Premier ex aequo de son groupe en Ligue des Champions, leader en Liga à un point du Real Madrid, contre qui il croisera bientôt le fer (en décembre ?), le FC Barcelone est dans une situation irréprochable. Et pourtant, après le début de saison chaotique des Blaugranas, un sentiment âpre subsiste chez les supporters du club : l’incompréhension d’abord, devant cette équipe quasi-invincible dans son antre mais chétive dès qu’elle s’éloigne de Les Corts, puis l’angoisse d’un possible tragique : et si, comme à Rome, et si, comme à Liverpool, et si le Barça échouait de nouveau loin de son imprenable Camp Nou ?
UN STADE POUR LES RENVERSER TOUS
Si le Barça est aujourd’hui premier du championnat, c’est surtout parce que ses statistiques au Camp Nou sont extraordinaires : 16 buts marqués à la maison après 9 journées, c’est tout simplement plus que toute autre équipe en Europe. 5-2, 5-1, 4-0… Lorsqu’il reçoit, le club catalan se montre rarement bienveillant, et ce n’est pas Luis Suárez qui dira le contraire. Cette saison, la bête uruguayenne est en liberté, et elle est affamée : déjà sept buts à son actif, avec notamment un doublé et une mémorable volée à l’instinct contre l’Inter. A l’approche du Clásico, le Real est donc prévenu, d’autant plus que la dernière visite des Merengues au Camp Nou en Liga s’est soldée par un 5-1. Écrasant. L’enceinte catalane est une forteresse également en Champions, compétition dans laquelle le Barça n’a plus perdu de match à domicile depuis 2013. Une série de 33 rencontres sans défaite qui contraste avec le visage affiché par le club à l’extérieur.
VOUS VOUS RAPPELEZ LE CAMP NOU, M’SIEUR BARTOMEU ?
Si la bande à Messi enchaîne les manitas et les scores fleuve à la maison, l’équipe est méconnaissable dès qu’elle s’en éloigne. Loin de Barcelone, c’est le grand froid : deux victoires sur six matches, et des échecs contre Dortmund, Bilbao ou, plus alarmant encore, contre Osasuna ou le promu Grenade. Le Barça tire peu, cadre forcément encore moins (contre Grenade, le premier tir cadré du Barça n’arrive qu’à la 67ème minute) et ne parvient plus à générer du danger lorsqu’il joue loin de chez lui, signant l’un de ses pires débuts de saison en Liga depuis une vingtaine d’années.
En Espagne, on s’interroge alors sur Griezmann, recrue star achetée 120 millions d’euros cet été, qui peine à montrer son véritable niveau, et qui peut tout à fait se retrouver sur le banc si Dembélé et la perle Ansu Fati concrétisent leur bon début de saison. Le « petit prince », isolé à gauche, est trop souvent spectateur lors de ces rencontres à l’extérieur où l’équipe éprouve de réelles difficultés à s’approcher de la cage adverse. Paradoxalement, la faute revient aussi à l’actuel meilleur buteur du club cette saison. Impitoyable au Camp Nou, Suárez est inoffensif en terre inconnue : il n’a plus marqué à l’extérieur en C1 depuis plus de quatre ans (septembre 2015) et incarne ce Barça bicéphale, mordant à la maison, frileux à l’extérieur.
Sergio Busquets, il y a un peu moins d’un an, soulignait déjà les problèmes rencontrés par l’équipe loin du Camp Nou : « A l’extérieur, nous n’avons pas été solides et efficaces comme on le voulait ». Pas la peine de rappeler comment s’est achevé le parcours européen du Barça cette saison-là.
ERNESTO VALVERDE DE LIGONNES
Un nom revient quand même souvent lorsqu’il s’agit d’énoncer les responsables des difficultés actuelles du Barça : celui d’Ernesto Valverde, entraîneur du club et accessoirement homme à abattre. Médias, supporters, dans la presse, sur Twitter, au stade, partout surgissent des critiques plus ou moins constructives sur le Basque.
Valverde et le foot https://t.co/kL5FYkhS0q
— Elton Mokolo (@EltoMok) 22 septembre 2019
Le fait est que le Barça actuel ne fait plus peur : au-delà des deux humiliations européennes en deux ans, c’est l’éternelle question du jeu barcelonais qui pose problème. La plupart du temps, l’équipe est sous perfusion : quand Messi n’est pas là pour envoyer un coup-franc en lucarne, c’est Suárez qui plante une volée du tibia pour sauver les meubles. Quand l’un et/ou l’autre manque à l’appel, ça finit rarement en happy ending, à l’image du récent Grenade-Barça (2-0). Fini le culte de la possession, place à l’efficacité, jusqu’à l’ennui : la possession moyenne sous Valverde n’a jamais été aussi basse que cette saison (64%), tout comme le nombre de buts marqués à ce stade de la saison (22, contre 27 l’an passé). Valverde est aussi abondamment critiqué sur ses choix, notamment en ce qui concerne le milieu de terrain, où l’on réclame les jeunes Aleña et Riqui Puig à la place de Rakitic, vieillissant, ou d’Arturo Vidal, pas assez Barça-compatible. Les résultats décideront de l’avenir d’El Txingurri, mais la trace qu’il aura laissée à Barcelone n’aura clairement pas été marquante.
PREOCCUPANT, VRAIMENT ?
Si l’équipe blaugrana est loin de montrer son meilleur visage en ce début de saison, il n’y a pas encore de quoi tirer la sonnette d’alarme. Idéalement placé en Liga comme en Ligue des Champions, l’effectif du Barça est bien assez riche pour surmonter toutes les difficultés à venir. Le club a d’ailleurs fait preuve de caractère pour redresser la situation initiale, puisque le Barça a remporté ses deux derniers matchs à l’extérieur, signant notamment sa prestation la plus aboutie de la saison (0-3, buts du trio Messi-Suárez-Griezmann) contre l’équipe toujours piégeuse d’Eibar.
Rescapé du groupe le plus relevé en C1, devant le Real en Liga avant le Clásico au Camp Nou, le Barça peut se rassurer après avoir débuté la saison de la pire des manières. Un Suarez déchaîné, un duo Arthur – De Jong qui fonctionne, une perle Ansu Fati qui n’a pas fini de régaler, un Messi qui revient en forme après sa blessure et le trident MSG qui se dessine… Il y a de quoi enthousiasmer le supporter barcelonais qui, envieux des succès européens de l’ennemi juré, souhaite plus que jamais conquérir de nouveau la belle aux grandes oreilles. Mais pour parvenir jusqu’à Istanbul, siège de la finale, il faudra sortir de l’infranchissable Camp Nou et se heurter aux plus grands clubs européens, contre qui le Barça sombre chaque saison depuis 2015, date de son dernier triomphe en Ligue des Champions. D’où la crainte, légitime, d’un énième fiasco printanier qui scellerait, c’est certain, le sort déjà funeste d’Ernesto Valverde à la tête de l’équipe culé.
Crédit photo : Bernd Thissen/dpa Photo by Icon Sport