Jamais assez fort pour concurrencer Benfica et Porto depuis 2016, au bord de l’implosion en 2018, le Sporting s’impose comme le patron de la Liga NOS sur cette première moitié de saison. Invaincu après 15 journées alors que le derby de Lisbonne se profile, le lion éternel troisième larron du Portugal rêve de redevenir roi pour la première fois depuis 2002.
Le tribut d’Alcochete
15 mai 2018 : Lors des 10 derniers jours, le Sporting, qui s’était déjà incliné contre Porto ou Braga durant la phase retour du championnat, ne peut faire mieux qu’un 0-0 contre Benfica avant de s’incliner contre le Maritimo (2-1) pour boucler son exercice. Les Lisboètes termineront encore 3e,, et ne verront pas la Ligue des champions. Battaglia en est venu aux mains avec un supporter à Madère, le président Bruno De Carvalho est l’ennemi public numéro 1, Jorge Jesus est mis à pied, le club est fracturé à tous les niveaux.
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Ce jour-là, l’académie d’Alcochete est prise d’assaut par une quarantaine d’hommes, qui saccagent les lieux et s’en prennent aux joueurs présents. Bas Dost est notamment envoyé aux urgences, le crâne en sang. Un événement auquel fait tristement écho l’incident survenu à Marseille ce week-end. Cinq jours après, les Leões sont battus en finale de la Coupe du Portugal par la modeste équipe d’Aves (1-2). Près d’une dizaine de joueurs quitteront ensuite le navire, alors que le président Bruno De Carvalho est destitué et cloué au pilori.
Un champ de ruines, voilà à partir de quoi il a fallu reconstruire. Pourtant, le club panse ses plaies et remporte la Coupe du Portugal dès la saison suivante. En Liga en revanche, impossible de combler l’écart de plus d’une dizaine de points qui le sépare du graal chaque année. Pire, avec 10 défaites au total et un seul point pris lors des trois dernières journées (un nul contre Setubal et des défaites contre Porto et Benfica), le Sporting échoue à la 4e place derrière Braga l’été dernier, compromettant par la même sa place en Ligue Europa pour cette saison.
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Le chemin pour retrouver la lumière est long, mais le raccourci a un prix : 10 millions d’euros. La somme d’un pari fou, qui amène à Lisbonne l’un des bourreaux des Lions.
À la vie à l’Amorim
Vainqueur des vert-et-blanc en championnat (que son équipe achèvera de dépasser sans lui) ainsi qu’en demi-finale de Coupe de la Ligue qu’il remporte, Ruben Amorim aura été un temps le cauchemar du Sporting aux commandes de son SC Braga. Pourtant, l’ancien joueur du Benfica n’est qu’un novice. Initialement nommé à la tête de l’équipe réserve des Minhotos, il s’est retrouvé propulsé plus tôt que prévu chez les grands en lieu et place de Ricardo Sa Pinto, qui lui a laissé une équipe végétant en milieu de tableau en décembre 2019.
Bilan donc, une Coupe de la Ligue remportée, et un podium final dont le mérite lui revient grandement, son court mandat ayant été décisif quant à l’issue de la saison. Seulement 13 rencontres dirigées toutes compétitions confondues en janvier et février pour 10 victoires, dont 5 sur le trio Porto-Benfica-Sporting. Le tout avec la manière, son 3-4-3 ayant autant marqué les esprits que les résultats.
Début mars, les Leões prennent une décision complètement dingue que personne n’aurait su anticiper : payer la clause libératoire de pas moins de 10M€ du néo-technicien, qui n’a même pas les diplômes pour entraîner en première division, pour l’installer cette saison sur son banc. Celui qui intégrait les U19 de Belenenses au moment du dernier sacre du Sporting quitte donc un Braga en pleine croissance pour rejoindre un club lisboète en plein marasme.
Quelle mouche a donc piqué la direction et son nouvel employé ? Dépenser une telle somme pour un coach assurément prometteur, pourquoi pas. Encore faut-il que la décision vienne de personnes ayant déjà fait leurs preuves au moment de faire des choix importants, et on ne peut pas dire que la direction sportive ait brillé par ses décisions ou ses goûts en matière de coaches depuis 2018.
Du côté d’Amorim, la réponse se trouve peut-être dans la perspective de disposer d’une grosse influence au sein du sportif au sens large d’un des 3 grands clubs du pays. En atteste l’arrivée de Felipe Celikkaya sur le banc de l’équipe réserve, décidée par l’ex-benfiquiste. Dès lors, le placement de 10M€ sur Amorim sonne comme un aveu d’échec de la direction du foot et Hugo Viana, qui donnent donc les clés du camion à leur nouvel entraîneur, libre de remodeler la politique sportive du club à sa guise.
