Élu meilleur joueur lors du Mondial 2010, Diego Forlán s’est révélé aux yeux du grand public en Afrique du Sud. Pourtant, l’Uruguayen avait déjà une grande partie de sa carrière derrière lui. Retour sur un parcours marqué par des coups d’éclats et un style à part.
10 juillet 2010. Le monde a les yeux rivés sur l’Espagne et les Pays-Bas, à la veille d’une finale de Coupe du Monde inédite. Sur le terrain, Diego Forlán s’offre un dernier instant de grâce en petite finale : une demi-volée claquée qui finit dans les buts allemands. Un geste qui symbolise sa Coupe du Monde hors du commun. Car dix ans plus tard, trois souvenirs subsistent de ce Mondial sud-africain : Knysna, la première étoile de l’Espagne et Diego Forlán. Sensation individuelle de la compétition, l’attaquant Uruguayen fut, le temps d’un été, le meilleur joueur du monde.
Forlán est arrivé en pleine forme en Afrique du Sud. Quelques semaines plus tôt, il remportait la Ligue Europa avec l’Atletico Madrid. Cachavacha – surnom donné pour sa ressemblance à la sorcière d’une BD Argentine – fut décisif en inscrivant un but salvateur face à Liverpool en demi-finale, puis en livrant une prestation sublimée par un doublé contre Fulham en finale (2-1).
Cachavacha ne s’est pas fait attendre en Afrique du Sud. L’Uruguayen réserve son premier coup d’éclat au pays hôte lors du second match de la Céleste. Numéro 10 floqué dans le dos, il déclenche une frappe surpuissante des 30 mètres. Le Jabulani – ballon officiel du Mondial réputé pour ses trajectoires imprévisibles – finit dans la lucarne du portier sud-africain. Bis-repetita en quart de finale contre le Ghana. Alors que l’Uruguay court après le score, Diego Forlán égalise grâce à un coup-franc direct excentré. Juninhesque.
Brouillonne techniquement, la recette de la Céleste est simple : un jeu physique, des attaques rapides et un supplément d’âme : la garra. Le numéro 9 la définissait dans les colonnes du Guardian : « C’est lorsque tu n’as pas le dernier souffle, mais que tu veux toujours donner plus. Parfois, tu ne t’attends pas à gagner à la dernière minute contre des grosses équipes, mais cette garra surgit ». Luis Suarez l’illustra à merveille lors de la dernière minute de ce quart de finale. Sur sa ligne, l’attaquant arrête une tête ghanéenne de la main, sauvant l’Uruguay d’une élimination certaine. Un geste inadmissible pour certains, relevant du pur génie pour d’autres. Dix ans plus tard, le débat n’a toujours pas été tranché.
« Il aurait pu être un héros à Manchester »
La Céleste rejoint les Pays-Bas en demi-finale après une séance de pénalty, une première depuis 1970. Diego Forlán, auteur d’un nouveau coup de canon, livre une énième prestation de haute volée. Mais l’Uruguay tombe sur des Néerlandais plus aguerris (3-2). Qu’importe, Cachavacha a marqué le grand public avec ses buts venus d’un autre monde. Ajoutez à cela son serre-tête, ses cheveux longs et des célébrations plus que communicative et le tour est joué : Forlán est élu meilleur joueur du mondial. Il poursuivra son été de folie en remportant la Supercoupe d’Europe face à l’Inter Milan.
Pourtant l’arrivée en Europe de l’Uruguayen n’a pas été de tout repos. En janvier 2002, le numéro 9 traverse l’Atlantique pour rejoindre Manchester United, qui vit son âge d’or sous la houlette de Sir Alex Ferguson. L’adaptation de l’attaquant Uruguayen prend du temps : aucun but lors de ses 26 premiers matchs. Forlán ouvre finalement son compteur sur pénalty, lors d’un match de Ligue des Champions avant de marquer un doublé décisif face à Liverpool. Il glane même un championnat et une FA Cup mais ne s’est jamais imposé. « Il aurait pu être un héros ici. Il n’y a jamais eu de problème entre lui et Old Trafford, c’était juste la combinaison avec Van Nistelrooy qui ne fonctionnait pas » expliquait Sir Alex Ferguson après la Coupe du Monde 2010.
