Les hommes de Mancini n’ont (encore) pas brillé, mais l’essentiel est là : ils ont ramené six points de deux déplacements délicats et se rapprochent toujours plus près de l’Euro 2020.
Six victoires en six matchs, 18 points, une différence de buts de + 15 : d’un point de vue comptable, Mancini peut se frotter les mains, sa copie est (presque) parfaite. La grande opération de reconstruction de la Squadra Azzurra à la suite du désastreux mandat de l’ignoble Ventura est en bonne voie et l’Italie ne devrait a priori pas manquer une deuxième compétition majeure de suite après avoir brillé par son absence à la Coupe du Monde 2018.
Alors qu’il reste quatre matchs à jouer, il ne manque que trois points aux Italiens pour valider leur billet pour l’Euro 2020. Trois précieuses unités qu’ils espèrent bien obtenir dès le 12 octobre prochain à Rome, face à la Grèce, histoire de fêter à domicile la qualification et surtout le renouveau de l’équipe nationale italienne. Le chantier est loin d’être fini, mais il avance, et les victoires ramenées d’Arménie et de Finlande en sont deux nouvelles étapes de franchies.
Le chant du coq
Quand on suit un peu la Squadra, on le sait bien : les matchs de rentrée de septembre sont toujours compliqués. La grande majorité des Italiens évoluent en Serie A et, à cette période de l’année, l’intense préparation physique de présaison commune aux clubs de la botte se fait ressentir et les jambes sont lourdes. Cette donnée couplée à certaines absences de marque, Chiellini et Insigne en tête, n’invitaient donc pas à l’optimisme avant ces deux déplacements consécutifs qui fleuraient bon les matchs pièges. Le début de rencontre face à l’Arménie allait dans ce sens.
Face à des Arméniens décomplexés et survoltés, les Azzurri subissaient et il ne fallait que 11 petites minutes pour les voir concéder l’ouverture du score. Les locaux profitaient d’une passe mal assurée de Chiesa pour lancer un contre express qui voyait Karapetyan passer devant un Bonucci plutôt passif avant de tromper Donnarumma d’une imparable frappe croisée. Les choses commençaient bien mal, mais paradoxalement ce but réveillait les visiteurs. Marco Verratti prenait les choses en main, multipliait les passes et s’offrait même le luxe d’une brève échauffourée avec le buteur arménien. Une petite anicroche aux grandes conséquences puisque les deux joueurs étaient avertis, ce qui suspendait l’Italien pour le match suivant et contribuait à la future exclusion de Karapetyan.
Le moment fort italien finissait par se concrétiser juste avant la demi-heure de jeu : Emerson envoyait Barseghyan dans les tribunes d’une subtile feinte de centre avant de trouver Belotti et son plat du pied implacable au deuxième poteau. L’Italie finissait fort la première période et l’expulsion de Karapetyan juste avant le repos pour un deuxième jaune (donné généreusement à la suite d’un duel aérien engagé avec Bonucci) semblait enterrer les espoirs arméniens. Pourtant, même en supériorité numérique, les Italiens avaient toutes les peines du monde à se montrer dangereux et il fallait attendre un coup de tête de Pellegrini sur un centre de Bonucci à la 77’ pour les voir enfin passer devant au tableau d’affichage. Trois minutes plus tard, Andrea Le Coq Belotti inscrivait le troisième but avec l’aide du poteau et du dos de l’infortuné Hayrapetyan et mettait les siens définitivement à l’abri. Peu brillante, mais combative et impliquée, l’Italie repartait d’Erevan avec 3 points, et c’était bien là l’essentiel.
Immobile se bouge
Trois jours plus tard, on reprenait (presque) les mêmes et on recommençait, à Tempere cette fois. Presque les mêmes, car Mancini effectuait 5 changements dans son inamovible 4-3-3. Au milieu, Verratti suspendu laissait sa place au jeune Sensi. Derrière, Acerbi et Izzo débutaient à la place de Romagnoli et Florenzi. Enfin, devant, le Mister étonnait par ses choix. Belotti, pourtant en grande forme et auteur d’un presque doublé, était remplacé par Immobile, sans le moindre but avec la Nazionale depuis deux ans, et Lorenzo Pellegrini était titularisé sur l’aile à la place de Bernardeschi. Chiesa, pourtant mauvais face à l’Arménie, était lui reconduit sur l’aile droite. Curieuses au premier abord, ces décisions donnaient finalement raison à Mancini.
