Son transfert dans les dernières heures du mercato estival 2015 avait fait grand bruit. Anthony Martial, considéré comme le nouveau Thierry Henry (enfin, en l’an II avant Mbappé), avait exporté au buzzer son talent en Premier League, du côté Red de Manchester. Depuis bientôt deux ans, Martial a tout vécu, sur le terrain, sur le banc, et dans sa vie privée. A maintenant un an de la Coupe du Monde 2018, où en est notre (ex?) crack français ?
Ah les rives de Manchester… Depuis quelques mois, il semble faire bon vivre du côté rouge de la ville. Du vendeur stagiaire français de la boutique à Marouane Fellaini, tous semblent s’épanouir au rythme de la saison des Red Devils. Pourtant, de manière pragmatique, le premier exercice de coach Mourinho n’est pas fait que de satisfactions. L’an passé, sous la houlette du sulfureux Louis Van Gaal, l’équipe avait globalement raté sa saison. 5ème, à 15 points du surprenant Leicester, et à 1pt de la Champions League, la bande à Rooney avait réalisé un exercice loin des standards pas si lointains de l’idole Sir Alex et ce malgré une FA Cup glanée contre Palace. Alors, après un exercice bancal, certaines choses ont changé. Exit Van Gaal, bonjour Mourinho. Le technicien portugais n’est pas venu seul. Bonjour également Ibra, Pogba, Mkhitaryan, Bailly… Mais exit l’attaquant français ?
L’an dernier, le jeune Toto, débarqué de la Turbie, est venu tel Guillaume le Conquérant, et a rapidement marqué la Premier League. Très vite, le nouveau roi d’Angleterre s’est retrouvé sur le devant de la scène, volant la vedette aux supposées stars de l’équipe, les Rooney, Schweinsteiger et autre Mata. Pire, celui que l’on compare affectueusement à Thierry Henry, a des matchs durant porté United à bout de bras, sauvant son équipe à de nombreuses reprises. On pense alors à sa demi finale de Cup contre Everton (1 but, 1 passe décisive pour une victoire 2-1), ses matchs contre Swansea, Stoke, Everton et Leicester en championnat, où à chaque fois, il fait basculer le match côté Red Devils. Mais avec l’avènement de José Ier, les choses se sont détériorées.
49 matchs, 4128 min de jeu (soit 85min/match), 18 buts (et meilleur buteur du club), 11 passes décisives. Les statistiques d’Anthony Martial pour sa première saison en Angleterre sont impressionnantes. Plus, elles montrent l’importance et l’influence qu’a eu le jeune français dans ce club monstre qu’est Manchester United. Cette saison, la donne a changé. La donne, le coach, et ses compères d’attaque pour être précis. A ce jour, Anthony Martial a joué 34 matchs, pour 2016 minutes de jeu (soit 60min/match). Il a marqué à 8 reprises et délivré 7 passes décisives, la plupart en Premier League. Il est le 15ème joueur le plus utilisé par Mourinho (4ème joueur le plus utilisé l’an passé), loin derrière Ibra, Rashford, et même Mkhitaryan, pourtant longtemps « blacklisté par le technicien portugais. Des données chiffrées qui révèlent les changements opérés par le Special One, mais qui n’en expliquent pas les raisons. Des raisons qui, elles, ne trouvent pas toujours leur origine « on the pitch ».
Petit prodige français, tout est allé vite pour Martial. Un premier transfert à Monaco après une poignée de minutes sous les couleurs de son club formateur, l’OL. Puis un transfert record de Monaco à Manchester United. Une présence régulière en Equipe de France depuis l’été 2015. Une première grande compétition internationale, l’Euro. Et, comme beaucoup, quelques frasques hors terrain. Bref rappel des faits : Anthony était en couple avec la dénommée Samantha Jacquelinet, de 2014 à 2016. De cet amour naîtra Payton, premier enfant du crackito. Après quelques mois en Angleterre, Anthony décide de changer de WAG et passe de Samantha à Mélanie Da Cruz, plantureuse candidate de télé-réalité. S’en suit une guerre médiatique entre les deux demoiselles, guerre qui intéresse beaucoup les tabloïds anglais … et Jeremstar ! Pris dans ce tourbillon médiatique qui mélange déclarations sulfureuses, dossiers du passé et chantage quant à la petite Payton, Anthony voit son quotidien bousculé. Lui qui déclarait avoir une vie saine et « aimer rentrer chez lui le soir, en famille », voit ses performances pâlir. Il manquera, par exemple, complètement son Euro.
