«La raison du plus fort est toujours la meilleure : nous l’allons montrer tout à l’heure.» Vous avez sous les yeux la morale du seizième de finale aller de la Ligue Europa entre le LOSC et l’Ajax (1-2). Le Dogue inoffensif a tenté de résister mais s’est finalement fait dévorer par le loup néerlandais. Ce qui est bien en Europe, c’est qu’il est encore possible de changer la fin de l’histoire. Une bête à terre peut toujours se relever.
La semaine dernière, les clubs français engagés en coupes d’Europe ont connu différentes fortunes. L’un a déroulé au Camp Nou avant de sombrer à domicile contre Monaco. Le second a connu nombre de difficultés chez lui avant de se reprendre parfaitement en championnat pour conserver la tête. Jeudi dernier au stade Pierre Mauroy, le LOSC a rendu une pâle copie face à l’Ajax Amsterdam. Passés pas loin du hold-up, le scénario est finalement cruel pour les Lillois. Mais le résultat final est le reflet de la physionomie du match et témoigne d’une classe d’écart entre les deux équipes. La qualification est-elle encore envisageable ?
L’Ajax, maître en terre lilloise
Le trio Blind-Alvarez-Klaassen a contrôlé d’une main de maître la première manche. Un trio, c’est du moins ce que Ten Haag avait annoncé sur le papier. En réalité, les Lillois se sont laissés surprendre par une tactique hybride côté Ajax. Dans ce 4-3-3 annoncé, Daley Blind a joué un rôle primordial. L’ancien Mancunien a souvent permuté entre le côté gauche du milieu et celui d’une défense à trois avec Timber et Martinez, permettant comme souvent aux latéraux d’être très offensifs.
Ce faisant, l’équipe néerlandaise était alignée en 3-3-4 à la sortie de balle, offrant de nombreuses solutions de relance. Ainsi, les joueurs de l’Ajax n’ont pas subi les faibles tentatives de pressing lillois. Ensuite, Blind pouvait remonter aux côtés des latéraux et d’Edson Alvarez pour créer le surnombre au milieu. Ce schéma tactique offrait aux joueurs de devant de nombreuses possibilités de permuter et décrocher. L’adversaire n’avait pas la possibilité d’effectuer un marquage individuel. On a alors pu observer des Lillois dans l’incapacité de récupérer de bons ballons et qui ont subi une grande partie du match.
Pour les joueurs offensifs, la partie fut aussi logiquement compliquée. Avec près de 35% de possession, l’entrejeu lillois n’a pas existé, étouffé par le pressing adverse. La paire Sanches – Soumaré s’est montrée trop timide et trop imprécise, obligeant parfois la défense à allonger et rendre le ballon. Le Portugais toujours hors de rythme depuis son retour de blessure n’a pas pesé, perdant 17 ballons notamment. Soumaré n’a pas été plus en réussite et les quatre hommes de devant ont eu trop peu de ballon à exploiter. Seul Weah est parvenu à créer un semblant de danger. Grâce à de bonnes prises de balle, l’Américain est notamment parvenu a mettre en difficulté Tagliafico.
C’est également l’attitude des Lillois qui a posé question. Les doutes des Dogues, un peu plus à la peine depuis le début de l’année 2021, se sont confirmés. Le LOSC a bien progressé depuis l’année dernière. Cependant, les mauvais souvenirs d’une double confrontation perdue 5 à 0 face à l’Ajax (en phase de poules de Ligue des champions 2019/2020, ndlr) ont ressurgi. Ainsi, le rapport de force est toujours le même. Les Dogues sont paru apeurés et c’est logiquement que Christophe Galtier a pointé un manque de maturité en conférence de presse. Les joueurs n’ont pas su s’adapter au défi technique proposé par leurs adversaires. L’entraîneur n’a lui pas su trouver les réponses tactiques nécessaires. Les joueurs se sont sans doute aussi laissé impacter par quelques décisions arbitrales défavorables.
Comment inverser la tendance ?
En ne s’inclinant que 2-1 à l’aller, les Dogues s’en sortent bien. En affichant un niveau de jeu éloigné des standards habituels, ce retard d’un but n’est pas une mauvaise chose. Si la tâche sera difficile, la qualification est loin d’être impossible. On peut imaginer des Lillois revanchards après le scénario de la semaine dernière tout en arrivant libérés aux Pays-Bas. En effet, les chances de qualification sont faibles et ils seront moins attendus qu’à l’aller, leur permettant peut-être de jouer plus libérés.
