De nos jours le football est un formidable vecteur d’intégration dans la société. Il permet de se retrouver dans un stade, dans un café ou autour d’un repas pour parler, débattre de tout ce qui touche au sport roi. Parler ballon est à la portée de n’importe quel amateur, et c’est aussi ça la beauté de ce sport. Malheureusement, le foot ressemble de plus en plus à la société avec les défauts qui la caractérisent. Aujourd’hui, des personnes malfamées utilisent le football pour exprimer leurs règles et leurs désirs. Alors qu’elle a du mal à se faire accepter dans le football moderne, la communauté Ultra est salie par des hooligans, des xénophobes, des politiciens ou des idiots. Analyse de la gangrène qui pourrit le supporterisme.
Le racisme
« C’est normal que ce genre de choses arrive sur un terrain de foot« . Non, Hristo Stoichkov ne parle pas d’une main non sifflée ou d’une simulation grotesque dans la surface, il parle bien d’insultes racistes. Lors de France – Bulgarie en 1996, le Ballon d’or va pourrir Marcel Desailly à coups de « Noir de merde, peau de merde ».
Le racisme a toujours eu une place particulière dans le foot comme dans la société. Mais si de nos jours le communautarisme fait encore des ravages, les stades font généralement figure d’exceptions. Lorsqu’on se retrouve dans une enceinte pour supporter son équipe, on oublie la couleur, la religion, l’origine de son voisin. Un phénomène qui est souvent pris en exemple par des sociologues qui n’hésitent pas à faire le parallèle entre le foot et la société actuelle. Malheureusement, certains stades et supporters nous ramènent à une époque lointaine où l’apartheid et le racisme étaient banalisés.
Le racisme touche énormément de communautés. Les Noirs reçoivent des insultes raciales en Italie. Les joueurs israéliens se font traiter de sales juifs dans des pays d’Europe de l’est. Dans ces mêmes Balkans, on n’hésite pas à faire des rappels au génocide tzigane dont ont été victimes des joueurs kosovars ou bosniens.
L’Italie est victime d’une autre forme racisme assez singulière. Un phénomène rare qui a pour nom « discrimination territoriale ». Elle concerne les supporters du Napoli face aux supporters des clubs du nord, en particuliers les 3 gros. Des chants à base de « Napoli Choléra » ou de « Vésuve, lave-les » descendent du Juventus Stadium ou de San Siro lors des réceptions des coéquipiers d’Edinson Cavani à l’époque. Depuis, cette discrimination territoriale s’est réglée d’un accord commun entre les ultras et les hautes instances du football. Face à cette situation plus que nauséabonde, l’idée était de vite faire profil bas pour ne pas devenir la risée de toute l’Europe.
Il ne faut pas oublier les nombreux joueurs de l’Est qui sont autant victimes que les joueurs noirs. Mario Mandzukic ou Lorik Cana ont été victimes d’insultes durant toute leur carrière européenne. Lorsque Daniele De Rossi traite l’attaquant croate de la Juve de « gitan de merde », l’insulte ne passe pas. Dans une période où la cause des Roms revient souvent en Europe, notamment une Italie, cette insulte a été mal perçue.
La xénophobie
La xénophobie est un des autres gros problèmes dans le football. Moins présent mais tout aussi sordide. Elle peut se traduire par des actes ou des paroles extrêmement déplacés mais qui peuvent paraître tout à fait normaux pour un club, une personne ou les médias.
Le traitement en France des techniciens étrangers fait énormément jaser. Les cas Bielsa, Emery, Ancelotti, ou Jardim ont posé question. Alors qu’on pourrait voir à travers leurs arrivées une véritable chance pour notre pays, c’est tout le contraire qui se passe. Chaque décision ou parole est décortiquée. Un traitement différent qui interpelle quant à l’intégrité et la manière de penser de certains consultants. Corporatisme évident ou xénophobie déguisée, les moqueries sur l’accent de Unai Emery et les propos condamnables sur Leonaro Jardim laissent transparaître un mal très profond.
L’Afrique du Sud est un cas d’école en matière de xénophobie. A l’image de son pays, le monde du football sud-africain est fermé aux étrangers. Après avoir vécu l’Apartheid durant des décennies, le pays de Benny McCarthy et Steven Pieneaar est devenu le théâtre de scènes xénophobes. Le foot n’y échappe pas et voit des joueurs se faire agresser par des supporters avides de « casser de l’étranger ».
La xénophobie est présente sous d’autres formes. Le Zenit Saint-Pétersbourg en est victime. Le club phare de Gazprom doit faire face à des supporters qui ont pris le club en otage. Les fans ne veulent pas de joueurs africains qu’ils décrivent comme « une menace pour les groupes de supporters ». Une situation ahurissante mais conforme à la société et au football russe qui est très conservateur. Les supporters veulent un club qui est à l’image de leur ville, orthodoxe et blanche. Pas de place aux juifs, musulmans, homosexuels ou Africains.