Lors de l’été 2004, Forlán quitte le Nord de l’Angleterre pour une destination plus estivale : Villarreal. Le sous-marin jaune est dirigé par El Ultimo Diez : Juan Román Riquelme, secondé par des joueurs comme Marcos Senna ou Robert Pirès. Lors de sa première saison, l’Uruguayen finit Pichichi de La Liga et partage le soulier d’or européen avec Thierry Henry. Villarreal et Forlán réalisent une saison de grand vol en se qualifiant pour la Ligue des Champions, avec un triplé contre Barcelone (3-3) comme point d’orgue. S’ensuit une épopée historique en Europe. Après avoir marqué en huitième et quart de finale face aux Rangers et à l’Inter Milan, Forlán retrouve Arsenal en demi-finale. Défait 1 but à 0 à Highbury, Villarreal pousse au retour sans jamais trouver le chemin des filets. Pire, Riquelme rate un pénalty à deux minutes du coup de sifflet final.
Une maturité atteinte à l’Atlético
Diego Forlán n’était même pas destiné à devenir footballeur. Durant son enfance, il arpente les courts de tennis. Mais lorsqu’il a 13 ans, sa sœur se retrouve paraplégique après un accident de voiture. Il décide alors de se tourner vers le football. Une affaire de famille. Son père – qui a longtemps joué pour le CA Peñarol (le club de Montevideo, ville natale de Diego Forlán) – totalise 17 sélections avec la Céleste. Il remporte la Copa America en 1967, coaché par un autre membre de la famille : Juan Carlos Corazo, le grand-père maternel de Diego.
Avant d’être sélectionneur, ce dernier fut joueur dans les années 30, en passant notamment par l’Independiente, à Buenos Aires. L’histoire est belle. Diego Forlán y ajoute un nouveau chapitre en effectuant ses débuts professionnels dans ce même club, après des passages en jeunes au CA Peñarol et Danubio. Le buteur y marque 33 buts en 77 matchs.
Retour en Espagne. Lors de l’été 2007, Forlán se dirige vers un nouveau club, l’Atletico Madrid. L’Uruguayen doit remplacer Fernando Torres, parti à Liverpool. Il arrive dans une équipe en pleine construction et y retrouve un ancien joueur d’Independiente : Sergio Aguero. Associé au Kun ou positionné en soutien de l’Argentin, Diego Forlán effectue une première saison intéressante avec 23 réalisations. L’Urugayen explose lors de l’exercice 2008-2009, en inscrivant 32 buts en 33 apparitions. Des statistiques qui lui vaudront un second soulier d’or européen. Convoité par le Real Madrid et Barcelone, le numéro 9 reste finalement à l’Atletico. S’ensuit un début de saison compliqué, avant le fameux été 2010. Après trois ans au club, Forlán est définitivement séduit par l’Atlético. « Être joueur ici, c’est quelque chose de différent. Les supporters sont incroyables. Ce sont des gens qui ont vécu des années sans pouvoir s’enthousiasmer. […] Malgré ça, le stade continuait d’être plein. », détaille l’Uruguayen dans la revue hispanique Libero.
Peñarol et les liens du sang
Après la Coupe du Monde, Cachavacha dispute une dernière saison avec l’Atlético avant de rejoindre l’Inter Milan. Mais à 32 ans, l’Uruguayen est sur la pente descendante. Son expérience italienne tourne au fiasco lorsque les Intéristes ne peuvent l’inscrire en Ligue des Champions. Pour cause, Forlán a joué le tour préliminaire avec son ancien club. S’ensuivent des prestations moyennes et des blessures à répétition. Résultat : Forlán quitte l’Inter en 2012 pour s’exiler au Brésil, première étape de son tour du monde qui l’enverra notamment en Inde, au Japon et à Hong-Kong. Dans le même temps, l’Atlético de Simeone tient tête aux cadors européens. Pas de regrets pour l’Uruguayen, qui assure qu’il « n’échangerai pour rien au monde mes quatre années à l’Atletico contre l’époque de Simeone. »
Forlán est retourné vers ses attaches familiales en fin de carrière. Comme s’il ne pouvait pas clore l’histoire familiale. En juillet 2015, Cachavacha s’engage un an à Peñarol. S’il n’avait jamais joué en tant que professionnel à Montevideo, Forlán n’a jamais caché son attachement pour le club. Ainsi, il était devenu le symbolique socio n°40000 du club peu avant la finale de Copa Libertadores 2011, à laquelle il avait assisté.
Quatre ans plus tard, le natif de Montevideo écrit les dernières pages de sa carrière de joueur en Uruguay. Peñarol décroche son 50e championnat d’Uruguay lors de cette saison. La meilleure des manières pour parapher l’histoire des Forlán à Peñarol. Jamais rassasié, Diego Forlán n’a pas pu s’empêcher d’en débuter une autre : l’Uruguayen est devenu l’entraîneur de l’équipe première du club l’hiver passé.
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