Dans le jeu, les points positifs ne sont pas nombreux, mais ils ont le mérite d’exister. La défense a fait preuve d’une réelle solidité pendant près de 90 minutes. La domination de l’Ajax au milieu était flagrante. Mais les joueurs offensifs ont eu beaucoup de mal à se montrer dangereux et se procurer de véritables occasions. L’Ajax affichait seulement 0.6 xG avant l’égalisation sur pénalty. Dusan Tadic a rarement été trouvé dans de bonnes positions tandis que Neres et Antony se sont montrés très imprécis dans la zone de vérité. La charnière Botman – Fonte a comme à son habitude livré une performance de très haut niveau. La réussite des Nordistes ce soir passera évidemment par là. Malheureusement, le défenseur portugais a ressenti une gêne musculaire hier à l’entraînement. Sa présence est incertaine.
De l’autre côté, une hausse significative du niveau de jeu dans l’animation offensive sera attendue. Dans l’obligation de marquer au moins deux fois, il faudra se montrer plus dangereux. Les Lillois n’ont cadré qu’un tir la semaine dernière, sur le but de Weah. En difficulté depuis quelques semaines, le secteur offensif a retrouvé le sourire face à Lorient (4-1). De bonne augure avant ce match retour où il faudra essayer le plus possible d’appuyer sur les points faibles de l’adversaire.
On l’a vu, Tagliafico n’a pas été irréprochable et son compère à droite, le jeune Rensch, manque peut-être encore d’expérience. Si les ailiers sont dans un meilleur soir, il y aura forcément des espaces à exploiter dans le dos des latéraux. Stekelenburg ne s’est pas montré impérial et l’absence d’Onana peut être handicapante. Les Dogues sont capables de créer du danger face à des grosses écuries, en témoigne la victoire 3-0 à Milan en novembre. Yazici se devra d’être plus juste dans la conservation du ballon pour réussir à impliquer et trouver Jonathan David. Enfin, on attend plus d’implication des quatre de devant afin d’effectuer un pressing plus cohérent.
Le retour du patron
Evidemment, cela ne sera pas possible sans un milieu plus souverain que lors de la première manche. La bataille de l’entrejeu sera essentielle pour essayer se procurer plus d’occasions mais aussi et surtout pour moins souffrir. Jeudi dernier, Christophe Galtier n’avait d’autre choix que d’aligner Sanches et Soumaré. Deux milieux au profil similaire et qui n’ont pas brillé par leur complémentarité. Les deux joueurs à vocation plutôt offensive n’ont pas trouvé la solution, se projetant trop vite vers l’avant quand il aurait fallu ralentir le jeu et conserver la balle, tout en étant un peu tendre à la récupération.
Lors du coup d’éclat à San Siro (victoire 3-0 de Lille face à l’AC Milan en phase de poules de la Ligue Europa en novembre dernier, ndlr), Galtier avait aligné Renato Sanches avec Xeka. Le premier avait brillé par ses projections vers l’avant. Le second avait eu un rôle de régulateur, toujours placé au bon endroit pour récupérer ou calmer le jeu. Pour espérer revivre une telle soirée, le meilleur jeune de l’Euro 2016 sera attendu à ce niveau. Il pourra compter sur un retour de poids dans le onze de départ. Benjamin André, suspendu pour la rencontre à Pierre Mauroy, sera sans surprise titulaire. Si l’ancien rennais augmentait petit à petit son influence, il est aujourd’hui indispensable à Lille.
Cette saison, le LOSC s’est incliné à quatre reprises. Trois fois, Benjamin André n’était pas présent au coup d’envoi. Depuis qu’il est arrivé à Lille à l’été 2019, le natif de Nice n’a manqué que quatre matchs de championnat. Trois ont été perdus par les siens. Et s’il ne brille pas par les statistiques individuelles, son absence se ressent. Son apport et son intelligence de jeu sont vitaux au bon déroulement du système de Christophe Galtier.
À LIRE AUSSI – Benjamin André, le mésestimé
Le milieu de terrain de 30 ans apporte de l’équilibre dans le jeu, notamment dans un registre de compensation. Il permet notamment à son binôme d’avoir plus de liberté afin de se projeter vers l’avant. Il est également un guide vocal pour ses partenaires, un motivateur qui dégage beaucoup d’énergie. Son retour face à l’Ajax ne sera pas la seule clé du match et rien ne garantit qu’il sera le sauveur du LOSC. Mais son équipe aura à coup sur un autre visage avec la présence de Benjamin André. En conférence de presse, Christophe Galtier n’a pas éloigné l’idée d’aligner un 4-3-3. Un milieu renforcé pour tenter de peser plus face à la pression adverse.
Si ce récit a mal démarré, la fin sera bien meilleure, du moins on l’espère. Dans la fable du LOSC et de l’Ajax, celui qui gagne n’est pas nécessairement celui qui a connu le meilleur départ. «Rien ne sert de courir, il faut partir à point.»
Crédit photo : Icon Sport