Le marché aux plus
Qui dit remodelage dit grand coup de balai lors du mercato. Les éléments indésirables prennent presque tous la porte, vendus ou prêtés de nouveau pour alléger au maximum la masse salariale du club. Les deux plus grosses ventes seront finalement celles de deux membres importants de l’effectif : Marcos Acuña et Wendel. Le latéral argentin s’envole pour Séville contre 12M€, tandis que le jeune milieu brésilien rejoint le Zenit pour plus de 20M€. Deux sacrifices dont l’équipe ne souffrira pas, tant le recrutement fut juste.
Jérémy Mathieu et son énorme apport partis à la retraite, Zouhair Feddal arrive du Betis contre 2,5M€ avec son expérience en lieu et place du Français. Adan arrive également pour apporter une caution expérience au poste de gardien pour épauler le jeune Maximiano. Plus surprenant, João Mario, dont la carrière était au point mort du côté de Moscou, arrive en prêt de l’Inter.
Au rayon des deals amenant plus de fraîcheur, le Sporting débourse un peu moins de 4M€ auprès de Rio Ave pour son ailier Nuno Santos et réalise deux gros coups. Le premier auprès de Manchester City, en la personne de Pedro Porro. Le jeune latéral espagnol au profil ultra offensif signe pour un prêt de deux ans, assorti d’une option d’achat de 8M€ qui s’avérera ridiculement faible. Le second se nomme Pedro Gonçalves. Poulain du super agent Jorge Mendes, il aura été l’attraction numéro 1 de l’équipe estampillée J.M du Famalicão FC lors du dernier exercice. Milieu offensif de formation, il débarque à Lisbonne contre 6,5M€.
Un mercato bien mené, chose à laquelle le club n’était plus vraiment habitué. Viendront ensuite compléter l’effectif des jeunes de retour de prêt, ou directement issus des talentueuses équipes de jeunes. Voilà au moins une chose qui ne change pas.
Le Lion nouveau roi ?
Après ces premiers mois de compétition, le Sporting survole la Liga, littéralement. Avec un calendrier d’emblée allégé du poids de la Ligue Europa, vite sorti de la Coupe du Portugal également, le Sporting a eu tout le loisir de répéter ses gammes en championnat. Le 3-4-3 très modulable d’Amorim a transfiguré une équipe qui ne mettait plus un pied devant l’autre sur le plan offensif depuis le départ de Bruno Fernandes.
Preuve que le mercato avait été parfaitement ciblé, Pedro Gonçalves est déjà de loin le meilleur buteur du championnat avec 12 réalisations en 13 matches disputés. Ses concurrents comptent au mieux 5 buts de moins, alors qu’il n’évolue même pas en véritable pointe de l’attaque. L’autre attraction, Pedro Porro, est comme expliqué un peu plus tôt en train de ridiculiser le montant de son transfert définitif à venir. Son apport dans un rôle de piston fait de lui l’un des meilleurs occupants du poste à l’échelle européenne, sans compter sa propension à n’inscrire que des golazos.
La formule Amorim permet également aux recrues moins sexys de s’épanouir. Nuno Santos, qui avait tout juste su se distinguer avec Rio Ave, est en train d’ajouter à son CV de belles lignes statistiques (5 buts, 4 passes décisives en 13 titularisations). Même João Mario s’est trouvé une utilité que l’on ne soupçonnait pas dans le double pivot chargé de maintenir l’équilibre de l’équipe, aux côtés du talentueux João Palhinha, revenu de son prêt à… Braga.
Après 15 rencontres, le Sporting a gagné 12 fois et n’a toujours pas connu la défaite. Et non contents de se trouver une animation offensive séduisante, les Leões sont de loin la meilleure défense avec seulement 9 buts encaissés. Une statistique parfois aidée par ce qui pourrait s’apparenter à la réussite du futur champion ? Le SC Braga pourrait sans doute nous éclairer, étant l’équipe ayant le plus mis en difficulté les Lisboètes dernièrement… avant de s’incliner 2-0 sur les deux seules occasions des vert-et-blanc.
Ruben Amorim a aussi apporté dans ses valises son plan anti-gros du championnat. Braga a été battu donc, Porto tenu en échec (2-2). En Coupe de la Ligue, le SCP a même battu les deux en une semaine pour s’offrir son premier titre de la saison. Ne reste donc que Benfica pour freiner le Sporting. La dernière équipe à l’avoir fait tomber en championnat, et c’était l’été dernier (1-2). Le derby de Lisbonne pourrait constituer un tournant de la saison. Quoi qu’il arrive, la première place ne changera pas de main aujourd’hui. Reste à déterminer quel sera l’écart de points entre celle-ci et la deuxième.