Considéré comme le meilleur joueur du monde depuis longtemps par une grande partie des fans de football, Lionel Messi évolue pourtant dans un Barça très critiqué cette saison. Au point de poser une question : son niveau stratosphérique ne fait-il pas plus de mal que de bien au collectif ? Analyse.
Cinquième. C’était le rang de Lionel Messi au classement du Ballon d’Or 2018. Impensable, lui qui alternait entre première et deuxième place depuis 2008. D’autant plus que l’Argentin n’a pas encore appris la définition du mot «déclin». Cette saison, la Pulga pratique peut-être son football le plus optimisé et épuré. Totalement maître de son jeu et du jeu lui-même, la facilité qu’il dégage est proche de son zénith. Une bonne chose pour le Barça ? La réponse paraît évidente, surtout que Messi ne rechigne jamais à mettre son talent infini au service de ses coéquipiers. Cependant, les critiques s’accumulent à l’encontre d’Ernesto Valverde. Trop souvent, les supporters ne reconnaissent pas le vrai Barça. Les Blaugranas ressemblent davantage au rigoureux Atlético Madrid façonné par Diego Simeone qu’au fabuleux Barcelone de Pep Guardiola. Et si Messi, malgré lui, avait sa part de responsabilité dans cette singulière déception ?
La Messi-dépendance, un record en Europe
Oui, singulière, car il convient de modérer les critiques. Le FC Barcelone se dirige tout droit vers un nouveau titre en Liga, le quatrième en cinq ans. Il donne rendez-vous à Valence en mai prochain afin de décrocher une cinquième Coupe du Roi consécutive. Il n’y a qu’en Ligue des champions que les Catalans baissent la tête, mais l’élimination du Real Madrid laisse un trône vide. Bonus : le Barça a ridiculisé son rival madrilène cette saison, se payant les Merengues en Coupe du Roi après avoir accéléré le licenciement de Julen Lopetegui en octobre (victoire 5-1). Le FCB n’est pas en crise, sauf que les supporters ne tolèrent rien d’autre que l’excellence. Messi flirte régulièrement avec cette dernière, mais Messi n’est pas le Barça. Ou peut-être que si, justement… d’où le problème.
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Avec 39 réalisations et 21 passes décisives, Lionel Messi est directement impliqué sur 60 des 113 buts du FC Barcelone 2018-2019, soit 53% d’entre eux. Aucun grand d’Europe ne possède un joueur au pourcentage équivalent*. Certes, Antoine Griezmann (41%), Robert Lewandowski (45%) ou Cristiano Ronaldo (48,5%) sont essentiels à l’attaque de leur club, mais ils n’arrivent pas à la cheville de la Messi-dépendance. Plus fort : 66% des buts du Barça lors desquels Messi était sur le terrain ont impliqué l’Argentin, à la finition ou la dernière passe. Dans sa carrière, le natif de Rosario n’a fait mieux qu’à une seule reprise. C’était en 2011-2012, avec une implication directe sur 53,6% des buts du Barça (73 réalisations, 29 passes décisives).
Suárez redoutait «dépendre de Messi pour tout résoudre»
Au-delà des chiffres, la tendance du Barça à se reposer sur son petit génie est visible sur la pelouse. Les milieux de terrain font fréquemment preuve de passivité offensive, Ivan Rakitić apportant une profondeur décisive par intermittence. Luis Suárez, de son côté, vit son année la plus difficile à Barcelone. Sa régularité et son intensité ne sont plus celles de ses jeunes années, lui qui a fêté ses 32 ans en janvier dernier. Ousmane Dembélé, quant à lui, joue aux montagnes russes. Début de saison canon, disparition en octobre puis retour en force fin 2018. Enfin, ne comptez pas sur Philippe Coutinho pour insuffler de la vie au Barça. Tous ces problèmes forment une forêt cachée par le séquoia géant qu’est Messi. Résultat : l’équipe peine à se remettre en question, tant les résultats restent impressionnants grâce à la Pulga. Messi n’est pas juste fort. Il est trop fort. Le niveau de l’Argentin a installé son club dans un dangereux confort qui risque de coûter cher en Ligue des champions cette saison, voire au FC Barcelone dans son ensemble sur le long terme.
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Luis Suárez avait pourtant prévenu en septembre dernier, après un match nul face à l’Athletic Bilbao (1-1) lors duquel Messi, sorti du banc à la 55e minute, avait offert l’égalisation à Munir El Haddadi. «Nous ne pouvons pas dépendre de Messi pour tout résoudre, fustigeait l’attaquant. Nous devons nous améliorer. Beaucoup d’entre nous sont ici grâce à ce que nous avons fait dans d’autres équipes.» Cette somnolence barcelonaise fut tempérée par Jordi Alba. «Léo, c’est clair qu’il te donne un avantage indéniable, reconnaissait l’Espagnol. Quand il entre, on crée plus de jeu et d’occasions. Je pense que nous avons un effectif capable de couvrir son absence, mais la réalité, c’est que nous sommes tout simplement meilleurs avec lui. On aimerait qu’il soit présent à tous les matchs.» Plus que content de la présence de Messi à chaque match, le Barça s’en contente.
On peut considérer que Messi fait autant de mal que de bien au FC Barcelone. Néanmoins, il paraît davantage réaliste de désigner coupables Ernesto Valverde et les dirigeants des prestations parfois insipides de l’équipe. Messi n’est pas responsable du recrutement globalement raté (Vidal, Coutinho, Malcom…) ni de la prolongation de contrat d’un entraîneur qui ne fait pas l’unanimité auprès des supporters. En attendant, le Barça doit retrouver les demi-finales de la Ligue des champions. Un dernier carré que le club n’a pas atteint depuis 2015. Plus que jamais, la lumière viendra de Messi ou ne viendra pas.
*Parmi les 6 clubs les mieux classés des 5 grands championnats européens, seul Nicolas Pépé (60,4%) de Lille possède un taux d’implication dans les buts de son équipe supérieur à celui de Leo Messi.
Crédit photo : Jorge Guerrero / AFP.