Existe t’il un beau football ?

« La beauté et la laideur sont des concepts subjectifs, tout dépend des yeux qui regardent » affirme Fernando Santos, sélectionneur du Portugal, à nos confrères de El País. Au sens du dictionnaire, la beauté représente ce qui est digne d’admiration par ses qualités intellectuelles, morales ou physiques. Il faut alors se demander ce qui est digne d’admiration au niveau footballistique. Et là ça devient plus compliqué.

Pour certains, le beau football c’est le joga bonito, les dribbles, les buts spectaculaires bien que parfois non-maîtrisés. Pour d’autres, il est caractérisé par un jeu propre, peu de pertes de balle, des transitions et des gestes efficaces qui permettent d’arriver rapidement au but et de se procurer des occasions. Enfin, il y a ceux qui sont les adeptes de la tactique (certains peuvent aussi faire partie de la catégorie précédente), ceux qui trouvent que même si le jeu proposé est d’un faible niveau technique, tant que l’efficacité est au rendez-vous, alors il y a beau football. Car en effet, au foot c’est celui qui met plus de buts que l’adversaire qui gagne et pas celui qui met le plus de petits ponts (hein Javier).

« Le ballon, c’est comme une femme, il aime les caresses. »

Merci à Éric Cantona pour cette citation qui est pour le moins sensuelle. Mais revenons à nos moutons. Dans cette partie, on va parler de football champagne que ce soit sur et en dehors du terrain.

De Ronaldinho à Madjer en passant par Higuita et Benjamin Nivet, le football s’est vu évolué notamment grâce à la création de nouveaux dribbles, de coups de génies divers et variés que ce soit pour éliminer ou conclure. Inutile de tous les énumérer tant ils sont nombreux et plus spectaculaires les uns que les autres. Certains apprécient cela, d’autres moins, comme dit précédemment ça dépend de la sensibilité de chacun. Le défaut principal de certains des joueurs surnommés dans le jargon ‘’joueurs Youtube’’ c’est leur manque d’efficacité. C’est pourquoi de nouveaux types de joueurs sont apparus au XXIème siècle, véritable tournant dans l’histoire du foot. Ou du moins, leur nombre a indéniablement augmenté. Parmi eux, Lionel Messi, Bernardo Silva etc. Vous l’aurez compris : ce sont tous les joueurs qui parviennent à allier spectacle à efficacité. Toutes les personnes qui aiment le football sont obligées de le reconnaître : ce qu’ils font relève de la beauté, c’est indéniable. Pour ne pas le penser, il faut être soit atteint de maladie mentale, soit adorer un joueur ‘’ennemi’’ (comme Messi avec Cristiano).

On passe maintenant à l’aspect ‘’hors du terrain’’ ou du moins dans la zone technique. Pour évoquer le ‘’joga bonito’’ tactique, on va s’intéresser au papa du FC Séville, j’ai nommé Jorge Sampaoli. Au moment où j’écris ces lignes, il sort d’une folle remontada contre Osasuna pour un score final de 4-3. C’est intrasec, 7 buts en 90 minutes, c’est du spectacle à l’état pur. Inspiré par Marcelo Bielsa, il propose un jeu offensif qui fait frémir plus d’un admirateur du football champagne. Notamment de par l’extrême « offensivité » de ses latéraux d’où la présence constante de 3 défenseurs centraux dans ses dispositifs tactiques. On peut également parler du Chili de Sampaoli qui, en phase de possessions, évoluait en 3-1-6 ; soit une présence quasi-inexistante au milieu mais un dispositif voué à l’attaque-à-tout-prix. N’étant pas analyste tactique, je ne vais pas m’attarder sur des considérations qui seront analysées par un expert plus tard. Cela pour vous montrer que le jeu prôné par Sampaoli est un témoignage vivant du joga bonito dans le football.

‘’L’important c’est de gagner, j’m’en tape de participer ! »

C’est le plus grand rappeur français qui nous gratifie de cette punchline dans le son B2OBA. Inutile de citer son nom, seuls les Rohffistas font les aveugles. On procédera ici comme dans la partie précédente. D’abord les joueurs puis un entraîneur, lui aussi Argentin.

Certains joueurs privilégient les stats à outrance. Décision parfaitement compréhensible au vu de la remise de récompenses actuelles. Pour beaucoup de personnes de nos jours, journalistes compris, est considéré comme meilleur joueur celui qui marque le plus de buts. C’est une philosophie moderne du football qu’il faut accepter car le foot n’est pas uniforme. Un joueur comme Aubameyang, par exemple, n’apporte presque rien dans le jeu du Borussia Dortmund mais est cependant décisif. Le dilemme qui se pose alors est : vaut-il mieux avoir un joueur qui permet à l’équipe entière de progresser ? Ou alors, un joueur capable d’être décisif en touchant peu de ballons ? On peut considérer que le joueur qui va être décisif pratique aussi le ‘’beau football’’ car il permet à son équipe d’obtenir l’essence même du foot : marquer. C’est notamment ce sujet qui divise les deux grandes idéologies de ce sport : jouer ou marquer ? Jouer et marquer, me répondrez-vous ! Cependant, seuls un cercle très fermé arrive à cela (on parle d’énormément de buts et pas d’une petite dizaine par saison). Et au vu des prix du marché actuel, seul un faible nombre de clubs peut s’arracher ces joueurs à prix d’or.

Après cette réflexion sur les joueurs, on va maintenant s’interroger sur la place de la tactique dans le ‘’beau football’’. Pour cela, l’exemple le plus parlant est sans aucun doute Diego Simeone, entraîneur de l’Atletico Madrid. Féru de tactique, il est le symbole du tiraillement des footeux : l’utilisation de la tactique en totale opposition au football offensif de Sampaoli vu ci-dessus. Sa tactique inspire pourtant nombre d’entraîneurs disposant d’une défense solide et de joueurs rapides capables de faire des différences en 1v1. En effet, elle est basée sur le fait ‘’d’attendre l’équipe adverse’’ et d’attendre sa chance. Pour expliquer pourquoi on peut dire que ce football n’est pas moche, je laisse la parole à Romain, coach et amateur d’analyses vidéos. Il explique que « Simeone est pragmatique et est un entraîneur incroyable capable d’avoir cette équipe hybride, capable de très bien défendre et de très bien attaquer en étant forte dans les transitions. Alors quand un entraîneur met la tactique au centre de son idéal, et qu’il arrive à avoir une équipe capable de dépenser autant d’énergie dans l’envie, la concentration et dans le fait d’être autant rigoureux pendant un match on peut pas dire que son équipe est moche à voir jouer. ». Je pense que tout est dit et qu’il est donc impossible de dire que ce type de football est ‘’moche’’.

En somme, le football est le plus beau des sports, n’en déplaise aux adeptes de sports de gymnase ou de sports où la violence est reine. Il n’y a donc pas qu’un seul ‘’beau football’’. Comme dit au début, la beauté est une notion parfaitement subjective. De plus, le football ne possède pas de conventions écrites à respecter, chacun est donc libre d’y jouer comme il le souhaite. Je laisse le mot de la fin à Luis Fernandez qui avoue que «gagner ce n’est pas tout, c’est la seule chose, peut importe la manière».

Crédits Photos : AFP PHOTO / JORGE GUERRERO

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4-4-2 losange et presunto comme exutoires.