Autre exemple avec le Beitar Jérusalem, club connu en France pour avoir recruté Luis Fernandez et Jerôme Leroy. Beitar Illit est une colonie israélienne qui comporte un des taux les plus importants de juifs ultra-orthodoxes de Cisjordanie. Comme à Saint-Pétersbourg, les fans du Beitar Jerusalem veulent une équipe qui ressemble à leur ville. Pour cela, ils n’oublient pas de rappeler aux dirigeants qu’aucun arabe ou musulman ne portera le maillot jaune et noir du Beitar. La Familia, grand groupe de supporters du club, revendique de manière officielle son islamophobie. A la différence des supporters du Zenit, les joueurs noirs sont eux les bienvenus et font même partie de l’ADN du club. Mais quand le club signe deux joueurs russes de confession musulmane, Gabriel Kadiev et Zaur Sadyev, le groupe d’extrême-droite va faire vivre un véritable calvaire aux anciens du Terek Grozny à l’aide de projectiles et d’insultes xénophobes pour faire peur aux joueurs. Lorsque Sadyev marque son premier but avec les jaune et noir, la Familia brûle la salle des trophées du club en signe de désaccord. Pendant 6 mois, les deux parias vont vivre un supplice digne des heures les plus sombres de l’Apartheid. Le seul soutien de la part du Beitar sera d’expliquer que « les musulmans d’Europe ne sont pas comme ceux d’Orient« . Le club se revendique comme le plus raciste d’Israël aujourd’hui au point d’afficher une terrible rivalité avec le club de Bnei Sakhnin. Basé à Sakhnin, dans le nord du pays, ce club a la particularité d’être dans la partie arabe d’Israël. Ouvert à toutes les origines, il est aux antipodes du Beitar. Depuis sa remontée en 2007, les supporters des deux clubs se font la guerre à chaque confrontation.
Football et politique
L’Europe de l’est et en particulier les Balkans font souvent parler d’eux en dehors des terrains sur un autre point. Chez les pensionnaires de l’ex-Yougoslavie, les actions en tribunes sont le meilleur moyen pour donner leur point de vue. Lorsqu’Ivan Bogdanov, leader extrémiste chez les Ultra Boys de l’Etoile rouge de Belgrade, sème la pagaille à Gênes au point d’interrompre un match, c’est pour véhiculer un message. Lui-même disait agir pour contester les agissements de la fédération serbe de football. Une autre version expliquait qu’il avait été payé pour arrêter le match. Pourquoi ? On se saura jamais. Que ce soit en Albanie, en Serbie ou en Croatie, les stades font figure de place publique pour revendiquer tout et n’importe quoi.
Les équipes nationales sont particulièrement prises en otage. Geoffroy-Guichard a été le théâtre de la « créativité » des supporters. Durant Croatie-République Tchèque en phase de poules de l’Euro, les coéquipiers de Luka Modric se dirigent vers une victoire 2-1 mais leurs supporters ne le voient pas comme ça. Alors qu’il ne reste que 5 minutes de temps réglementaire, fumigènes et bombes agricoles fusent devant le but de Petr Cech. La raison de ce craquage est simple, les Croates protestent contre la présence de Zdravko Mamic dans la fédération. Inconnu en France, cet homme d’affaires est la personne la plus puissante du football croate. Ancien agent de joueurs, il était le directeur exécutif du Dinamo Zagreb, le plus grand club du pays, mais aussi vice-président de la fédé. Connu pour ses magouilles, Mamic monte un empire incroyable avec son frère Zoran Mamic, ancien entraîneur du Dinamo de 2013 à 2016 (période durant laquelle son frère était à la tête du club) et son fils Mario, agent de joueurs. Chaque joueur du club était sous contrat avec le fils du patron, ainsi Zdravko Mamic pouvait fixer le pourcentage que Modric ou Kovacic lui verseraient tout au long de leurs carrières. Tout le pays est au courant de l’empire du mafieux mais l’omerta est de mise chez les politiques. En Europe de l’est, la corruption entre dirigeants est monnaie courante, et les supporters le savent. Pour se faire entendre, ils n’ont rien trouvé de mieux que de faire exploser des pétards lors d’un match de leur équipe nationale. Les grands perdants sont les joueurs qui se retrouvent le cul entre deux chaises et sont dans l’obligation de se taire pour ne pas être mis à la cave.
Les Albanais ne sont pas en reste. Si les événements lors du match Italie – Albanie n’ont aucune explication claire, ceux de Serbie – Albanie ont fait parler dans toute l’Europe. Au delà du chaos créé sur la pelouse avec l’invasion des supporters serbes qui ont agressé les coéquipiers de Lorik Cana, c’est l’atmosphère générale qui a fait parler. Pour rappel, la Serbie reçoit l’Albanie pour les qualifications de l’Euro 2016. Alors que les relations entre les deux pays ont toujours été assez tendues, le rapport s’est envenimé ces dernières années. La cause principale est la situation actuelle du Kosovo. L’ex-province serbe peuplée en majorité d’Albanais avait proclamé son indépendance en 2008. Une émancipation qui ne passe pas auprès des Serbes qui revendiquent de manière catégorique que « Le Kosovo c’est la Serbie ». Cette rencontre sous haute tension va éclater à cause d’un illuminé albanais. Un drone va survoler le Stadion JNA de Belgrade avec un drapeau qui aura le mérite de rendre fous de rage les supporters serbes. Ce fameux drapeau représentait la carte de la « Grande Albanie », un projet lunaire qui a le don d’énerver tout les pays concernés et dont le but serait de réunir les Albanais d’Albanie, de Serbie, de Macédoine, de Grèce, du Kosovo et du Monténégro dans un même pays. Ce drone va provoquer un climat de guerre l’espace de quelques minutes avec des chants demandant la mort des Albanais. Encore une fois, les équipes nationales sont les victimes collatérales des supporters ou dirigeants passionnés.
Idiots, amnésiques, qui sont ces gens qui ruinent la réputation des vrais supporters ?
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