Il faisait partie des clubs de notre enfance, il est en train de brûler à feu vif. Depuis quelques années, le FC Sochaux Montbéliard ne connaît plus la joie. Aux mains d’un actionnaires obscure et intéressé, il est devenu l’objet d’un calcul financier dans lequel il est le grand perdant. Chronique de la chute des lionceaux.
Il y a des moments étranges où les nouvelles du jour vous ramènent quelques années en arrière et vous étranglent par leur nostalgie et leur histoire brisée. Ces derniers jours, comme un combat contre la mort, les supporters du FC Sochaux ont alerté tout le monde : leur club est en train de mourir dans un silence complice ; si rien n’est fait, le FCSM ne sera plus. Ce club, c’est celui de Mickaël Isabey, de Teddy Richert, celui de Pierre-Alain Frau ou de Bernard Genghini. Ce club, c’est l’un de ceux qui ont toujours été là, immuable équipe française installée dans le championnat comme une vieille tante dans un repas de famille. Ce club, nos grands-parents l’ont connu, nos parents l’ont connu et nous aussi, nous l’avons connu. Mais nos enfants le connaitront-ils à leur tour ? C’est tout l’enjeu de la révolte qui anime aujourd’hui les fans du FCSM, maintenir en vie un club dont l’immortalité a été trahie par des actionnaires chinois.
Nous sommes fin mai 2014. Il y a une semaine, Hervé Renard et ses hommes échouaient au moment de réaliser un exploit qu’ils avaient eux-mêmes construits : se maintenir en Ligue 1 dans une finale face à Evian-Thonon Gaillard. Le cinglant 3-0 fut d’autant plus brutal qu’il venait de briser un rêve patiemment construit sur les bases d’un début de saison catastrophique, comme une balle dans le dos quand on pense enfin s’être échappé. Mais les sochaliens ne sont pas au bout de leur peine, leur actionnaire historique leur assène le coup de grâce. Peugeot souhaite se mettre en retrait du club de football que deux employés de l’entreprises avaient créé près de 90 ans plus tôt, en 1928.
Au départ le FC Sochaux, c’est la volonté de se divertir en dehors de l’usine, de faire de ses collègues des coéquipiers. Puis rapidement, la sauce prend, les résultats sont là et le club sort de ses terres pour affronter des adversaires à son niveau. A l’époque, les dirigeants de l’entreprise d’automobile et de son club tombent même dans une candeur qui leur fait annoncer ce que tout entraîneur moderne promet à son arrivée (promesse jamais tenue) : un football spectaculaire.
90 ans plus tard, le 27 avril 2018, les préoccupations sont bien loin de la qualité du jeu proposé. En tribune, les supporters ne retiennent plus leur colère, ils jettent des fumigènes sur la pelouse, le match est arrêté. La raison de cette déraison a un nom, elle s’appelle Wing Sang Li. Cet homme d’affaire hongkongais de soixante ans est à la tête d’une société cotée en bourse Tech Pro, mère de la marque Ledus et propriétaire du FC Sochaux. Sur le papier, tout semble très beau mais en réalité Wing Sang Li cache une pourriture profonde qui a noyé les espoirs sochaliens.
Le 21 juin 2017, la filiale française du groupe Ledus a été placée en liquidation judiciaire. En réalité, l’entreprise accumule les dettes et interroge même sur sa véritable action en France. Ledus était-il une entreprise ou un instrument financier ? Quelques mois plus tard, en novembre 2017, le cours de l’action de la société mère Tech Pro a été suspendu à la bourse de Hong Kong pour « bilan insincère ». En décembre 2017, des documents internes ont révélé que Ledus comptait mettre en place une cure d’austérité très forte en réduisant les effectifs professionnels pour faire passer le nombre de joueurs de 27 à 23 et pour réduire la taille du staff. On apprend aussi que Pays de Montbéliard Agglomération (propriétaire du Stade Auguste Bonal) a alerté le tribunal de commerce de Belfort a propos des finances du club, mettant en exergue que plus de 600 000€ de sponsoring n’ont toujours pas été versé par Ledus alors que les comptes affichaient de manière étrange plus de 320 000€ de recettes sur la saison 2016/2017. Enfin, on a appris par le biais d’un documentaire Netflix nommé « L’arnaque chinoise » (vous le sentez venir ?) que Wing Sang Li avait fait fortune frauduleusement aux Etats-Unis, un procédé que Dan David expliquait dans les colonnes de L’Equipe : « La croissance de Tech Pro n’a pas été générée par son activité propre mais par l’acquisition d’un club de football et par un financement dilutif ».
Mis au fait de sa propre incapacité, Ledus a alors décidé de confier la gestion globale du FC Sochaux au groupe Baskonia-Alavés, propriétaire du club d’Alavés, pensionnaire du championnat espagnol. Le groupe aura donc la main sur le centre de formation du FC Sochaux, faisant alors du club une sorte de club satellite pour le Deportivo Alavés. Avec ce nouveau rebondissement, on comprend que Sochaux n’est plus maitre de rien, que le club, au-delà des résultats, a tout perdu.
Le lundi 30 avril 2018, des supporters du FCSM ont lancé une pétition sur Internet pour ne pas laisser mourir leur club. Dénonçant la situation actuelle et faisant valoir les valeurs de ce club historique, ils tentent de toucher tous les amoureux du football, tous ceux qui savent reconnaitre la passion et l’histoire, tous ceux qui veulent que le FC Sochaux Montbéliard reste immortel.
La pétition : https://www.change.org/p/pays-de-montb%C3%A9liard-agglom%C3%A9ration-ne-laissons-pas-le-fc-sochaux-mourir
[La plupart des informations énoncées proviennent de l’Est Républicain]
CREDITS PHOTO : AFP PHOTO / SEBASTIEN BOZON