benedetto est de moins en moins incisif. Seulement 3 buts en 14 matches de championnat, peut-être 4 avec le but refusé contre le PSG. Le déficit n’est pas seulement lié à ses statistiques. Remarquable dans ses déplacements, ses déviations, ce n’est plus le cas cette saison. L’Argentin multiplie les erreurs techniques tout comme les choix discutables dans la zone de vérité. Un constat à relativiser en resituant ses performances dans le collectif. On ne résume pas les matches d’un buteur à ses statistiques devant les cages, mais on l’enrichit à la lumière de sa place dans l’animation offensive.
Dans le registre, il est difficile de nier l’évidence. Il n’est pas aidé par les excentrés marseillais. Dimitri Payet et Florian Thauvin ont acquis la fâcheuse tendance à jouer arrêtés. Ils rendent de facto Dario Benedetto tributaire de leur capacité à créer le décalage à partir d’une position statique. Un décalage particulièrement rare au vu du déchet important des hommes forts de l’Olympique de Marseille depuis un certain temps. L’attaquant argentin en est d’autant plus invisibilisé dans la performance des siens.
Face à la nécessité
L’incapacité des excentrés à jouer dans la course, à créer le décalage de manière régulière est un fait. Une carence importante à la création encore trop dépendante d’un coup d’éclat de ses hommes forts. Pourtant, les solutions sont limitées. L’effectif est court sur le plan quantitatif et qualitatif. Nemanja Radonjic a peut-être montré la voie face à Montpellier (3-1) en réalisant une prestation (enfin) aboutie. Un registre explosif qui a d’ailleurs permis à Benedetto de se procurer des situations très intéressantes mais non-concrétisées. Toujours est-il que le Serbe est une solution sur laquelle on peut difficilement compter tant il s’est illustré par son inconstance. La solution devra forcément s’accommoder du profil très particulier des excentrés olympiens en attendant l’arrivée d’un 9 capable d’influer véritablement dans le jeu.
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Valère Germain pourrait bien se révéler être la rustine qui comblerait le trou d’un tuyau bientôt remplacé par cette possible arrivée. Statistique étonnante : à chaque fois qu’il a frappé au but cette saison, le cuir a fini au fond des filets. Plus important encore : l’impact de l’ancien Monégasque sur l’animation offensive des siens. Toujours intelligent dans ses déplacements, il parvient, par séquences, à monopoliser l’attention des défenseurs et libérer des espaces pour des excentrés qui peinent à prendre de vitesse l’opposition. Une qualité redoutable lorsqu’elle est associée à son volume de jeu. Valère Germain agit bien souvent comme l’huile dans des engrenages marseillais bien rouillés sur le plan offensif.
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Le moindre mal
L’idée de cet article, vous l’aurez bien compris, n’est pas de présenter Valère Germain comme une solution miracle aux maux des siens. Il est nécessaire de garder à l’esprit qu’il est présent depuis 4 ans et qu’il n’a pas su se montrer indispensable dans le collectif marseillais. Sans refaire l’histoire d’un échec, il représente aujourd’hui le moindre mal au moment où Dario Benedetto n’est pas en mesure de donner satisfaction. L’effectif marseillais n’a pas le choix que de s’accommoder de ses limites et Germain représente peut-être la moins mauvaise des solutions au moment de mettre en valeur les atouts de sa formation et d’en diminuer les carences.
Une solution qui comporte d’ailleurs son lot de défauts. Sa relative incapacité à être efficace dans la surface de réparation lorsqu’il est aligné seul devant a été constatée. Lors de ses dernières entrées en jeu pourtant, Germain s’est montré décisif devant la cage et dans l’animation. Cette réalité nous pousse à considérer avec sérieux la possibilité de le voir débuter les prochains matches.
Le cas de Saïf-Eddine Khaoui mériterait également d’être étudié. Le Tunisien a l’avantage d’être polyvalent et de posséder un certain bagage technique qui fait défaut à ses concurrents au poste d’arrière gauche. Contre Montpellier, le troisième but marseillais, où il s’illustre en combinant à merveille avec Boubacar Kamara, souligne une séquence trop rarement constatée dans le jeu olympien. Une possibilité qui prend d’autant plus de poids que son concurrent au poste se nomme Yuto Nagatomo en l’absence de Jordan Amavi…
Sur le plan pratique
André Villas-Boas l’a évoqué hier en conférence de presse d’avant-match : les prestations de Pape Gueye pourraient l’amener à changer de système de jeu. L’ancien très éphémère joueur de Watford se montre indispensable par sa présence physique mais aussi par sa capacité à voir et à orienter le jeu.
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Villas-Boas a alors évoqué la possibilité de passer dans un 4-2-3-1 où Boubacar Kamara et Gueye formeraient le «2» du dispositif. La possibilité de voir Rongier évoluer plus haut semble avoir pris du plomb dans l’aile puisque le coach lusitanien a clairement indiqué que ce n’était pas sa position, en témoigne l’essai non-concluant effectué face à Rennes (1-2). Un dispositif ne reflète que la disposition des noms au moment de les coucher sur une feuille. L’importance se situe évidemment autour de l’animation. Il serait dès lors possible d’imaginer Valère Germain occuper cette position d’électron libre plus haut sur le terrain, capable de combiner dans les petits ou plus grands espaces ainsi que d’en libérer pour son compère Dario Benedetto. Un schéma également avantageux pour Germain puisqu’on le sait plus efficace aux côtés d’un deuxième attaquant.
Cette hypothèse n’en est qu’une et Villas-Boas optera pour quelque chose de sans doute différent. Dans tous les cas, l’Olympique de Marseille serait bien inspiré de mettre enfin la main sur l’attaquant tant recherché.
Crédit photo : Icon Sport