Sensi régnait sur l’entrejeu, et se montrait le plus dangereux en première période : sa demi-volée sur un service de Chiesa obligeait Hradecky à une superbe envolée (27’), puis sa puissante tentative frôlait le poteau juste avant la mi-temps (43’). Au retour des vestiaires c’est bien Immobile qui à l’heure de jeu trouvait enfin le chemin des filets, et ce sur un centre de… Chiesa, qui retrouvait un niveau de jeu digne de son talent. On pensait que les Italiens avait fait le plus dur mais Pukki, l’attaquant vedette finlandais pourtant discret jusque-là, sortait de son sas pour obtenir un penalty généreux qu’il transformait lui-même (70’).
Mais, comme face à l’Arménie, les hommes de Mancini n’abdiquaient pas et faisaient étalage d’une belle force mentale pour revenir dans le match. Ils repartaient à l’assaut et reprenaient les devants grâce à un penalty tout aussi discutable, transformé par Jorginho qui trompait Hradecky d’un plat du pied bien placé au regard de son habituelle mais singulière prise d’élan (78’). Les Azzurri se montraient ensuite solides et sécurisaient ce but d’avance, synonymes de sixième succès en autant de rencontres.
Vaincre en attendant de convaincre
Alors, que retenir de ces deux nouveaux succès de la Nazionale ? Tout d’abord, que ce qui importe pour le moment, ce sont les résultats. Les qualifications pour les grandes compétitions sont toujours délicates. Réparties sur diverses périodes de l’année, elles offrent peu de temps aux sélectionneurs pour travailler. Ces derniers doivent de plus composer avec les états de forme de chacun, qui évoluent et divergent en fonction des convocations. Dans ce contexte, l’important est d’accumuler la confiance et les points, et c’est précisément ce que font les Italiens avec ce carton plein de six victoires en autant de matchs. La manière, elle, viendra avec le temps.
Le deuxième point positif à retenir, c’est la construction d’un esprit d’équipe, celui d’une formation combative qui ne lâche rien. Menés en Arménie, rejoints au score en Finlande, les Azzurri n’ont jamais abandonné. A une condition physique chancelante, ils ont opposé un état d’esprit infaillible. Pour une formation partie de rien il y a quelque mois, c’est tout à fait encourageant. Enfin, pour clore les aspects positifs, c’est que le 11 titulaire qui animera le fameux 4-3-3 de Mancini commence à se dessiner, avec une colonne vertébrale qui s’esquisse au fil des matchs. Donnarumma s’est montré rassurant dans les cages sur le peu d’intervention qu’il a eu à faire et semble indéboulonnable à ce poste. En défense, Bonucci apporte son expérience et un jeu long non négligeable, même si on le sent encore orphelin de Chiellini. Au milieu, Verratti s’est enfin imposé en chef d’orchestre, il ne lui reste qu’à modérer ses coups de sangs aussi fréquents qu’inutiles.
Devant, en attendant le retour d’Insigne, c’est un peu plus complexe et cela nous amène aux aspects négatifs, ou plus justement aux interrogations. La première, majuscule, est le poste de 9. Belotti a certes inscrit un but et demi, mais il s’est montré assez maladroit devant le but, et aurait pu avec un peu plus d’adresse marquer un pion de plus par match. Immobile, lui, a enfin retrouvé le chemin du but sous le maillot azzurro après deux ans de disette, mais n’est pas à l’abri de se montrer inefficace de nouveau. La solution se trouve peut-être chez les plus jeunes, et le nom de Moise Kean pourrait bien réapparaître s’il confirme à Everton les espoirs placés en lui. Autour de ce 9, Chiesa et Bernardeschi devraient pouvoir s’imposer aux cotés d’Insigne, à condition de trouver un peu plus de régularité. En défense, le forfait de Chiellini pose la seconde grosse question : qui pour épauler Bonucci ? Romagnoli n’a pas rassuré Mancini, et Acerbi ne s’est pas forcément montré plus à son avantage.
Encore une fois, seul le temps et les prochaines rencontres apporteront un début de réponse à Mancini, qui, en attendant, peut être fier : l’Euro 2020 n’a jamais été aussi proche.
Crédit photo: Asatur Yesayants / Sputnik