Cette saison, Martial devait donc composer avec un nouveau coach, Mourinho, et de nouveaux copains offensifs : Ibra, Mkhi… et de jeunes loups comme Rashford et Lingard. Le premier est le nouveau joyau du Royaume. Renard précoce, il avait fait sensation en fin de saison 15/16 et s’était retrouvé catapulté à l’Euro. Le second, un poil plus vieux, faisait ses gammes et découvrait presque le très haut niveau lors de cette même saison. Les deux anglais toquaient donc à la porte de la titularisation avec José. Sans oublier Juan Mata, dont les relations avec Mourinho étaient jugées froides en début de saison, et qui, par ses qualités techniques, peut jouer à tous les postes du milieu et de l’attaque. Enfin de la vraie concurrence pour Toto !
Titulaire lors des premiers matchs de la saison, Toto peine à marquer les esprits. Les projecteurs ne sont plus braqués sur lui, mais sur Pogba, Ibra, Mourinho… Un mal pour un bien se dit-on, après l’été mouvementé qu’a connu l’international français. Mais très vite, Martial perd son statut de titulaire. Pire, il sort même parfois du groupe. Rashford s’installe sur l’aile gauche. Le jeune international anglais n’est pas franchement décisif mais lui ne sort pas du groupe. Egalement sorti du groupe, Mkhitaryan y revient lui progressivement. Conspué par les médias anglais, Mourinho réintègre pas à pas l’arménien, change même parfois de système de jeu, et le calme revient à United. Pour être très concret, niveau ligne de stats, de tous les joueurs offensifs, seul Ibra (et à un degré moindre Mata) fait une saison pleine. Vieillissant, le géant suédois score toujours autant. Son influence dans le jeu est, comme lors de son passage à Paris, parfois décriée, mais qu’importe, sans lui, United fait moins peur. Et marque moins. Ibra est indéboulonnable, Martial doit s’y résoudre, le poste de 9 n’est pas à pourvoir.
Reste donc à Toto les ailes. Mais avant d’y prétendre, il doit passer par la case Mourinho. Dès le mois d’octobre, le technicien portugais met en garde le jeune français : il doit bosser ! Mourinho le sait, un joueur doit être bien dans sa tête pour s’exprimer pleinement sur le terrain. Et les qualités footballistiques du tricolore ne semblent pas échapper au Special One. Alors Mourinho le guide, le pique, l’encadre. Il lui conjure de se reconcentrer sur le football, de faire abstraction des guéguerres auxquelles se livrent les femmes de sa vie et les Unes tapageuses du Sun. Alors Martial travaille. A l’hiver dernier, l’agent de Toto lâche des rumeurs, fait passer des messages, des envies de départ. Mourinho le recadre encore une fois en conférence de presse. L’arrivée des beaux jours ne coïncide pas avec le retour du soleil chez Anthony. Il joue peu, est régulièrement réprimandé par son coach, et subit la concurrence forte de joueurs décisifs comme Mkhitaryan, Mata, ou bosseurs comme Lingard ou Rashford. Jusqu’à une éclaircie inattendue …
20 avril 2017, quart de finale retour de Ligue Europa. Après une mauvaise réception, Ibra reste au sol. A première vue, ça semble grave. Après le ralenti, ça ne fait plus de doute. Le géant suédois, irremplaçable cette saison, vient de se blesser gravement. A ce jour, aucune date de retour n’est communiquée. Comme souvent, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ce week-end, contre Burnley, Martial se retrouvait titulaire à la pointe de l’attaque mancunienne. Résultat final 2-0 pour United, avec un but et une passe décisive pour Toto, un match référence qui risque de lui faire beaucoup de bien. Mais le ciel de l’ex monégasque est-il pour autant dégagé ? Pas si sûr.
Ces derniers jours, une rumeur persistante envahit tous les médias mainstream et mercatos français. A la recherche d’un attaquant pour pallier le départ de Lacazette, l’OL se serait penché sur la situation de son ex petit protégé. Aussi, il sera intéressant de voir si United recrute une nouvelle star pour son attaque. Dès lors, l’avenir de Martial serait semé d’embûches. Mais ne l’était-il pas déjà ? Un joueur de sa trempe, de son potentiel, ne peut-il pas faire son trou dans ce club ? Avec Mourinho, toute titularisation, tout statut se mérite. Pour faire un parallèle et un bref retour en arrière, Mourinho n’est-il pas à l’origine de la prise de fonction définitive de Benzema en pointe au Real ? Rappelez vous l’histoire du chien de chasse. A Martial donc de savoir s’il veut être un chien, ou un chat.
Après des débuts tonitruants, une route sans encombre, Anthony Martial vit sa première saison compliquée. A un mois de la fin des compétitions, Toto possède, avec la blessure d’Ibra, une chance de montrer ses qualités. Une finale de coupe, une course pour la Ligue des Champions, un dernier carré de Ligue Europa, les terrains de jeu sont divers pour l’international français, de quoi marquer des points aux yeux de son coach et de grands clubs en manque d’attaquants. Après un an de galère, Anthony a enfin son avenir entre ses pieds.
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